• J'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer les composantes étranges des personnalités des terroristes telles qu'elles nous parviennent. (Voir ici) . Un mélange de déshérence sociale, d'incohérence intellectuelle, parfois de pathologie affective.

    Mais voilà que s'affirme un trait supplémentaire: on a affaire à des liens familiaux: le frère, la cousine qui se trouvent dans le coup, moins parce que ce serait - comme cela peut l'être dans les réseaux puissamment organisés- pour mieux se protéger, mais plutôt parce que les réseaux propres de ces jeunes sont, en somme, assez courts. L'opération qui a été menée dimanche soir dans la région bruxelloise remet en scène des oncles et des parents. On devine des cocottes minute sous pression dans des  sphères assez limitées. Et toujours, toujours cette désarmante impression de désordre total: une redoutable capacité de nuisance (on s'arme sans problème, on va en Syrie comme d'autres aux Canaries), mais, une fois le carnage effectué, on erre dans les rues sans position de repli, pour d'autres - et La playstation et la kalachnikovmême un assez grand nombre, semble-t-il- ils se sont fait sauter lorsqu'il n'y avait plus moyen de faire autrement (l'un que l'on recherche ne l'a même pas fait). Il semble même que ce soit la balle d'un policier qui ait touché une des ceintures. Quoiqu'il en soit dans le détail, soudain, ces méchants entre les méchants se révèlent étonnamment mal préparés. On est aux antipodes des "services action" des thrillers, mais dans un jeu de Lego de déséquilibrés.

    Et on en vient à se demander s'il n'y a pas, dans leurs esprits dérangé, un côté jeu vidéo. L'ex-épouse d'un des kamikazes a d'ailleurs expliqué qu'elle avait divorcé parce que son homme passait sa journée vautré sur un canapé à jouer justement à des jeux vidéos. On a de la peine à situer Mahomet là-dedans. Et, si j'ose, il a bon dos. Car, comme l'a très bien dit le juge Trévidic, il y a là dedans 10% de religion et 90% de problèmes personnels. L'ennui est que la "couverture religieuse" sert par contagion. Naturellement, au moment où nous sommes, il faut traiter tout ce qui est sécuritaire comme il convient. Mais il ne faudra pas oublier par la suite de voir comment résoudre les incroyables fragilités et dérèglements dont témoignent ces jeunes gens.


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  • On entend, ces jours-ci, une collection d'âneries - certaines excusables, d'autres non- concernant l'islam qui sont les sous-produits de la conception française de la laïcité. Elle induit, hélas, une méconnaissance grave du fait religieux.

    Première idée: il faut contrôler les imams (sous-entendu pour éliminer ou renvoyer chez eux les plus toxiques). C'est une vision totalement catholique du problème, celle au fond que Monsieur le curé a beaucoup d'influence. Oui mais un imam n'est pas Monsieur le Curé. Il n'a pas d'autorité hiérarchique, tout particulièrement pas en milieu sunnite où il n'y a pas de clergé (c'est faux en milieu chiite mais, là, j'ai conscience de virer dans le subtil). Il est certes vrai qu'un imam peut avoir un rayonnement, mais il l'est tout autant que certains imams se font virer de leurs communautés, comme c'est arrivé, il y a quelques années, dans mon petit coin. Les protestants comprennent très bien cela parce que le pasteur est dans la même situation vis-à-vis de sa paroisse que l'imam parmi les siens. Des situations de pasteurs renvoyés par leur conseil presbytéral, ça existe. Il est assez piquant que l'argument qui tend à incendier les imams est généralement prononcé par des ultra-laïcs qui tiennent là un raisonnement à 100% catholique. Le problème auquel nous faisons face est parfois un problème d'imams, mais il est beaucoup plus généralement le problème de personnalités sans le moindre rang officiel qui prennent un ascendant du fait de leur charisme. Les frères Kouachi s'étaient laissés endoctriner par un type qui n'était aucunement imam. C'est ainsi beaucoup plus complexe.

