• Accablant, consternant, jusqu'où ira-t-on?Je viens de visionner la vidéo accablante que l'on trouvera ici. Accablante parce qu'elle ridiculise le politique, parce qu'elle met vraiment un média au service de la plus basse vulgarité, accablante parce qu'un homme politique, en l'occurrence le député de mon petit pays, Hervé Mariton, se prête au jeu infâme dans lequel on l'entraîne. Et du reste le langage du corps est fichtrement éloquent, on y voit bien que tous les muscles de son corps s'y opposent, qu'il est révulsé parce qu'il est en train de faire.

    Mais, tonnerre de Brest, qu'est-ce qu'il fout là? Est-ce la puissance supposée du média qui le contraint de se ridiculiser - parce qu'il n'y a pas d'autre mot- dans cette séquence? Sont-ce les moeurs qui se sont diffusées dans le monde politique qui font qu'il est désormais convenu de se soumettre à celà? Est-ce l'intuition (juste au demeurant) que le politique a perdu le contact du peuple et que, peut-être, le peuple est là, devant cette chaîne? Est-ce alors comme une volonté désespérée de retrouver ce contact? Bien entendu, cette vidéo a couru les réseaux sociaux et c'est, au total, l'image qu'elle donne de la politique en général, à moins que ce ne soit le contraire, à savoir qu'elle a couru les réseaux sociaux parce qu'elle donne une image désastreuse de la politique et que c'est ce qu'attend le public.

    Faut-il qu'on en soit arrivé là?PAS MON GENRE.- Je suis en désaccord très sérieux a vec ce monsieur. Mais je ne peux imaginer une seconde que l'éventuel débat avec lui puisse s'instaurer sur ce mode du ridicule.J'ai écrit sévèrement sur lui alors qu'en quelque sorte nous sommes voisins. Mais je ne peux pas imaginer recourir à ce genre de procédés. M. Mariton est un élu de la République et, comme tel, je le respecte, parce que je respecte en lui la République. Tout élu est toujours un peu davantage que sa simple personne et ce plus là impose un respect. Celui des autres à son égard, celui de lui-même à cette parcelle supplémentaire de sa personne. Le pitre de Canal + n'a pas respecté cela, ni M. Mariton, non plus.Ce sinistre épisode l'aura - je le parie- bien davantage conforté dans ses opinions que rapproché d'autres.

    Je ne suis pas assez sot pour ne pas voir le côté humoristique que l'on souhaite donner à l'émission. Mais il n'y a rien de déshonorant à refuser de se prêter à ce dont on sait qu'on est incapable. Du reste, il est frappant, dans la séquence, d'entendre Mariton dire à plusieurs reprises des choses qui signifient, au fond, "ce n'est pas mon genre". Le comble absolu étant que, quelques temps avant, Canal + avait déjà mené semblable opération avec lui.

    Si, comme on est enclin à le penser dans une lecture assez cynique de ce petit évènement, c'est la conscience probable de la part de Mariton que, dans la compétition à laquelle il participe (pour la présidence de l'UMP) il a d'ores et déjà perdu - et de beaucoup, si je comprends bien les sondages que je lis- et qu'il s'accroche désespérément, alors c'est pathétique. Rien ne vaut cela.


