• L'autre Monsieur HollandeCa fait deux fois qu'il nous fait le coup. François Hollande était déjà apparu, lors des attentats du 7 janvier dernier, à la fois plein d'empathie pour les victimes et d'autorité pour la mise en marche des services, il est vrai fort utilement secondé par MM. Valls et Cazeneuve. Et revoilà que, jusque dans son émotion même, il trouve le ton juste dans la tragédie parisienne du vendredi 13. Autant que nous puissions en juger, ce qui s'ensuit fonctionne, si tant est qu'on puisse ainsi dire dans un si vaste chaos.

    Quel drôle d'homme! Tout se passe comme si, dans une situation normale, il perdait sa consistance à force de peser le pour et le contre, de virer dans le subtil, de chercher des équilibres. Et voilà le drame et soudain il y voit clair. Il me revient d'une phrase, je crois de Mme. Belkacem, immédiatement après son élection où elle disait en substance, notamment par référence à l'agitation sarkozyste: "Vous allez voir, ça va vous changer". Certes, mais à ce point... Or voilà que, pourtant, en effet, on est exactement, si l'on ose dire, sur la bonne longueur d'ondes. Il est assez frappant de lire simultanément dans deux grands journaux étrangers, l'un allemand qui le compare à Helmut Schmidt, l'autre suisse, des tombereaux d'éloges sur cette gestion de la crise.

    Il est juste de le créditer aussi d'avoir vu parfaitement clair, il y a deux ans, sur la situation syrienne lorsqu'il avait proposé d'attaquer, dans un temps où Daesh n'était encore pas grand chose pour imposer une remise en ordre en Syrie. Les Américains, évidemment indispensables dans l'opération, nous avaient laissé tomber en rase campagne. Et il est probablement peu exagéré de dire que plus d'une centaine de nos concitoyens ont péri pour ce motif, sans préjudice des menaces à craindre pour l'avenir. Le juge Marc Trévidic, ancien patron du pôle anti-terroriste, est absolument limpide sur le sujet: nous avons laissé croître un monstre.

    Nous allons nous trouver devant une tâche immense dont il y a lieu de craindre que ni M. Hollande, ni aucun homme politique ne puisse l'accomplir. Faire comprendre à tout un peuple traumatisé que chaque fois qu'il s'en prendra de façon indéterminée aux musulmans, il fera le jeu de Daesh. Car c'est exactement ce que veut Daesh: qu'un ressentiment massif pousse - et, en fait, contraigne- les musulmans français à la radicalisation. Il suffit de se balader sur Facebook pour voir combien "ceux qui savent mieux" ne demandent qu'à en découdre en ce sens. C'est terrifiant. Ceci sans rien dire des petites frappes façon Laurent Wauquiez qui demandent des camps de rétention, histoire, bien sûr, de se faire mieux élire. Car entre la bonne foi égarée (qui sera pourtant longue à être remise dans le droit chemin) et les calculs sordides, on a le choix des registres mais la tâche est, dans tous les cas, aussi immense.  Et là, je crains que, Hollande ou pas...


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  • Soudain, la dignitéIl a fallu l'horreur pour qu'à nouveau, comme le 7 janvier, les hommes politiques retrouvent une dignité qui remonte le moral. Hollande, atteint, a eu les mots justes et son trouble même lui donnait de l'épaisseur (voir aussi ici). Juppé très bien, Obama ou Merkel très bien aussi, Fillon bien. Mais puisqu'alors on les découvre ainsi, quelle est cette scène de théâtre où ils s'engluent habituellement dans la médiocrité? Que ne se révèlent-ils ainsi hors des temps de drame?

    Soudain, la dignitéNaturellement, il y a les éternels médiocres façon de Villiers qui n'attendent pas que le dernier mort soit comptabilisé pour lancer la polémique. Michel Onfray et Laurent Wauquiez misérables. L'excellent Marc Trévidic, juge anti-terroriste, a habillé le dernier pour l'hiver sur sa demande d'internement généralisée de tous les suspects: "Pour faire Guantanamo?" On attend Zemmour. Mais du moins y-a-t-il eu, dans une certaine retenue et une certaine hauteur de vue, dans cette suspension généralisée des campagnes électorales, cette lettre de tous les présidents de groupes à l'Assemblée Nationale appelant à l'unité, le ton qui convenait.  Celui qui était à la mesure de ces Parisiens qui Soudain, la dignitéspontanément ouvraient leurs portes pour protéger des passants, qui donnaient des draps pour masquer des cadavres, qui font la queue dans les hôpitaux pour donner leur sang, tous ces gestes anonymes, spontanés, sans façon qui disent une belle humanité, en réalité l'humanité qu'on est en droit d'attendre. Et qui sont autant de réponses, d'autant plus fortes qu'elles sont anonymes à la folie meurtrière. Et la Liberty tower  en bleu, blanc, rouge, c'est un beau symbole.

    Par parenthèse, compte tenu des circonstances, on se remettrait fort bien de l'éventualité que les élections régionales qui nous replongeront dans la boue soient reportées. Il y a peut-être d'autres urgences.


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  • Verrouiller l'info? Essayez donc!Quelle journée: où l'on apprend que le document faisant état d'un financement lybien de la campagne de Sarkozy était authentique, où Claude Guéant est condamné à de la prison avec sursis pour l'affaire des primes du ministère de l'intérieur et... surtout, où l'on apprend que la fameuse ONG américaine qui a levé le scandale Volkswagen était informée par des fonctionnaires européens.

    Comme quoi tout finit toujours par se savoir mais l'ultra-court terme étant l'horizon habituel des politiques, ils ne parviennent pas à l'intégrer, surtout ils s'imaginent que ces lointaines révélations n'auront jamais lieu chez eux. Je vis dans un petit pays où, depuis des mois, des élus essaient de faire silence sur le coût d'un centre nautique qui s'annonce très élevé. Il s'est passé ce qui devait se passer: un beau jour, le journal local, Le Crestois, a trouvé une source discrète qui a lâché le morceau. Et n'ayant rien compris à rien, se comportant comme si les enseignements de ce qui se passait ailleurs ne les concernaient pas, ces élus se sont indignés et sont tombés à bras raccourcis sur une malheureuse opposition qui n'y est pour rien, sans parler bien sûr du journal "qui a trahi".

    C'est drôle comme des gens qui sont plutôt intelligents - encore que parfois on finisse par douter- puissent à la fois avoir des jugements tout-à-fait raisonnables sur ce qui se passe dans le vaste monde et devenir d'une cécité navrante sur leur propre action. C'est extrêmement instructif sur le fonctionnement de la démocratie.

    Verrouiller l'info? Essayez donc!Il y a une règle simple dont il faut prendre acte: les affaires finissent par sortir. