• Daech: et voilà la drogue qui s'en mêleToutes les guerres ont une connexion avec les réseaux criminels. Il est de notoriété publique qu'un certain nombre des grands conflits du XX° siècle ont, à un moment ou à un autre ont amené les parties en cause à se mettre en relation avec les grands réseaux criminels soit qu'il s'agisse de trouver des armes, soit qu'il s'agisse de trouver de l'argent. L'exemple le plus flagrant dont nous voyons, aujourd'hui encore, des prolongements est le cas de l'Irlande du Nord dont j'ai abondamment traité ici et ici.

    Or voici que surgit l'affaire du juteux trafic de captagon, amphétamine qui a le double avantage d'inhiber la peur des combattants dans le conflit syrien et de permettre de beaux profits qui, bien sûr permettent le financement des combats. Pas moins de deux tonnes des pilules de captagon ont été saisies à l'aéroport de Beyrouth lundi 26 octobre. Le prince saoudien Abdel Mohsen Ibn Walid Ibn Abdelaziz et quatre autres personnes, dans les bagages Daech: et voilà la drogue qui s'en mêledesquels on a trouvé tout cela,  comptaient se rendre à Riyad en jet privé. Côté profit, il n'y a pas photo: une pilule coûte quelques centimes de dollars au Liban et se revend plus de 20 dollars en Arabie saoudite, où près de 55 million de comprimés sont saisis chaque année.

    Côté "stimulant de combat", Daech n’est pas le seul à avoir recours à cette drogue à base d’amphétamine : sur le front militaire syrien, les membres d'Al-Nosra et les soldats de l’Armée syrienne libre (ASL) l’utilisent.  Un officier de la brigade des stupéfiants de Homs, cité par Reuters, se rappelle l'attitude surprenante des prisonniers sous l'emprise de Captagon : "On les frappait et ils ne ressentaient pas la douleur. La plupart d'entre eux rigolaient alors qu'on les bourrait de coups."

    Le conflit du Proche-orient, avec ce que cela implique d'états qui ont perdu le contrôle sur leur propre territoire est pain béni pour tous les trafics. La Syrie est devenue la plaque tournante de la production et de l’exportation du Captagon, très facile à contrefaire. Le Captagon n’est donc pas seulement une drogue de terrain. Son trafic a entraîné la naissance d’une véritable économie de guerre, selon Radwan Mortada, spécialiste des mouvements djihadistes : "Les milices en Syrie en consomment une partie mais elles l’exportent aussi vers l’étranger, notamment vers les pays du Golfe. Les gains leur permettent de financer l’achat de leurs armes et leurs opérations militaires."Ainsi, "un sac qui contient 200.000 pilules rapporte 1,2 million de dollars une fois arrivé à destination". Des bénéfices d’autant plus importants qu’il suffit seulement "de quelques milliers de dollars" pour produire une telle quantité de Captagon.

    L’Arabie saoudite est particulièrement friande de cette amphétamine : 55 millions de pilules y sont saisies chaque année. Et ces chiffres ne font qu’effleurer la réalité, puisqu’ils ne représentent que 10% des pilules en circulation dans le royaume. Est-ce pour cela que c'est un prince saoudien qui est en cause? Ou bien, celui-ci avait-il l'intention de pourvoir à des besoins des combattants en Syrie pour des raisons plus politiques? On aimerait bien le savoir. Mais, une fois encore, la situation actuelle de l'Irlande montre qu'une fois que les réseaux mafieux ont mis le pied quelque part, il est difficile de les éradiquer fut-ce plus de dix ans après la paix. 

     


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  • Cameron prisonnier de sa propre tactiqueDavid Cameron commence à paniquer. Il avait agité la menace du référendum sur la sortie de l'Europe en espérant obtenir des concessions bruxelloises. Pour le moment, elles ne viennent pas pour l'excellente raison qu'avec la crise des migrants, il y a d'autres urgences. Mais, pendant ce temps là, la campagne pour le "non" (c'est-à-dire pour le départ de l'Europe) se développe en Grande-Bretagne. Elle utilise des arguments qui font peur au 10 Downing street en particulier celui selon lequel en votant non, la Grande-Bretagne serait plus forte pour obtenir de nouvelles concessions européennes. Argument bizarroïde, on en conviendra.

    Cameron prisonnier de sa propre tactiqueDonc, Cameron a été contraint de rappeler que "non, c'est non" et que ce serait clairement une sortie de l'Europe. Or, des études répétées montrent les avantages substantiels que la Grande-Bretagne tire de l'Europe. Ainsi par exemple, une étude vient de montrer que seules 10% des fermes agricoles pourraient se maintenir puisque les concours européens représentent de 30 à 50% des revenus des paysans britanniques en moyenne.  L'agriculture serait donc très sérieusement impactée.

    Le gouverneur de la Banque d'Angleterre en personne a estimé publiquement que la Grande-Bretagne avait gagné en ouverture. Tout ceci pour ne rien dire de la City qui est vent debout contre l'idée d'un Brexit car le risque serait alors que d'autres places financières grignotent ses positions. Or, l'emploi dans le secteur bancaire et financier représente un pourcentage non négligeable de l'emploi global en Grande-Bretagne. Bref, Cameron est très mal et d'autant plus que chacun a son petit jeu à jouer. L'UKIP europhobe a obtenu de bons résultats aux dernières législatives et sera menaçant pour de futurs scrutins. Donc Cameron est prisonnier de ce qui fut sa propre tactique. Et toute la question est de savoir jusqu'où il pourra se dédire. 

     


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  • L'Europe ne peut pas se permettre de voir s'effondrer la TurquieCe dimanche se déroulent une nouvelle fois des élections législatives en Turquie, sorte de rebelote, après qu'un premier scrutin, avant l'été, n'ait pas donné au parti de Recep Erdogan la majorité qu'il escomptait, notamment pour aller vers un régime présidentiel. Cela ne s'est donc pas produit et il y a assez peu de chances que cela se produise ce dimanche. Les sondages, en vérité, montrent peu de changements, sauf un tout dernier vaguement suspect.. Pourtant la violence inouïe de récents attentats suicides (voir ici) et d'affrontements multiples devrait renforcer le pouvoir autoritaire en place. Mais il ne semble pas que cette logique soit à l'oeuvre. Le pouvoir le sent bien qui a eu cette extraordinaire faiblesse de dire qu'on pourrait...revoter encore bientôt, sous-entendu si le résultat ne lui donne pas satisfaction. L'attaque contre une télévision, la mainmise sur des journaux de la part du pouvoir donnent une image désastreuse de sa dérive autoritaire. Toute la question est de savoir jusqu'où peut aller le coup de force et dans quelle mesure l'opinion va réagir.

    Pour l'Europe, l'enjeu est de taille. Quel est au sud du continent l'ultime pays dont l'état tienne encore à peu près debout? Les pays des Balkans sont bien faibles, la Grèce en pleine crise. Et ce n'est pas un hasard si la chancelière allemande, Mme. Merkel, s'est récemment rendue à Ankara. Si ce verrou là saute, la crise sera immense. Je n'entends pas ici que l'échec éventuel de M. Erdogan signifierait que le verrou a sauté. La vraie question est de savoir si la Turquie est infiltrée significativement par des réseaux de l'Etat islamique. Il semble bien que la réponse soit positive. Beaucoup suggère que le dramatique attentat suicide d'Ankara qui a fait plus de cent victimes ait été organisé par Daesh.

    En vérité, peu importe, du point de vue européen qui l'emporte finalement. On peut même penser qu'une progression du parti kurde qui a réussi à fédérer autour de lui de non-kurdes aspirant à plus de démocratie serait, probablement, assez bien vu. L'arrogance de M. Erdogan finit par devenir agaçante. Ce qui importe c'est que l'état turc continue de tenir debout. Il peut se prévaloir d'une armée et de services d'ordre forts et d'une société civile dynamique. Mais enfin si les kurdes n'accèdent pas au pouvoir pacifiquement par les élections, il y a de fortes probabilités que la voie de la violence se maintiendra à un moment où la Turquie est désormais sollicitée fortement par l'État islamique (voir ici). Il faut donc à la fois un pouvoir fort et un net soutien populaire et, de préférence, un pouvoir fort parce qu'ayant un fort soutien populaire. 

    Mais ne nous racontons pas d'histoire. Ce qui compte objectivement par rapport aux menaces nouvelles c'est les forces de répression disponibles. Et que ce soit M. Erdogan ou un autre qui en dispose, égoïstement, ça ne nous émouvra guère. Ceci pointe nettement l'extraordinaire faiblesse du dispositif de défense européen face à ce type de menaces. Nous n'avons aucune capacité d'intervention et nous sommes, objectivement solidaires du pouvoir turc quel qu'il soit d'un point de vue sécuritaire. La raison nous pousse à penser qu'un pouvoir ayant une meilleure assise démocratique pourra mieux tenir - et moins craindre en particulier les ardeurs kurdes dès lors que ceux-ci participeraient au pouvoir. Mais enfin on parle beaucoup d'un éventuellement gouvernement de coalition, avec toute la fragilité que la formule peut induire. Dans une situation aussi mouvante que l'actuelle, si des pions tombent sur l'échiquier nous serons très menacés.

    L'Europe ne peut pas se permettre de voir s'effondrer la TurquiePS.- Il est légèrement douteux que l'initiative d'Erdogan de faire passer son pays à l'heure d'hiver quand il voudrait (c'est-à-dire deux semaines après les autres) lui ait valu une grande considération du corps électoral. Il paraît que le hashtag "Mais quelle heure est-il aujourd'hui a été utilisé plus de 40 000 fois en une seule journée. Recep, ne déconne pas trop avec les réseaux sociaux


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  • L'information court depuis un rapport du Fonds Monétaire International: l'Arabie Saoudite et quelques états 100% pétroliers comme le Bahrein pourraient être en faillite d'ici 5 ans. Motif: les cours du pétrole sont beaucoup trop bas pour leur permettre de continuer la politique sociale ultra-généreuse avec laquelle ils achètent la paix sociale. En effet, autant ces états sont impitoyables sur le plan des moeurs et du respect du pouvoir, autant ils subventionnent massivement - et dangereusement - leur population. C'est une des raisons qui explique la présence massive de populations immigrées (20% en Arabie Saoudite). Elles se substituent à la population nationale dans bien des fonctions, les nationaux, eux, bénéficiant de bien meilleurs traitements. Ces immigrés n'ont droit à rien et sont, dans certains cas, dans des conditions proches de l'esclavage. Comme nos analyses européennes sont terriblement centrées sur nos petites affaires, on s'alarme beaucoup de ce que les femmes n'aient, là-bas, pas le droit de conduire des voitures (manière indirecte de dénoncer un islam présent aussi chez nous), mais on ne dit rien des conditions honteuses des travailleurs migrants dans ces régions.


    Pour faire face à ses dépenses sociales massives,
    l'Arabie Saoudite a besoin d'un pétrole à 106  dollars le baril, alors qu'il se traîne actuellement à 46 dollars et, après des années d'excédent massif, le déficit budgétaire cette année pourrait être à 20% du PNB ce qui nous semble un écho du paradis mais qui, dans le contexte saoudien, est préoccupant. En effet, le pays est massivement engagé dans des dépenses militaires pour les conflits alentours. Et il ne peut se payer le luxe de réduire ses interventions pour maintenir son rang face à l'Iran. De même, il doit être très attentif, à l'intérieur, à ne pas donner matière à des protestations dont on a déjà vu des Risque de faillite pour l'Arabie Saouditeexemples et sur lesquelles peuvent se greffer des dissensions religieuses. Ce lundi un attentat a eu lieu, revendiqué par l'état islamique et il y en avait eu d'autres antérieurement. Par ailleurs, un certain nombre d'affaires concernant les moeurs de la cour (voir photo ci-dessous) agacent dans un royaume ultrarigoriste. Donc, on coupe d'ores et déjà en Arabie Saoudite. Et la vraisemblance d'une remontée des cours du pétrole, avec une Chine et un Brésil moins avides d'or noir, est faible.

    Naturellement, on est d'autant plus loin d'émeutes de la faim que le gouvernement saoudien anticipe d'ores et déjà en serrant les boulons. Cependant, pour ce faire, il réduit un certain nombre de programmes qui emploient des immigrés. Ceux-ci vont être priés sans douceur de rentrer chez eux où ils redeviendront des pauvres mais cette fois dans des pays pauvres. On pense particulièrement à l'Égypte. Et, ayant baigné dans le climat wahabite parfois pendant des années, quel sera l'état d'esprit de ces travailleurs contraints à rentrer?  Par ailleurs,  ce retour au pays risque d'aggraver la situation des nations concernées et, par contrecoup, de redonner de la vigueur à la crise migratoire dont nous parlons tant. 

