• Le départ à la retraite du journaliste du Monde Alain Faujas, a été l'occasion de sa part d'un texte très intéressant sur le site du SNJ qui dit le moral à plat d'une rédaction déboussolée par la priorité au net qui prévaut dans ce journal. Ce n'est rien à côté de Libération qui va perdre un tiers des effectifs de sa rédaction. Là encore priorité au net. Le Temps, en Suisse, va dans le même sens en mutualisant des rédactions qui n'ont rigoureusement rien à voir, avec celle d'un hebdo, et avec celle - je crois même- d'un féminin. A ce rythme, on aura une rédaction commune pour La Revue des Deux Mondes et pour un porno. Il est définitivement irrecevable de prétendre que ceci pourrait sauvegarder une information de qualité.

    La gratuité de l'information est un mensonge sur l'informationLa gratuité de l'information est un mensonge sur l'informationILLUSOIRE.- Il faut analyser le phénomène dans sa complexité. Le temps désormais passé sur internet est considérable. Donc la lecture de presse s'effondre. Internet a imposé un modèle gratuit. Il est illusoire. Tout est payant. La question est de savoir qui paie. Internet, et avant lui les journaux gratuits, ont choisi un modèle où la publicité est maîtresse des finances. Au demeurant, je reste sceptique sur le vrai impact de cette publicité et je crains fort qu'un beau jour les annonceurs ne comprennent qu'ils sont devant un effet de mode. Ce jour là, on assistera à un bel effondrement.

    Je sais pertinemment qu'il existe une mouvance anti-pub. Du reste, je dois en faire un peu partie puisque j'ai transféré mon ancien blog hébergé chez overblog, ici, chez eklablog, où pour le moment la publicité m'épargne. Pour combien de temps? Il reste un vrai problème de fond: sans pub la presse coule. Je connais de très près un hebdomadaire local, Le Crestois, en vente tous les vendredis à 1,60 euros. Sans pub, il serait à 4 euros sans doute. Donc il disparaîtrait.

    La bonne information vaut beaucoup d'argent et, dans le monde complexe que nous vivons, il est souhaitable que cela dure, qu'on y consacre encore plus d'argent, qu'on refuse la pure esthétisation des toujours mêmes informations. Le modèle n'a pas été trouvé. On me cite parfois Médiapart qui a réussi à réunir sur la francophonie entière 70 000 abonnés payants. Il est infiniment heureux que le système marche. Mais je voudrais rappeler au bon sens: Pareil chiffre révèle qu'il y a moins de 1000 abonnés par département. Et encore, je ne dis rien d'un ensemble d'abonnements obligatoires: j'imagine bien que tous les députés, tous les sénateurs, toutes les grandes mairies, toutes les hautes administrations sont, inévitablement, abonnés. Ceci signifie clairement qu'un modèle économique semblable ne peut pas être viable même à l'échelle d'un département entier. Il faut du reste constater la fermeture de sites qui se voulaient professionnels en Bourgogne.

    La gratuité de l'information est un mensonge sur l'informationJ'entends déjà ceux qui vont me parler de financement public. Je ne sais pas si j'ai plus envie d'avoir comme patron un élu qu'une pléiade d'annonceurs publicitaires qui ne constituent pas un groupe organisé. Les élus, c'est autre chose.

    La gratuité de l'information est un mensonge sur l'informationPERSONNALITÉ.- J'entends aussi parler d'une information supposée participative. Passons sur le fait qu'elle ne résout aucun problème financier. Je suis de ceux qui pensent qu'un média c'est une personnalité, pas seule sans doute, mais l'incarnation d'une idée dans un homme. Plénel à Médiapart, c'est quoi? Beuve-Méry au Monde, c'était quoi? JJSS à l'Express, c'était quoi? Je doute énormément que, dans des groupes supposés "participatifs", il n'y ait pas une personnalité qui domine, peut être pas officiellement, mais dans les faits. Alors c'est pire. Le journaux du moins sont tenus de publier le nom de leurs dirigeants. Au moins, c'est clair. Lorsqu'en tête de cette page il y a "Le blog de Jacques Mouriquand", cela veut dire: "Voici celui qui assume".