    Deuxième idée: les prêches devraient être en français. Bien sûr et dans l'intérêt même des fidèles. Il s'agit pourtant d'une vision totalement chrétienne du problème. De la même manière que l'hébreu est la langue du judaïsme, l'arabe est la langue de l'islam car ces deux religions se voyaient comme celles de peuples particuliers. Elles sont fondées sur cette idée centrale. Le christianisme s'est toujours vu comme une religion mondiale (d'où son nom- catholicos voulant dire universel), utilisant donc successivement les deux langues de ce qui fut "le monde entier" pendant longtemps: d'abord le grec (les premières bibles), puis le latin. Donc demander aux musulmans des prêches en français, ça n'est pas un simple problème technique, c'est un élément central de leur foi. C'est aussi intelligent que de demander au Vatican de renier le dogme de l'Immaculée Conception. On a le droit de trouver que c'est idiot, mais c'est le pilier même d'une croyance. Question accessoire: combien d'officier des ex-renseignements généraux, chargés en principe de la surveillance des lieux confessionnels, parlent arabe?

    Chaque fois que de brillants politiciens demandent des prêches en français, ils font une gaffe du type de celle que je viens de dire et font étalage de leur ignorance. C'est à peu près comme si on demandait pourquoi les curés ne sont pas mariés. Moyennant quoi le croyant de base s'estime justement incompris. Si l'on veut avoir de l'influence sur lui, il faut s'y prendre autrement. Je me permets de faire observer que nous venons d'avoir, à l'occasion du synode vatican sur la famille, la démonstration qu'en milieu catholique, on pouvait bien avoir des pressions multiples de la société civile sur la condition des homosexuels, le synode n'en a tenu aucun compte. Pas mieux que l'univers musulman. Alors les donneurs de leçons...

    Ah oui, mais c'est dans le Coran. C'est une des nombreuses phrases passe-partout qu'on ne cesse d'entendre sur le mode: "moi, je sais". Elle est ridicule et consternante. On m'excusera d'abord de renvoyer ici aux cinq jours d'entretien que vient de diffuser la Radio Suisse Romande et que j'ai eus avec l'un des meilleurs spécialistes francophones du Coran, François Déroche, professeur au Collège de France. Ensuite, soyons très clair: Le Coran est un texte extrêmement complexe, connu vraiment de bien peu, dont il est certain que l'immense masse des musulmans ne connaît que des bribes, tout comme l'immense masse des chrétiens ne connait que de rarissimes textes de la Bible. Que tel ou tel passage soit pour de bon ou non dans le Coran ne démontre à peu près rien. Signalons que le Coran comporte, en son sein, des injonctions qui en abolissent d'autres. L'exemple le plus célèbre est relatif à la consommation de vin, encouragée ici, interdite là. Autant dire que c'est un vrai jeu de piste. Ajoutons qu'il faut une insigne mauvaise foi pour ne pas prendre ce texte pour ce qu'il est, c'est-à-dire un texte des VII°-VIII° siècles qui, comme tous les autres de ces hautes époques, est totalement inaccessible à des personnes sans formation préalable.

    Il est certes vrai qu'un certain nombre d'intellectuels du monde musulman comprennent fort bien la nécessité d'un dépoussiérage de leurs dogmes. Ils font des propositions que nous sommes incapables d'évaluer car seule compte la réception qui en est faite par leurs coreligionnaires. Imaginons une seconde comment nous recevrions les encouragements de bouddhistes à revoir l'idée de l'existence de Jésus. On les enverrait paître! C'est exactement ce à quoi nous nous exposons. Seuls les musulmans réformeront l'islam.  Il est sûr aussi que si le niveau culturel moyen des Français en matière de connaissance de toutes les religions, donc de l'islam, était sensiblement supérieur (ce qu'il est dans bien des pays d'Europe parfaitement laïcs), les discussions seraient moins truffées de sottises offensantes, dévalorisantes. Et alors, on pourrait commencer à obtenir un minimum d'écoute. La suffisance satisfaite avec laquelle beaucoup étalent l'immensité de leurs lacunes parce que eux, n'est-ce pas, considèrent que la religion étant du domaine privé, on n'a pas à en parler publiquement, est affligeante.