    Risque de faillite pour l'Arabie SaouditeLa situation n'est pas la même pour le Qatar, le Koweit et les Émirats Arabes Unis mieux dotés quoique le Koweit à son tour vienne de lancer un signal d'alarme (photo). Mais il faut être très conscient que, plus au nord, deux pays sont en faillite économique virtuelle: l'Iraq et, évidemment, la Syrie. A supposer même, par extravagance, qu'une paix survienne dans la région demain (ce qui est totalement improbable), on serait en présence de pays immenses, très peuplés, dont les populations ont montré la propension à la rébellion et qui seraient à sec. C'est dire que tout raisonnement sur cette région du monde doit éliminer d'entrée l'éventualité qu'on y retrouve la sérénité avant des décennies.


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  • Marine Le Pen: l'autre hypothèseMalek Boutih a donné du crédit ces jours-ci à l'hypothèse de l'élection de Marine Le Pen à l'élection présidentielle. Mettons. Je me demande pourquoi on n'a pas essayé de se projeter un petit peu plus loin.  MLP est élue et suivent donc des législatives. Jusqu'ici les Français ont, avec constance, donné au président qu'ils avaient élu une majorité parlementaire même si, entre parenthèses,  dans toutes les autres élections intermédiaires depuis 2002, il n'est JAMAIS arrivé qu'elles soient favorables au pouvoir en place.

    Législatives donc et voici le Front National obligé d'aligner cinq cents et quelques candidats. On se retrouve alors dans un cas de figure que nous connaissons bien pour l'avoir de nombreuses fois vécu: de parfaits inconnus vont devoir concourir. C'est, en effet, la caractéristique du Front National d'avoir au mieux vingt personnes qui tiennent la route et après... On m'objectera que les Français pourront à nouveau donner à la présidente une majorité. Dire cela c'est méconnaître le fond de nos campagnes. 

    À l'exception des zones totalement urbaines, les électeurs connaissent leurs parlementaires fut-ce vaguement. Et je considère comme aventureux d'imaginer comme vraisemblable l'élection, un peu partout, de parfaits inconnus, étant notamment entendu qu'ils auront à l'emporter sur des personnages eux localement connus. 

    Donc la vraisemblance que MLP se retrouve alors devant un parlement hostile est notable. On imagine l'hystérie de ceux qui, alors, considéreront qu'on leur a volé leur victoire et la stratégie de tension permanente qui en résulterait. Avec les conséquences accessoires que ça aurait pour notre crédibilité internationale: pays affaibli, moins de crédit, ce serait très inquiétant. On me dira que j'avalise sans y regarder à deux fois l'élection de MLP. Bien sûr. Mais précisément, une des raisons pour ne pas laisser faire est cet épisode suivant que je viens d'évoquer.


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  • La comptabilisation des migrants donne du gîteIl y a des moments où on prend peur devant l'inconscience de certaines administrations. Le site The Conversation fait état de la recherche d'un universitaire de l'université de Birmingham, Nando Sigona, qui, à fort juste raison s'est étonné de l'écart considérable dans les chiffres donnés sur l'arrivée de migrants en Europe. Chiffres sensibles s'il en est étant donné l'exploitation qu'en font les droites radicales en Europe. J'ai signalé ici ce qu'il en était en Pologne.

    Or, il y a de quoi tomber du placard. L'agence Frontex, chargée de surveiller les frontières de l'Union Européenne, donne 710 000 entrées de janvier à septembre de cette année tandis que les Nations Unies en donnent 590 000. Comment pouvait-on arriver à pareil écart? Eh bien parce qu'il s'agit de comptes doubles: un migrant arrivant en Grèce est recompté lorsqu'il entre en Hongrie. Et que dire de la même personne refoulée! Surtout si elle essaie de repasser...

    N'essayons pas de chercher une logique. Ce qui est très clair c'est que les chiffres sont faux, mais pas dans le sens où on le croirait. Dans un sens, on surestime. Il est certes vrai que l'on doit pondérer cela par la part totalement clandestine de la migration dont, par définition, nous ne savons rien.

    Mais ce qu'il y a de plus clair c'est que l'ensemble des décisions que les autorités européennes prennent sont faites sur des bases totalement aléatoires. Précisément, ce dimanche s'est tenu à Bruxelles un sommet d'urgence face à l'intensité de la crise. Le Premier ministre slovène y disait fort justement que "si l'on ne trouve pas une solution à l'affaire dans les jours qui viennent, ce sera la fin de l'Europe". C'est manifeste. On rêverait même que, les esprits soudain s'élevant, ce soit une chance de sursaut pour l'Europe. Mais justement: faut pas rêver.