    L'idée d'une nuée de collaborateurs bénévoles est un délire peut-être sympa (pas sûr), mais dont les résultats objectifs sont d'une incroyable médiocrité. Le biais dans le raisonnement ici est que le journalisme consisterait à écrire ou à parler. Non, faux. Il consiste à rechercher de l'information, à bien la comprendre soi-même, à la contextualiser. Écrire, parler, c'est après. Et je suis bien désolé de le dire mais la recherche du fait vérifié est un savoir-faire. On me dira: "Oui, mais il y a des journalistes qui le font mal". Ah ça, sûrement. Je connais de très mauvais garagistes, d'épouvantables épiciers, des médecins catastrophiques et des notaires lamentables. Ca ne me permet pas d'en déduire que tous les garagistes, médecins, notaires sont mauvais. C'est typiquement un biais dans le raisonnement.

    Malheureusement, j'observe que le net a contribué à diffuser bien davantage le commentaire que le fait. Les évolutions que j'ai décrites plus haut vont démultiplier considérablement cela. La première chose qui est nécessaire au citoyen ce sont des faits bien établis. Le citoyen est largement assez grand pour commenter par lui-même. Il n'est pas interdit d'ajouter du commentaire, mais il faut d'abord des faits solides. Il faut se déplacer, aller voir, perdre du temps, écouter les uns et les autres, rebondir vers d'autres faits ou d'autres sources. Oui, ça coûte cher. Il n'y a pas de honte à cela.

    La culture de la gratuité de l'information est une culture du mensonge sur l'information. On ne peut pas mentir à cet égard au citoyen. Ces quelques lignes prétendaient le faire.


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  • Radio daysCeci est un article réactualisé à l'occasion de la mort de José Arthur:

    Il faut me pardonner, les voix ont constitué une bonne partie de mon environnement professionnel. Je pense à Gérard Sire- cette voix incroyablement grave et usée par les cigarettes dont il mourra. Je pense aussi à Jacques Paoli, le père de Stéphane (pas mal non plus du reste). Je pense à Jacques Chapus avec lequel j'ai un peu travaillé à RTL, avec cette voix incroyable éraillée et que j'ai personnellement vu présenter le journal de 18h, une bouteille de whisky à côté de lui qu'il siphonnait. On andre-a.jpg raconte d'André Arnaud - merveilleuse voix d'Europe 1 (Europe midi- photo de droite)- qu'il pouvait entrer dans le studio complètement ivre et qu'à l'instant où il disait "Bonjour" son ivresse avait disparu, du moins pour l'auditeur (Carillon ici). Et puisqu'on est à Europe 1 voici une de ses voix les plus inimitables: Radio daysAlbert Simon qui donnait la météo. Maurice Siegel, le vrais père d'Europe 1 avait eu l'intuition fondamentale qu'en radio le timbre de voix est essentiel et, malgré la voix catastrophique de ce malheureux Albert Simon, il l'a laissé des années à l'antenne. Le RTL de jadis - on l'a peu remarqué- a été largement composé par des équipes du grand France-Soir (Jacques Chapus, Henri Marque,etc...) qui avait un sens extraordinaire du "populaire". A Lyon s'est longtemps trouvé un correspondant très talentueux et confraternel , ancien d'Algérie dont il avait ramené un racisme rédhibitoire - il est inutile que je donne son nom- mais qui avait ce sens du "popu". Je me souviens d'une affaire de chien - le chien Titus- qui avait sauvé son maître dans une grotte en Chartreuse. RTL a fait une place à l'affaire dans chacun de ses flashes pendant une journée.

    Radio daysCeci dit, me reviennent bien de conversations avec Laurence Lacour (photo), l'envoyée spéciale à l'époque d'Europe 1 dans la Vologne au moment de l'affaire Grégory qui fut à ce point outrée des excès de ce genre de pratiques qu'elle quitta la profession et donna un très bon livre sur l'affaire: Le bûcher des innocents où elle montre ce que la pression médiatique avait fait faire à des personnes impliquées dans l'affaire. Je me revois embauché à RTL: le rédacteur en chef de l'époque m'amène devant une carte, pointe Genève et de son doigt dessine un territoire qui allait au nord jusqu'à Mulhouse et à l'Est jusqu'à Vienne en Autriche. Et il me dit: "dans ce coin là on est un peu faible..." Et effectivement, je songe à des coups de téléphone comme celui-ci, bien sûr à 3 heures du matin: le Paris- Milan s'était couché en gare de Martigny. Les ordres étaient clairs: "Tu nous fait un truc pour 6h, 6h30 et 7h". J'ai du expliquer que j'étais à deux bonnes heures de Martigny.  Une autre fois, j'appelle à propos de je ne sais quelle affaire qui impliquait des enfants (je n'ai aucun souvenir que ce fut une affaire crapoteuse) et je tombe sur Henri Marque qui me dit: "Ah ouais, c'est bon ton truc, les gamins ça marche toujours."