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  • Conversation avec un éditeur autour d'une tasse de café. Il me confirme une information que j'avais: les éditeurs doivent payer les grandes surfaces du livre pour avoir leurs ouvrages bien exposés dans certains lieux favorables du point de vente. Un de mes amis vient de publier un livre en Pologne: même histoire. Conséquence: les petits éditeurs ne peuvent défendre leurs textes à armes égales. Mais d'un autre côté, comme même les gros éditeurs doivent pouvoir rentrer dans les frais de ce racket des librairies à Bibliothèque du Trinity College de Dublingrande surface, il faut qu'ils soient assurés d'une grande vente. Donc finis les textes compliqués, adieu les nouveaux venus. Il faut du standard, du confirmé. Parce que tout le monde est pris dans un engrenage dément. L'éditeur qui veut s'assurer d'une large diffusion va devoir envoyer un grand nombre d'exemplaires à travers les points de vente. Ca ne veut pas dire qu'il va les vendre. Et neuf mois plus tard, il risque de retrouver avec un gros montant d'invendus qu'il va falloir financièrement restituer aux libraires qui retournent ces volumes. D'où des maisons qui, ayant un jour tenté l'aventure de la vente massive, se retrouvent subitement à genoux parce qu'elles ont fait un bide sur quelques titres avec un coefficient multiplicateur de dépenses beaucoup plus élevé puisqu'on aura largement arrosé dans le pays, largement payé les gros libraires. Du reste, beaucoup de vraies bonnes affaires viennent de livres qui ont peut-être perdu de l'argent à la vente en librairie, mais dont les droits ont été rachetés par des compagnies de cinéma pour une adaptation.

    Dans la mécanique folle des marchands de livreL'ENFER DE L'IMMOBILIER.-Mais les gros libraires eux-mêmes ne peuvent justifier ces pratiques que pour une raison paradoxale. Il faut qu'ils offrent un volume considérable de propositions d'achats - ici de livres- pour qu'ils représentent une raison tentante de s'y rendre. En une seule surface, on a une variété inouïe de propositions. Mais pour que ça marche, il faut que ce soit en plein enfer immobilier, là où ça coûte le plus cher: en plein centre des villes. D'où des frais exceptionnels - la fermeture des Virgin est éloquente- qui les rendent totalement dépendant de leurs banques. Une petite chute des ventes et c'est le drame. Ce sont des monstres, mais des monstres fragiles. Il existait à Lyon, sur la place principale de la ville, la place Bellecour, deux belles librairies: l'une que l'on appelait Flammarion même si elle n'appartenait plus depuis longtemps à l'éditeur, l'autre était le prolongement de la fameuse librairie Decitre qui tient son nom d'une famille. Les deux qui étaient de vastes surfaces - particulièrement la première- ont disparu. Il ne reste plus de Decitre que son établissement d'origine sur la même place.

    Je cite le ministère français de la culture: "Le nombre total de lieux de vente du livre (librairies, grandes surfaces culturelles, hypermarchés, supermarchés et magasins populaires) se situe en France autour de 20 000 à 25 000. Sur ce total, 15 000 ont une activité véritablement régulière de vente de livres et seuls 3 500 à 4 500 d’entre eux exercent cette activité à titre principal. (...) Si les librairies les plus importantes se trouvaient généralement dans une position plus favorable, la situation est devenue préoccupante à partir de 2009 pour les petites librairies de proximité et a tendance à s'accentuer fortement depuis 2011 pour toutes les librairies. Le poids des réseaux de librairie sur le marché du livre et en particulier celui du réseau des librairies de 2e niveau a en effet connu une érosion régulière depuis le milieu des années 1990, conséquence directe du développement des réseaux de grandes surfaces spécialisées ou alimentaires, puis, dans la période récente, des ventes par internet, qui connaissent depuis plusieurs années des taux de croissance à deux chiffres." Au demeurant, il faut signaler les très mauvaises performances boursières d'Amazon qui tiennent à ce que les investisseurs ne croient pas- probablement sur la base de bonnes informations- à sa volonté vendre tout et n'importe quoi. Or, il faut se demander pourquoi Amazon fait ce pari un peu fou. Est-il si sûr qu'il amortisse son gigantesque système uniquement sur le livre?

    Dans la mécanique folle des marchands de livresDans la mécanique folle des marchands de livresVENDRE? MAIS OU? Par ailleurs, la presse et le livre vivent en commun une tragédie dont le public n'a pas une juste mesure: l'importance des fermetures de point de vente. Le phénomène est massif. Chaque fois que le béton avance la presse recule. Et de même pour la librairie. On a déjà pu comprendre cela en observant, dans les grands points de vente (FNAC), combien les lieux d'exposition du livre passaient dans des étages lointains. Dans mon petit pays, Crest, la FNAC va pourtant ouvrir pour la deuxième fois en France, dans une petite ville. On devine que c'est une expérimentation pour rattraper peut-être des clients.