    Il est en tous cas sidérant que, compte tenu du caractère éminemment polémique de ces données, on ne les diffuse pas avec plus de prudence. Au demeurant, je signale ici une passionnante interview du patron de Frontex qui dit, en toute netteté, que nous en avons pour dix ans et qu'il faut des politiques européennes d'intégration plus efficientes.

    VOIR AUSSI Une synthèse sur les migrations mondiales

    Les pays qui reçoivent le plus de migrants

    Une planète de migrants


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  • Le vent mauvais que la Pologne annonceAu soir des élections polonaises qui ont donné la majorité absolue aux ultra conservateurs europhobes une nette majorité, doublée d'une élimination totale de la gauche, le très bon spécialiste de la Pologne, Jean-Yves Potel, faisait remarquer sur les réseaux sociaux  que cette victoire"trouvera des échos du côté d'Orban en Hongrie, de l'UKip en GB ou du FN en France. Sans oublier certains néerlandais et autres Pegida en Allemagne. A quoi il faut ajouter la guerre qui gronde de plus en plus près et qui envoie des réfugiés... Surtout, ne regardons pas ces résultats électoraux comme un petit événement provincial dans un pays trop catho et nationaliste. C'est beaucoup plus grave. C'est un avertissement. Il faut se ressaisir !"

    Je crois qu'il a totalement raison. Un vent mauvais souffle, alimenté par des slogans simplistes mais qui est une condamnation des élites standardisées de la mondialisation. Un certain type de discours croyait être servi par la communication. Tout au contraire, il était desservi par elle parce que les peuples ont appris à la décrypter. Les ressorts de ce langage qui pue sont absence de simplicité, de sincérité ont fini par apparaître comme de grosses ficelles. Et nos bons gros dirigeants bardés d'attachés de presse se sont laissés totalement désarçonner par la grossièreté d'attaques qui mettent en joie le bon peuple.

    Comme journaliste, j'ai couvert un meeting de Jean-Marie Le Pen. C'était drôle comme tout. Évidemment, c'était du grand n'importe quoi mais le public venait pour cela. Je ne me souviens très bien pourquoi il avait pourfendu les évêques "qui allaient se faire sodomiser dans le bois de Boulogne": la joie du public! On dira que c'était pur spectacle. Mais bien sûr! Et c'est pour cela que ça marchait. Les échos de mes amis polonais sur le déroulement de la campagne la dépeigne comme d'une bassesse effroyable. Mais c'est à mettre en regard de ces personnages standardisés de l'establishment européen en Pologne.

    Le vent mauvais que la Pologne annonceÀ la suite de son échec à la présidentielle polonaise du printemps, le sortant centriste libéral  Bronisław Komorowski avait donné une excellente interview dans laquelle il reconnaissait qu'il n'avait pas vu venir le coup. C'est tout-à-fait ça: trop sûrs d'eux, les membres de l'élite ont perdu le contact avec le peuple. À cet égard, je crains fort que les supposés grands médias - je pense à la radio télévision- ne jouent un tour terrible à cette caste. L'écran de télévision n'est pas qu'un outil technique. Il est le symbole d'une séparation. Or, tout ce trop beau monde se précipite dans les studios pour dispenser la bonne parole. Et, alors même qu'il croit convaincre, il s'éloigne. Ceci procède d'une forme de fascination technologique pour ce média et de paresse à résister à la pression des entourages. Non, les Européens ne pensent pas seulement ce que leur disent les sessions du matin des grandes radios.

    J'engage ceux qui voudront partir à la reconquête à redescendre dans l'arène, à courir les fêtes de quartier, à boire des pots à gauche et à droite. Et à ne pas croire que parce qu'une caméra filme on les aura vus. Non, il faut de la chair, du rude contact direct, une vraie écoute. Et tant pis si pendant ce temps là on ne lit pas une note d'un directeur de cabinet. Le public est saturé de propos trop intelligents. Il veut de l'intérêt véritable, presque de l'affection. Ca va demander une sacrée mutation à nos hommes politiques. Mais sans cela ... Potel a raison: c'est grave.

     


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