    Radio daysCe qui reste pour moi assez mystérieux, c'est que le patron qui façonna RTL fut Jacques Rigaud, un homme d'une immense culture, directeur de cabinet entre autres de Jacques Duhamel qui fut un bon ministre de la culture sous De Gaulle.( Rigaud est mort en 2012). C'est par exemple lui qui décentralisa le TNP à Villerubanne. Je me souviens d'une remarquable série "A voix nue" sur France Culture avec lui qui donnait une mesure de sa culture. Le voir pendant vingt ans PDG de cette radio hyperpopulaire a quelque chose d'exotique.J'ai eu l'occasion d'interviewer l'auteur d'un bouquin sur les radios françaises qui m'a dit que de très loin Jacques Rigaud lui avait paru le plus remarquable. ICI l'indicatif

     

     

     

      A mon grand regret à l'exception de l'indicatif ci-dessus, autant on retrouve très facilement des indicatifs d'émissions de télé- qui ne me parlent pas- autant ceux de radio sont très difficiles à trouver sauf celui-ci: qui est celui de la formidable émission L'Oreille en Coin de Jean Garetto (à droite sur la photo, il est mort à 80 ans, il y a trois ans.) et Pierre Codou à gauche décédé prématurément), un de ces lieux d'excellence qui va révéler tant de talents. Cet indicatif  « Big fat man » était  un titre de Jim Wild Carson (C'est à dire en fait Alain Boublil) composé en 1976.

    Ci dessous une Oreille en Coin de 1971, avec comme invité  de Françoise Morasso, Dominique Strauss-Kahn.Et puis je rajoute une charmante vidéo publicitaire pour l'émission.

     

     

     

     

    Ah si, on peut retrouver l'indicatif de Salut Les Copains: 

    (adaptation de Last Night de King Curtis dont je préfère l'original).

     
     

     


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  • nice-matin-1.jpg forward.jpeg Les Français ont autre chose à faire mais ils ne mesurent pas bien un des changements de décor majeurs qui les attendent: leur presse est en train de disparaître, avec d'immenses conséquences dans leur vie quotidienne. Jusque là, il était de bon ton de souligner que c'était la presse nationale qui était malade. Les cas de France-Soir (disparu) et de Libération (entre les mains d'un professionnel de l'immobilier qui n'y connaît rien) en étant ceux les plus convaincants. 

    1.jpg Le problème est que le phénomène gagne la presse régionale qui fut historiquement présentée comme la plus protégée. L'Union de Reims a bien failli purement et simplement disparaître et l'actuelle solution de reprise est bien peu convaincante. Mais voici que deux grands titres solides sont au bord du gouffre. Nice Matin qui était à une époque si riche qu'il offrait, une fois l'an, un smoking à ses collaborateurs pour qu'ils puissent assister aux réceptions mondaines de la Côte d'Azur, est en pleine décapilotade. Un homme politique de la région qui ne restera pas dans l'histoire de la République, le sénateur Jean Icart, est en train d'essayer de mettre la main dessus pour des raisons qui ont peu à voir avec l'intérêt éditorial. Pour cela, il s'est acoquiné avec un fonds d'investissement suisse GXP Capital. L'affaire a paru si étrange aux commissaires aux comptes qu'ils auraient déclenché une procédure d’alerte. Elle aurait été prise en raison de l’opacité du montage financier et du manque de garanties apportées par GXP Capital. Le closing de l’opération – comme on dit, pour faire branché- initialement prévu le 26 février, a déjà été repoussé deux fois.

    Pour Jean Icart, le retard de l’opération serait dû à des questions de transfert des fonds. Une société hors Union européenne (UE) ne peut prendre plus de 20% d’un groupe de presse appartenant à un Etat membre de l’UE. GXP Capital, basé dans le canton suisse de Zoug, devrait donc réaliser l’opération par l’intermédiaire d’une entité luxembourgeoise, d’après un patron de PQR. Tout cela sent très bon, comme chacun peut en juger. Et le risque de trouver Nice-Matin en redressement judiciaire est grand.