    Quoi qu'il en soit chacun comprend qu'on ne peut vendre des voitures sans concessionnaire. Eh bien pour livres et journaux c'est pareil. Je note que la Pologne a une intéressante pratique, du moins à Varsovie, de cafés-librairies. Je serais intéressé de savoir s'ils équilibrent mieux. Du reste, je note que la Gazeta Wyborcza, l'équivalent du Monde à Varsovie a un vaste lieu de réception, un café + les locaux de sa radio. Or, il semble que ce soit bien le projet du nouveau patron de Libération de reconsidérer la fonction même du lieu du journal.

    S'ajoute le phénomène majeur de la baisse de la lecture en tant que pratique culturelle. En 2013, les Français ont lu, en moyenne, quinze livres, contre seize en 2011. La "net génération", née après 1980, lit de moins en moins, attirée par d'autres supports et d'autres modes d'expression (vidéo). Et je ne dis rien de l'effondrement de la presse papier qui est massif, international et sans équivalent antérieur.

    Dans la mécanique folle des marchands de livreACCABLANT.- Bien sûr, il y a la posture du marginal. Marginal de l'édition qui est extrêmement difficile compte tenu de l'absolue dépendance des réseaux de libraires, les ventes en ligne directes étant très faibles. Marginal de la librairie, dont il existe quelques heureux exemples, notamment dans mon petit pays drômois. Mais au total on voit bien combien la mécanique ici décrite conduit à des pensées et des écrits stéréotypés et, finalement, à un abaissement lent de l'imaginaire collectif. Il est accablant que les livres de Mme. Trierweiler et de M. Zémour arrivent au niveau de domination du marché que nous voyons. Si tout le monde lit le même genre de livres, on est devant le grignotement de la pensée libre et originale. Le passé ne fut pas toujours tout rose. La recherche du temps perdu de Marcel Proust a été d'abord publiée à compte d'auteur...


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  • A fond dans le potageJe découvre dans un article du Parisien une de ces histoires qui fait frémir sur le niveau de précarité intellectuelle, de confusion mentale que l'on peut rencontrer de nos jours. Maxence Buttey est conseiller municipal Front National à Noisy-le-Grand et il vient de se convertir à l'islam. On imagine l'enthousiasme de ses électeurs. Déjà l'itinéraire est parlant:  "Il rate, écrit le Parisien,  le concours d'entrée en médecine et s'oriente vers un BTS de gestion qui ne l'intéresse pas, avant de tout plaquer pour faire du droit à Paris". Ce papillonnage est révélateur. Faudra qu'on nous explique comment on peut, en toute rationalité passer de la médecine au BTS de gestion. La réponse est connue: il n'y a précisément aucune rationalité et c'est même le coeur de l'affaire.  

    A fond dans le potage ou Lacombe Lucien nouvelle version TAUX D'INTÉRÊT.- « J'ai découvert l'islam grâce à un camarade, sur les bancs de la fac de médecine, à 19 ans, raconte-t-il. Nous A fond dans le potage ou Lacombe Lucien nouvelle versionavons beaucoup parlé, et j'ai été amené à m'interroger. J'étais catholique mais, en relisant la Bible, je me suis aperçu de toutes les incohérences. En lisant le Coran de manière approfondie, j'ai compris que cette religion est plus ouverte. »Maxence veut s'engager pour son pays, continue-t-il de dire au Parisien. Il dit trouver dans le programme du FN, lors de la présidentielle de 2012, de nombreuses similitudes avec l'islam : « Les deux sont diabolisés et très éloignés de l'image que les médias en donnent. Comme l'islam, le FN défend le plus faible. Le parti dénonce les taux d'intérêt exorbitants de la dette de notre pays. Et l'islam est contre la pratique de l'usure. »