    Il est bien certain que lorsqu'on a affaire à des jeunes gens qui sont déjà des déclassés sociaux, le plus souvent en situation d'échec scolaire et qui ont le sentiment que la seule chose qui leur est absolument propre- leur religion- est regardée avec condescendance par ceux avec qui ils en parlent, ça n'arrange rien.


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  • Sept questions pour un massacreD'où vient que,  très manifestement, les forces de l'ordre ont fait une razzia significative dans des milieux toxiques en un espace de temps très bref, après les massacres du 13: 414 perquisitions, 60 gardes à vue,  75 armes saisies et 118 assignations à résidence? Sans doute, le drame leur a-t-il donné des informations qu'elles n'avaient pas, mais il est raisonnable de penser que, pour d'autres, elles les avaient déjà. Ceci suggère qu'elles n'avaient pas l'ordre de passer à l'action ou pas les moyens juridiques que le régime d'exception leur aurait donnés. On ne voit pas très bien en quoi (à part l'heure possible d'intervention). Rien de ce qui a semblé entrepris depuis le 13 ne paraît relever d'une sortie manifeste de l'état de droit ordinaire.

    À quand remonte la perte de contrôle sur ces milieux, compte tenu, notamment des coupes claires dans les budgets de sécurité effectués à partir de 2007? On ne peut pas ne pas voir qu'un certain nombre des personnes en cause ont déjà été arrêtées, ont purgé des peines, mais ont visiblement pu reprendre leurs activités sans trop de souci. C'est un peu alarmant sur le simple concept de contrôle du territoire qui est le principe de base d'un état qui se tient.

    Quelle est l'exacte étendue de ce qui paraît être l'état de déréliction de l'état belge qui a conduit - je cite son Premier ministre (!)- à une "situation catastrophique" dans une de ses banlieues? (VOIR ICI) La faiblesse de la Belgique est de notoriété publique du fait de ses violents conflits linguistiques, mais enfin il faut reconnaître que nous n'en avions pas la mesure. Par parenthèses, ceci fait la démonstration que partout où il y a un état faible, les groupes criminels - ici terroristes, mais pas forcément- s'y installent et prospèrent. On remarquera que le fournisseur d'armes arrêté en Allemagne venait du Monténégro, qui ne passe pas non plus pour un modèle d'état solide.

    Puisqu'il apparaît qu'il devient désormais possible de faire front commun avec les Russes et les Américains, d'où vient que cela ne l'était pas il y a dix jours? Doit-on comprendre que le "ticket d'entrée" est de 130 morts et plusieurs centaines de blessés? Ou doit-on comprendre que, dans ces pays, le drame français a fait regarder de près leur propre situation et découvrir l'étendue du mal? Cela n'est pas très rassurant sur une manière de cécité des dirigeants du monde sur leurs affaires intérieures tant que les problèmes restent, selon la formule "à bas bruit".

    Si vraiment on arrive à un front commun, qui seront les sacrifiés de l'accord? Assad? Au contraire, ses opposants modérés? Les Ukrainiens? La presse - il est vrai très occupée par ailleurs- ne nous rend pas compte de l'atmosphère en Ukraine ou en Pologne. Je suis loin d'être sûr que les populations y sont enthousiastes à l'idée que, soudain, on pactiserait avec celui que l'on vomissait avant hier.

    Il est totalement exact que, sans remonter à Adam et Ève, ce qui a nourri la détestation des assassins à l'encontre de l'Occident est le manifeste "deux poids, deux mesures" que celui-ci a pratiqué au Proche-Orient, en particulier vis-à-vis d'Israël, mais aussi en Irak. Ca ne rend pas les tireurs ou les kamikazes sympathiques, mais le fait est incontestable. Donc, au-delà de mesures de police probablement fort pertinentes, envisage-t-on avec une vision sur plus long terme, un rééquilibrage de nos relations, des politiques plus raisonnables, plus équitables? Qui trouvera la force de caractère de les mener?

