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Ca camphre un max au Vatican
Faut d'abord que je dise loyalement que les lignes qui suivent sont d'un protestant. Je sais même fort bien qu'on va s'en servir contre moi en disant: "Voyez, horreur! un protestant qui dit du bien de ce qui se passe au Vatican." Et tout ce qui peut exister d'intégristes va en tirer parti. Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. Ceci posé, à la différence de l'immense majorité - je devrais dire de l'accablante majorité- de mes compatriotes, je m'intéresse, moi, aux questions religieuses. Oh Seigneur, non pas que je sois une grenouille de bénitier; il s'en faut d'énormément. Mais tout simplement parce que je vois bien l'usage qui est fait de la religion lorsque ça arrange - voyez la Marche pour tous. Il faut, en conséquence être en mesure de dire si oui ou non, ceci ou cela est un point de doctrine, si ceci ou cela s'est effectivement passé dans l'histoire de telle confession.
Avant de fermer cette parenthèse, je voudrais illustrer cela par deux exemples. Je crois que le monde juif ferait un immense bond en avant s'il voulait bien ouvrir les yeux sur le fait qu'une masse immense des actuels musulmans du monde arabe sont inévitablement des descendants de juifs, puisque le judaïsme a été vivant et attractif dans les terres arabes bien avant l'apparition de l'islam qui convertit par la suite des populations initialement juives. Et les musulmans feraient bien de réfléchir aux circonstances de l'élaboration de la pensée de Mahomet, élevé dans des territoires où la pensée juive était si présente. On trouve même sur le net des hystériques pour expliquer que c'est un rabbin qui a écrit le Coran. C'est idiot bien sûr, mais il est en revanche exact qu'il y a entre ces deux confessions une communauté de représentation de Dieu - un Dieu lointain, un Dieu sévère- et ceci devrait réfléchir. Pour citer Francis Blanche qui est, évidemment, une référence en la matière, si ça pouvait fermer leur claque-merde à tous ceux qui instrumentalisent la religion, un grand pas aurait été fait en la matière.
AUTANT D'IMPORTANCE QUE VATICAN II.- En dépit, donc, de la gourmandise que je pourrais avoir à bouffer du cardinal, je ne peux que saluer les propos qui viennent d'être tenus par le cardinal Walter Kasper sur la situation des divorcés dans l'église catholique. Surtout, que l'excellent cardinal n'est pas un rien-du-tout: Il est le président émérite du Conseil Pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens et c'est lui qui a été chargé par le pape François d'ouvrir le travail liminaire que les cardinaux ont commencé en février dernier sur la question de la famille. Là derrière, il y a bien sûr, tout ce dont se sont emparés un certain nombre de manipulateurs lors de la Manif pour tous et dont le site La Salon Beige est, en quelque sorte le journal officiel. Et ce qu'a dit le cardinal Kasper a tellement déplu à d'autres cardinaux (Müller et Burke, notamment) que, par pur hasard, ils viennent de publier un bouquin rejetant les thèses de Kasper, cinq jours avant le début d'un vaste synode sur la famille qui risque de changer la position du monde catholique sur la question. C'est dire que ça chie un max. Du propre aveu de Mgr Kasper, ça pourrait avoir sur ce sujet l'importance d'un Vatican II.
Que dit-donc Walter Kasper dans des propos repris, comme on a pu le voir à mon lien, par le Vatican Insider? La traduction est de moi. Je sais qu'il y en a qui craindront le pire mais faut pas charrier. Interrogé sur le point de savoir pourquoi l'éventualité d'un changement de discipline de la part de l'Église catholique sur la question des divorcés dans l'Église provoque selon lui, une telle crainte, il répond: "Je crois qu'ils craignent un effet domino; si vous changez un point tout s'effondrerait. (...) C'est lié à de l'idéologie, à une compréhension idéologique de l'Évangile selon laquelle l'Évangile serait un code pénal. (...) Ce n'est pas un musée (...) Nous devons marcher avec le peuple entier de Dieu et voir ce que les peuples sont. Et nous devons faire preuve de discernement à la lumière de l'Évangile qui n'est pas un code de doctrines et de commandements".
Après avoir distingué doctrine et discipline, il développe: "La doctrine (...) ne peut pas changer. Ainsi personne ne nie l'indissolubilité du mariage. Mais la discipline peut changer. La discipline veut appliquer la doctrine à des situations concrètes qui sont contingentes et peuvent changer. Donc la discipline peut changer et a, en effet, changé au long de l'histoire de l'Église." Je vous demande pardon, Monseigneur, mais vous virez là dans le subtil et je confesse (...euh, enfin, vous m'avez compris) que je pourrais même trouver votre subtilité un peu faux-cul. Mais enfin c'est un protestant qui écrit ça. Fallait bien que je me fasse plaisir. Passons.
L'OPPOSITION À FRANCOIS.- Avec une naïveté à laquelle, évidemment, personne ne croit, les journalistes demandent à Mgr Kasper si, après une résistance qui semble s'être manifestée contre le pape François, la parution de ce livre n'est pas une étape supplémentaire dans cette opposition. Lisez bien la réponse de l'excellent cardinal: " Oui, c'est un problème. Je ne me souviens pas d'une situation semblable où de manière aussi organisée cinq cardinaux ait écrit un livre pareil. C'est la manière selon laquelle on pratique en politique, mais on ne devrait pas le faire dans l'Église. C'est ainsi que se comportent les politiciens mais je pense que nous ne devrions pas nous comporter ainsi dans l'Église". Fermez le banc. Je le disais en titre: ça camphre un max au Vatican. Entre nous, je me marre: je lis sur des sites intégristes qu'on continue de discuter de leur réintégration dans la grande église. Là, ça va être dur à avaler.
Tags : pape François, famille, Kasper
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