    Ce passage est extrêmement intéressant. C'est en effet un signe de désarroi intellectuel pathétique de choisir sa religion en fonction de sa condamnation ou non de l'usure. Il est manifeste que la religion a un tout autre objectif quelle qu'elle soit. A ce compte, il est urgent que le boudhisme ait une position sur la pollution de l'air, le chamanisme sur les taux courts et les taux longs, le catholicisme sur les voitures électriques, le protestantisme sur l'écotaxe et l'orthodoxie sur les sièges pour bébés.Ce sont sur des critères d'une incroyable pauvreté que se détermine ce malheureux. Si ça se trouve, il a adhéré au Front National pour sa position supposée sur le suaire de Turin, après avoir quitté l'UMP pour son attitude vis-à-vis de la couronne d'épines. On pense aussitôt à Lacombe Lucien, ce garçon qui, pendant la deuxième guerre mondiale va basculer dans la collaboration au fond sans savoir pourquoi. Il ne voit pas de différence entre la milice à laquelle il va appartenir et la résistance. No comment. 

    VIDÉO.-Du reste, tant qu'à faire, on serait aussi intéressé de savoir pourquoi Maxence Buttey a adhéré au Front National. Le comble étant, bien A fond dans le potage ou Lacombe Lucien nouvelle versionentendu, qu'il ait été élu. "Le jeune élu, écrit plus loin Le Parisien, a du mal à croire à la version officielle des attentats du 11 septembre 2001. De même qu'il estime qu'il y a beaucoup de flou autour de l'affaire Merah. « Je suis contre le niqab, contre l'exclusion, jure-t-il, cette religion n'appelle pas à couper des têtes comme le pratique l'organisation Etat islamique. » Buttey préfère ne pas trop s'étendre sur le jihad. En revanche, il a envoyé, il y a quelques jours, une vidéo vantant l'aspect visionnaire du Coran aux cadres du bureau départemental du FN". On aurait voulu être là lorsqu'ils l'ont visionnée.
    Incidemment, ceci offre un éclairage très instructif sur le niveau de recrutement du FN et la stabilité intellectuelle de ses recrues.


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  • Temps de peurJe me retrouve dans un petit village de ma région dans une réunion où un spécialiste de la maison respectueuse de nos vies - la maison saine-  fait un exposé apocalyptique de ce qui nous menace à l'intérieur de nos maisons: les hautes et les basses fréquences, le radon, les acariens, les pollutions innombrables. Mon vieux père disait: "On en meurt ou en reste idiot".Et ceux qui prétendent que ça n'est pas vrai sont de supposés experts qui ont des intérêts dans les multinationales. Personne ne semble remarquer que l'intervenant lui-même fait profession de concevoir des maisons de ce type. Il y a un non-dit permanent qui est qu'un éventuel contradicteur serait un salaud. On n'est pas dans le débat, on est dans le matraquage. C'est Temps de peurdégoulinant de technique. Et à mon avis, largement vrai. Dans ces domaines où je ne connais rien, je ne me hasarderais pas à contredire quiconque. Mais le ressort de tout cela est la peur. Et il est frappant d'entendre par moment des frémissements dans la salle, frémissements feints peut-être, mais qui disent bien l'ambiance. Surtout qui nous disent bien l'époque car il y a dans ces frissons une manière de délectation dans la conformité à l'époque. Pour le dire autrement: ce que notre époque a produit est mauvais d'une manière intrinsèque.

    Temps de peurBISTROT.- Il se trouve que, arrivant pour cette réunion d'un autre reportage, j'ai dîné, une demi-heure avant, dans le bistrot du coin, sous sa télévision. Et je me suis colleté là avec la distillation de la peur venue de Montréal et des États-Unis par l'habituel reporter planté devant un bâtiment officiel faute de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre. La peur, là encore et avec un islamiste musulman: du gâteau.