    Enfin, étant donné le caractère surréaliste de la scène politique française, qui vient de montrer combien loin elle est de la demande populaire telle qu'elle est ressortie de la dignité de la rue, peut-on espérer une cristallisation de la volonté diffuse qui s'exprime ainsi ou doit-on se faire à l'idée de la reprise de l'éternelle même pièce de théâtre. Malheureusement, pour cela, il faudrait des femmes et des hommes qui aient envie de s'y consacrer. Or, il est à craindre que les pestilentiels remugles qui viennent du monde politique n'aient persuadé les meilleurs de donner leurs vies à de meilleures causes. Du reste, ça arrange bien ceux qui occupent la scène.

     

     


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  • Les trépigneurs de l'Assemblée NationaleLe comportement misérable des parlementaires de l'opposition à l'Assemblée Nationale, incapables de contenir plus longtemps leurs trépignements, face à cette unité qui les contraints accroît évidemment encore davantage le fossé entre eux et les électeurs.

    Chacun, bien sûr, comprend bien de quoi il s'agit: cette espèce de temps suspendu que nous traversons interdit les jeux habituels des plateaux de radio-télévision, des petits coups qui se veulent malins, des phrases assassines. Lorsqu'on fait ça à longueur d'année - et j'inclue là-dedans tous les partis- forcément le pli est pris et il est rude de ronger son frein dans l'attente que tout reparte.

    Personne n'est dupe: il y a bel et bien un enjeu à quelques jours maintenant d'élections régionales à reprendre la main après une séquence manifestement gagnée par Hollande et les siens. Un sondage indique que 70% des Français interrogés ont trouvé Hollande à la hauteur. Et comme en même temps - je l'ai montré ici- la plupart des leaders de la droite, hors Juppé (et Bayrou), ont été totalement hors du ton attendu, il y avait urgence à rattraper le retard, à faire entendre sa voix, pardon ses cris, pour sauver ce qui pouvait l'être.

    Cette attitude est indigne. Elle est indigne de l'immense retenue du peuple français, de sa sérénité, de son sourire délibérément affiché comme par défi aux salopards qui ont tué une jeunesse. Elle est indigne des innombrables chefs d'état qui ont fait des hommages magnifiques à la France. Elle est indigne de nos amis égyptiens qui ont illuminés en bleu, blanc, rouge trois de leurs plus prestigieuses pyramides. Elle est indigne de ce moment bouleversant offert par l'orchestre du Metropolitan Opera de New-York jouant la Marseillaise en ouverture d'un concert et que je mets ci-dessous en ligne. Elle est indigne de ces joueurs de football français et anglais venus s'opposer en un match amical et de leur public qui a chanté, lui aussi, la Marseillaise à pleins poumons. Elle est indigne des policiers et militaires qui ont risqué leur peau lors de l'intervention à Saint Denis.

    Ces élus ont été petits. Ils nous ont fait honte. Ils ne nous représentent pas. On rêverait que viennent ces jours-ci des élections pour les renvoyer chez eux.


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  • Sarkozy lâché par le peloton de têteC'est comme le Tour de France. Soudain, une équipe réduite se met, au bout de quelques jours, à semer le peloton. À cause, peut-être, de sa forme physique. Mais à cause surtout d'un moral d'acier, de la "gagne". Et alors, plus rien ou presque n'est rattrapable. L'affaire est pliée.

    Les évènements de ces derniers jours laissent exactement ce sentiment. Deux hommes s'en détachent: Hollande et Juppé. Point barre. Derrière Hollande Cazeneuve est dans la roue, décidément solide. Derrière Juppé, l'écart est définitivement creusé avec Sarkozy. Les interventions de l'ancien président ont été pour les unes ridicules, pour les autres consternantes. Ridicules lorsqu'il essaie de trouver des propositions de pure technique du maintien de l'ordre. J'avais déjà fait observer ici qu'il avait par moment un côté secrétaire d'état à l'intérieur lorsqu'il voulait se mêler de détails qui ne sont pas au niveau où il est sensé se trouver. Consternante lorsqu'il a cherché à toute force de se distancier de ce mot d'"unité nationale" qui, bien sûr, ne fait pas son affaire. Mais il y a des moments où l'opinion ne veut plus des jeux partisans. La force de Juppé a été de se taire le plus souvent, d'accepter le terme d'union nationale parce qu'il a su sentir que c'était la demande du plus grand nombre et, finalement, de reconnaître que les coupes claires dans les forces de l'ordre sous le quinquennat de Sarkozy étaient une erreur. Faute avouée est à moitié pardonnée.