    Le groupe Nice-Matin, qui emploie un millier de personnes, a perdu environ 6 millions d’euros en 2013 (pour 90 millions € de CA).

    midi-libre2.jpgAilleurs, la vente du groupe des Journaux du Midi, qui réunit les quotidiens « Midi Libre », « L’Indépendant » et « Centre Presse » serait imminente. L’architecte originaire de Béziers, François Fontès – qui vient d’acheter le groupe d’architecte Jean-Nouvel à Paris – serait également à la manœuvre pour la reprise des quotidiens régionaux. Comme l'on voit là encore, on retrouve un grand spécialiste de la presse... Le groupe de presse Sud-Ouest, propriétaire des Journaux du Midi, en grande difficulté financière actuellement, négocierait la vente avec l’architecte, président du groupe immobilier Hugar, auquel serait associé Loulou Nicollin, essentiellement connu pour ses compétences en football et dans le ramassage des ordures ménagères qui fit sa fortune.. Deux autres groupes de presse, La Dépêche du Midi et Centre-France qui édite La Montagne à Clermont, seraient également intéressés à l’opération

    Midi libre a  vu le nombre de ses ventes payées chuter  de près de 8,7 % en 2013, L’Indépendant de 8,5 %. Le journal de Montpellier se trouve également dans une situation financière tendue.

    Alors que le groupe Nice-Matin n'a jamais été connu pour l'élévation de pensée de ses dirigeants, la famille Lemoine, propriétaire du groupe Sud-Ouest est très honorablement connue dans la profession.Elle a employé d'excellents journalistes.

    Il ne faut pas se cacher les conséquences possibles de ces situations. L'éventualité que ces journaux disparaissent purement et simplement n'est pas écartée. Le président du groupe du Crédit Mutuel qui contrôle, entre autres choses, le Dauphiné Libéré a fini, dans des propos publics répétés par dire son agacement devant des investissements qui ne rapportaient que des ennuis, n'écartant pas d'abondonner le secteur.


     

     

    2.jpg L'éventualité que des zones entières de notre pays soient privées de moyens d'y faire connaître les initiatives locales qui s'y développent (vie associative et culturelle, etc.) est clairement devant nous. Et les sites internet sont infiniment loin d'avoir fait la démonstration qu'ils pourraient se substituer à ces moyens de communication. Internet marche à l'échelon planétaire, pas à l'échelon local. Aussi peu “politiquement correcte” que soit cette affirmation, il reste impossible de démontrer le contraire.

    Ce sont donc des milliers d'associations, de troupes de théâtre, etc. qui sont menacées par ces évolutions. J'avais, il y a quelques temps, à Crest une conversation avec une femme cultivée pour qui "bien sur", tous ces journaux recevaient de l'argent pour leur mission de service public à commencer par Le Crestois. Non seulement c'est faux, mais c'est interdit. Les deux seules dispositions favorables à la presse concernent d'une part les modalités d'amortissement de leurs investissements, en effet beaucoup plus favorables, d'autre part des tarifs postaux qui se sont, au fils des ans, considérablement renchéris, ne compensant pas ainsi la notable médiocrisation du service.

    Je conviens volontiers que la mort fait partie de la vie et que l'éventuelle disparition de journaux médiocres ne doit pas appeler de regrets exagérés. En revanche, il reste à mesurer le formidable impact social que cela aura pour toute une initiative locale. Je souhaite bien du plaisir aux élus locaux lorsqu'ils ne pourront plus rien faire connaître de leurs activités et tout autant aux clubs de boules, aux fanfares, aux amicales d'anciens combattants, aux parents d'élèves. Et qu'on ne vienne pas me parler d'une substituion par internet. On ne peut citer aucun exemple au monde où des sites se soient imposés localement (je ne parle pas de Google qui n'a aucune visée locale, ni du Wall Street Journal, etc).

    Qu'on me permette de conclure sur une anecdote que j'aie vécue. Le quotidien Sud-Ouest connut, il y a fort longtemps une longue grève. Or, il avait coutume de publier dans ses colonnes les mouvements de navires puisqu'il desservait une région de ports à commencer par Bordeaux où se trouve son siège.Les péripatétitiennes locales furent ainsi privées des informations sur l'arrivée de leur clientèle et il paraît que ce fut très embarassant... Grande cause, petit effet.

    Je crains que s'agissant de nos vies locales, on soit moins dans l'anecdotique

    Je préfère ne pas le voir. 


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