    Quelques heures avant, roulant en direction de la Drôme, j'écoutais Science Publique de Michel Alberghanti sur France Culture où j'entendais le pourcentage dérisoire d'élus nationaux ou de conseillers de haut rang qui aient une formation scientifique - en l'espèce un master d'une quelconque discipline scientifique. En clair, nos décideurs politiques, dès qu'ils ont à prendre une décision scientifique sont dans le coltard, répercutant donc les peurs qu'ils entendent dans leur électorat. Il ne leur reste que ça. Ils n'ont pas l'environnement scientifique, l'"équipement conceptuel" pour juger correctement.

    Temps de peurSCIENCE ET TECHNOLOGIE.-Et un des intervenants faisait justement remarquer la confusion généralisée entre science et technologie. Il est par exemple clair que pour le moment ni les technologies de la fracturation des roches pour extraire le gaz de schiste, ni celles des OGM ne sont au point. Les effets colatéraux sont trop graves pour qu'on les accepte. Mais c'est de l'obscurantisme absolu de refuser à des scientifiques de mener des recherches dans ces domaines. Je suis frappé, à cet égard, de ce que des gens qui passent des heures à asséner des démonstrations scientifiques bloquent soudain sur l'idée qu'on poursuive les recherches. Ceux-là qui veulent nous convaincre "rationnellement", par un glissement subit, passent dans l'émotionnel. Naturellement, je sais bien pourquoi: ils ont l'intime conviction, comme le sympathique garçon de ce soir, que d'éventuelles recherches seraient menées par des groupes intéressés. Et ce n'est pas sans fondement. Mais de là à refuser toute recherche, il y a un pas intolérable. D'autant moins tolérable que je me méfie de certaines convergences. Qui est le grand gagnant de l'élimination des recherches OGM de France (notamment de Limagrain, par exemple)? L'américain Monsanto entre autres, sans parler des autres concurrents qui ont vu avec satisfaction s'éloigner la menace française. Fortuitement? Je serai mort lorsque les archives s'ouvriront mais je regrette à l'avance de ne pas savoir ce qu'elles révéleront. Il ne faut pas me prendre trop pour un con.

    Temps de peurMARX REVIENT!.- Et, sur ces sujets, l'irrationnel est devenu tel qu'il faut renoncer à argumenter. Je lisais l'autre jour un débat quelconque sur internet sans le moindre rapport avec les OGM. Et soudain tomba la phrase qui désintégrait l'opposant: "De toutes façons, il est pour les OGM". Expliquez moi: c'est l'équivalent de pédophile? On voit bien là que, soudain, on est dans la morale - ou dans une supposée morale. On touche au dogme. Marx revient! Ils sont devenus fous.

    Mon soupçon est que nous avons besoin de la peur. Elle justifie des irrationnels lorsque précisément nous ne voulons pas de rationnel, nous voulons nous évader, chercher ailleurs les clés de notre monde. La peur est mobilisatrice. Que les choses soient claires: je n'accuse en rien ce malheureux intervenant, qui disait par ailleurs des choses pleines de bon sens, d'être de ceux qui la manipulent. Mais il y en a qui le font. Et le terrain est favorable. Au surplus, c'est ce qui est de plus simple à faire.


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  • Combien le temps compteIl se trouve que je suis depuis quelques temps en Pologne, très handicapé par mes obligations pour continuer à alimenter ce blog.