    On a vraiment vu dans ces moments terribles ceux qui avaient la stature d'hommes d'État et les petits bras. Et Sarko, dont on doit bien dire qu'il fut un homme d'Etat quoi qu'on en pense, est dans une espèce de processus de rétrogradation qui se manifeste par sa propension au trépignement. Il voudrait agir à toutes forces. Il se trouve qu'il ne peut rien faire. Mais au lieu de se taire il se vaporise dans un ensemble de propos qui ne sont aucunement à la hauteur. Même Marine Le Pen a eu l'intelligence de s'en tenir - certes dans son registre- au service minimum. Il y a des moments où le silence ou du moins la discrétion sont la meilleure tactique. Hélas, MLP est entourée d'une collection de lourdauds qui ont largement recouvert son silence par des propos de foire indignes.

    En tous cas, nous avons tous compris: nous aurons un match Juppé- Hollande. C'est une question de classe.  Et si Hollande a le pot inouï que, malgré tout, Sarko lui soit opposé, pour la droite, les jeux ne sont pas faits. Mais, dans l'intervalle, il faudra que Les Républicains se défassent de Sarkozy. On vous souhaite bien du plaisir, Messieurs.


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  • Des paumés dans la dérive millénaristeCe qui est saisissant dans les premiers éléments de profils qui nous viennent s'agissant des assassins de Paris, c'est l'absolu recoupement que l'on peut faire avec les auteurs des attentats du 7 janvier et le phénomène stupéfiant de dérive. La matinale de France Culture, à travers l'intervention de Dounia Bouzar (photos), en a fait une remarquable illustration et je voudrais aussi renvoyer à l'admirable portrait qu'Ariane Chemin - sauf erreur- avait fait dans Le Monde d'un des frères Kouachi.

    On a affaire à des paumés de très faible ampleur au départ. On est bien loin du cappo de la mafia. Dans le cas d'un de ceux mis en cause vendredi, il accumule les petites condamnations, suivies d'absence de détention sous le règne du grand justicier Nicolas Sarkozy. Et ces gars en errance cherchent vaguement leur voie sur internet, allant de vidéo en vidéo, passant de certaines insignifiantes à d'autres beaucoup plus toxiques qui développent une conception millénariste des temps que nous vivons.

    Des paumés dans la dérive millénariste"Nous sommes à proximité de la fin du monde. Nos vies ne valent plus rien. Du moins pouvons-nous faire en sorte qu'elles servent à la cause islamique". Tel est le raisonnement développé.  Évidemment, on aimerait savoir jusqu'à quel niveau de la "hiérarchie" - si tant est que ce mot est opportun- on croit à ces délires. En un sens, peu importe. Le fait est qu'ils mettent en branle des jeunes à la fois totalement désorientés et excellents manieurs de kalachnikov, bons organisateurs de petits réseaux. Car enfin, ces horreurs, il faut les faire: trouver des planques, trouver des armes, etc... Ce mélange de folie ou du moins de fanatisme et de rationalité est intriguant.

    Je recommande très particulièrement ce document de la RTBF, contenu du téléphone d'un des terroristes les plus recherchés qui considère qu'il est en Syrie comme un "touriste terroriste". Ce niveau de confusion mentale est alarmant. Même Le Figaro donne ici un portrait de ces jeunes, "issus de classes moyennes, de familles athées et souffrant de dépression" qui lui vient d'un rapport fort intéressant. Comment ne pas songer avec peine à ce père d'un des kamikazes qui, voyant son fils partir en dérapage incontrôlé, a tenté d'aller le chercher en Syrie. En vain.