    Mais décidément qu'il est instructif de regarder son pays de loin! Je me trouve parmi des gens qui ont vécu la persécution antijuive, dont les itinéraires privés, parfois intimes, ont été très profondément bouleversés par ces drames et d'autres comme les persécutions des communistes. Lorsqu'on marche dans les rues de Varsovie, ici ou là, il suffit de lever la tête pour voir encore visibles les marques de l'insurrection soit du ghetto, soit de la ville même. Je sais bien que cela existe encore parfois aussi en France, pour l'excellente raison que ma propre demeure en porte les stigmates. Mais enfin quels écarts! Il existe, en plein coeur de Varsovie, à l'emplacement du ghetto juif, une rue très étroite. Sur le trottoir de gauche, une admirable restauration a été entreprise. Du clinquant, du choquant même. Et puis l'immeuble de l'autre trottoir n'a pas un centimètre carré où l'on ne voit des traces de balles. Les échafaudages se mettent en place; dans un an ou deux on ne verra plus rien. De façon Combien le temps compteassez stupéfiante une législation a été édictée qui autorise de complets étrangers à se substituer à des familles juives disparues et à y monter des opérations immobilières. Tout cela pue la fétide spéculation.

    Combien le temps compteAUTRE UNIVERS.-Le soir, en rentrant à mon hôtel, ayant entendu parler tous ceux qui racontent cela, je lis les sites internet des journaux français pour y apprendre, par exemple, qu'on semble se rapprocher de la mise sous les verrous des Balkany, pour des fraudes fiscales d'une ampleur inouie. Moi lorsque j'oublie une amende pour stationnement irrégulier, ça me ronge les sangs. Là, on est vraiment dans un autre univers.

    Et c'est ainsi que je vois un extrait d'une interview de Manuel Valls qui voudrait créer, si je comprends bien, une maison "des progressistes" où se retrouveraient tous ceux qui se définissent vaguement par ce mot. Et - enfin!- il admet qu'avoir rejeté Bayrou en 2012 fut une colossale erreur. Eh oui.  Seulement voilà, maintenant, c'est trop tard. L'intelligence du politique, si ça n'est pas celle du temps, ça n'est rien. Non seulement il faut prendre des mesures mais il faut les prendre au bon moment. Bayrou eut - en votant Hollande et en le faisant savoir-  son geste de courage au bon moment, au moment de la présidentielle, au moment où ça comptait. Bien sûr, il a perdu beaucoup de soutiens dans sa propre famille. Mais en ce temps là, le PS hégémonique et hautain, qui a pour cela une manière  de génie détestable, n'allait - n'est-ce pas?- pas s'abaisser. Il m'a toujours paru incompréhensible qu'un parti qui se prétend humaniste, proche du peuple, généreux, puisse comporter autant de personnages d'une prétention glacée. Aujourd'hui, il y a le feu partout et les mains tendues n'ont plus de sens. On peut mener de bonne foi des bonnes ou des mauvaises politiques- je crois qu'en cette matière la tolérance populaire  est beaucoup plus importante qu'on ne le pense, parce que chacun est sensible à la sincérité des convictions-   mais toujours, toujours, partout, l'arrogance est insupportable.

    Je l'ai écris dans ce blog, Sarko est hors du temps, toute l'UMP est hors du temps, le PS est hors du temps. La grande question désormais est de savoir qui reviendra en phase avec notre temps.Et être dans le temps, c'est entendre le peuple. Il y faut du pur génie. On ne peut pas en vouloir à ceux infiniment nombreux qui n'ont pas ce génie. On peut et on doit en vouloir à ceux qui prétendent l'avoir mais qui ne l'ont pas.


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  • Se construire une belle haineSe construire une belle haineJe suis en train de lire un énorme pavé qui est plein d'enseignements pour aujourd'hui. Il s'agit de Une passion républicaine, protestantisme, républicanisme et laïcité dans la Drôme de Jean-Paul Augier. Ca concerne la période 1892- 1918 et ce qui est intéressant c'est qu'on y voit comment tous les arguments pour haïr une communauté sont toujours les mêmes. Les protestants sont soupçonnés, dans cette période où nous cherchons à contrôler Madagascar, d'être des agents de nos concurrents anglais de l'époque, via les pasteurs. C'est la thèse qui reservira contre les juifs, "pas vraiment français" et aujourd'hui contre les musulmans supposés au service des puissances du Golfe ou d'Algérie ou du Maroc. Les protestants sont accusés tout contrôler. Je ne prends même pas la peine de détailler ici ce que ça s'est appliqué aux juifs dans l'entre-deux guerres.

    Bref, on trouve là cette constance dans les arguments de la haine que reprend actuellement avec acharnement (et un rare sens du marketing) un Éric Zemmour. Mais, on voit bien aussi ce qui est à l'oeuvre alors et aujourd'hui qui permet à ces arguments de fonctionner: le sentiment du déclassement. Effectivement, les catholiques drômois ne sont plus seuls. Effectivement, ils ne sont plus les maîtres. Effectivement, le parti radical est très protestant. Effectivement, la mise hors jeu longtemps du protestantisme l'a poussé par la suite vers la franc-maçonnerie. Et personne n'aime partager. C'est une loi de toute éternité. Mais lorsqu'on lit, sous la plume de Jean-Paul Augier, les hectomètres-cubes d'âneries et de diffamation que cela a conduit à proférer, on est accablé.

    Et, comme trop souvent, on voit les victimes- ici les protestants- réutiliser à leur tour les arguments honteux qu'on leur avait opposés. Il advint ainsi au tout début du XX°, à Saillans qu'on eût besoin, pour les funérailles d'un libre-penseur de la civière des protestants très puissants localement. "Ah mais non," dirent-ils, "rien pour les athées". Comme on dit, par l'un pour relever l'autre.

    Surtout qu'on voit bien que pas le moindre de ces arguments n'a supporté le passage du temps. Il n'y a pas le moindre historien catholique, juif, musulman qui pourrait accorder le plus petit crédit à une seule de ces assertions. Peu importe: elles ont servi à mobiliser les esprits de ces temps-là. Il faut s'en souvenir aujourd'hui.


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  • Les écolos ont un problème avec la popularitéLa suspension qui vient d'être annoncée de "l'éco-taxe" devrait contraindre les milieux écologistes - dont c'était une juste cause-  à réfléchir sur leur insertion, à leur poids, à leur capacité d'intervention dans la société. Je veux dire la société des hommes, tant il apparaît que, parfois, les humanoïdes leurs sont légèrement méconnus, ou plutôt qu'ils s'en désintéressent. J'ai, comme journaliste, le souvenir pénible d'une longue discussion avec un personnage dont je ne conteste aucunement les connaissances naturalistes - et même le fait que, sur beaucoup de points il avait raison- mais qui manifestait une quasi-réticence physique à reconnaître que tel ou tel homme bien ordinaire pouvait être victime des agissements des loups ou des vautours. Et il s'en faut d'énormément que le cas ait été isolé.

    Les écolos ont un problème avec la popularitéLes écolos ont un problème avec la popularitéSAUTER UNE ÉTAPE.- Soyons clair: j'ai l'intuition que beaucoup des affirmations qui nous viennent de ces milieux sont pertinentes. Le grave problème est que beaucoup voudraient, en quelque sorte "sauter une étape", se dispenser du passage par la pédagogie à chacun, aux plus humbles, au nom d'une science de la nature que je ne vais pas leur contester parce que la mienne est modeste mais qui n'en est pas moins assénée souvent de façon hautaine et méprisante.

    Les écolos ont un problème avec les gens simples, avec le bistrot, avec la partie de boules. Leurs convictions les ont nourris d'une certaine idée de supériorité. Il faut regarder les choses en face: les résultats électoraux des écologistes sont chroniquement désastreux. Dans une hypothèse favorable, ils arrivent à placer quelques hommes et femmes en position marginale dans des conseils municipaux. Les résultats des sénatoriales viennent d'en apporter la preuve: s'ils avaient eu plus de "grands élus" (maires, adjoints) ils auraient obtenu de meilleurs résultats. Il est consternant et significatif  qu'une intelligence comme celle de Daniel Cohn Bendit se soit éloignée d'eux. Il avait soulevé une excellente problématique en parlant de "boite à outils" de l'action politique, mais les écologistes ne sont pas parvenus à comprendre qu'il y avait un moment où il faut s'organiser dans la discipline, ce qui implique par moment de fermer sa gueule et de suivre une ligne intelligible par le plus grand nombre.