    Du reste, quant à la dimension religieuse, il faut en mesurer la totale ambiguïté. Le juge Trévidic, ancien patron du pôle anti-terroriste,  a eu l'occasion, tous ces jours derniers, de dire qu'elle ne pesait qu'à hauteur de 10% dans les motivations de ceux qu'il entendait. C'est comme la fameuse "permission de tuer" dans James Bond: il y faut une couverture. Un journaliste britannique qui avait eu l'occasion de s'infiltrer dans Daesh quelques temps avait cette phrase: "Ils ne possèdent même pas le Coran". Ne faisons pas l'honneur à ces assassins de leur attribuer une pensée religieuse. Et puis méfions-nous de nous-mêmes: beaucoup parmi nous aimeraient consciemment ou non que la motivation soit religieuse. Ce serait une manière de donner un nom à un irrationnel.

    Ce qui est très intéressant est qu'on se trouve là devant le très haut mur de la communication avec des fanatiques, que l'on pourrait retrouver devant la discussion à des adhérents du Front National. Il n'y a pas de rationnel à opposer. On sortira toutes les statistiques que l'on veut, toutes les savantes études: ça ne sert à rien. On est devant un élément de foi. Tout ce qui s'y oppose relève du complot. L'immense avantage de la théorie du complot est qu'elle ne peut être récusée puisque c'est un acte de foi. Voir ici. J'ai déjà eu l'occasion de dire ici ce qu'internet pouvait avoir d'ambivalent. On en trouve ici la pleine démonstration. Et c'est cher payé. Mais c'est aussi très cher payer notre incapacité à intégrer de ces jeunes qui deviennent candidats au pire pour les autres et pour eux-mêmes.


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  • Terrorisme: que se passe-t-il entre la Belgique et nous?

    Le fait que, dans les dramatiques attentats de Paris, la Belgique ait servi de toute évidence de base arrière pose question. Ce n'est en effet pas la première fois. Rappelons que lors de l'attentat contre le musée juif de Bruxelles, c'était le mouvement inverse qui s'était produit: le terroriste frappait en Belgique mais se servait de la France comme refuge; il fut arrêté près de Marseille. On vient d'apprendre que l'imam qui a probablement contribué à la radicalisation du seul terroriste actuellement identifié, après avoir exercé dans la région de Chartres, se repliait en Belgique. Par ailleurs, ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, lisent régulièrement la presse belge y trouvent constamment des allusions à des plateformes islamistes sur place. Ce jour, dans une référence que l'on trouvera ici, le quotidien La Libre Belgique cite une déclaration du Premier ministre belge, Charles Michel:  "Je constate qu'il y a presque toujours un lien avec Molenbeek, qu'il y a un problème gigantesque. Les mois passés, beaucoup d'initiatives ont déjà été prises dans la lutte contre la radicalisation mais il faut aussi plus de répression". Lorsqu'un gouvernement parle de problème "gigantesque", il y a de quoi s'inquiéter.

    Terrorisme: que se passe-t-il entre la Belgique et nous?N'importe qui qui y est allé a pu constater la totale perméabilité, typique de Schengen, à la frontière. Je ne suis certes pas de ceux qui le regrettent, mais enfin, en l'espèce, cela nous joue un vilain tour. On gagnerait à mesurer ce que les constantes crises politiques belges ont pu, le cas échéant, affaiblir le pouvoir central dans une lutte contre le terrorisme. On retrouve là une vieille règle: chaque fois qu'un pouvoir s'affaisse, tous les groupes toxiques s'infiltrent. Il est impossible de ne pas voir que le fournisseur d'armes arrêté dans une voiture en Bavière était un Monténégrin, pays qui ne distingue pas par sa solidité. Et, plus généralement, dans les Balkans, nous avons à faire à des états faibles.

    Une chose est, en tous cas, particulièrement claire: l'échelle réelle du problème n'est pas nationale. Bernard Cazeneuve en  a donné une bonne démonstration en demandant une réunion de tous les ministres de l'intérieur européens. Je dédie ceci à tous ceux qui nous expliquent qu'il faudrait moins d'Europe et que, plus on se repliera sur soi, mieux ça marchera. Ne doutons pas, en effet, que très respectueux des frontières nouvellement érigées, les assassins de tout poil s'abstiendront absolument de sauter les barrières. Par patriotisme, sûrement.


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