    Et puis, il faut de l'humilité. Malheureusement, le sentiment d'être investi par une force supérieure qui serait celle de la Nature qui, dans la bouche de certains, devient une déesse mythologique, génère parfois des attitudes exaspérantes de grands prêtres. Oui, ça n'est pas marrant de discuter avec un vieux chasseur un peu alcolo, oui les élections locales ce sont des affaires de trottoirs et de conduites. Mais ce n'est qu'au prix d'accepter ces peu marrants dossiers qu'on finit par obtenir du respect de la popularité locale et, par conséquent de pouvoir faire passer, par exemple, son opposition au nucléaire, aux gaz de schiste, etc.

    Leur chance est que certains de leurs opposants sont si spectaculairement plus désagréables - je pense à certains milieux, pas tous, de la chasse- qu'instinctivement on se range du côté des écolos. Mais je suis fatigué de voir la vitesse à laquelle on sombre dans l'invective et je crains fort qu'à force de vouloir porter le verbe trop haut ils aient été les alliés de leurs adversaires.

    Les écolos ont un problème avec la popularitéCARACTÉRISTIQUE TRÈS FRANCAISE.- Les écolos ont souvent du génie pour populariser leurs causes. Ils ont parfaitement compris l'usage à faire des médias. Leurs manifs sont marrantes, leur énergie force l'admiration... et puis, plof, plus rien.Pourquoi cet écart? Pourquoi, alors que le plus grand nombre - et moi dans celui-ci- est intuitivement pour le respect de la nature, méfiant vis-à-vis de ces manips des mondes du nucléaire ou du gaz de schiste, le saut vers le suffrage universel, ne se fait-il pas? Je veux bien qu'on prétende sans cesse que c'est de la faute d'obscurs lobbies mais il y a un moment où cette explication devient un peu commode. Je suis frappé de l'impact que les écologistes allemands ou suisses ont pu trouver, en particulier dans des décisions à impact très important, (le nucléaire, en particulier) parce qu'il leur est arrivé d'accepter des négociations probablement avec des gens qu'ils détestent. Mais au moins, ils ont obtenu des résultats. Je suggère aux écologistes français d'aller regarder de près ce qui se passe dans ce pays très conservateur qu'est la Suisse. Nous avons des leçons à y prendre en matière d'environnement.

    Mais ceci tient à une caractéristique très française. Dans le restant de l'Europe du Nord, on a une représentation du pouvoir, de la politique, beaucoup plus pragmatique, il faut bien le dire beaucoup plus modeste. Nous avons, en France, une manière d'en attendre tout, de dénoncer sans arrêt des faits du prince pourtant si inopérants qui se retourne contre nous.

    J'ajoute qu'il y a, en France, une spécificité complémentaire. Pour des raisons peut être liées à l'ambiance politique du pays, on a lancé ce concept flou d'"écologie politique" qui permettait de se présenter comme "de gauche", tout en préservant une coloration "verte". Ce souci a été bien moins grand ailleurs en Europe où on ne tient pas le monde politique en suffisante estime pour devoir se situer par rapport à lui. Le "naturalisme" n'y fait rougir personne alors qu'en France honte soit sur Antoine Waechter que ne passionnaient pas les postures politiques. Or l'écologie a un problème: étant soucieuse de préserver la nature, elle a un tropisme conservateur. Certains de ses partisans peuvent l'être terriblement. On ferait bien de comparer les écrit de M. Rabbhi avec ceux du philosophe des années quarante Gustave Thibon si admiré des pétainistes. On m'excusera de ne pas admirer. Mais dans le même temps, il faut "faire moderne", donc alternatif. Tout ça aboutit à une purée à laquelle je confesse ne plus rien comprendre 


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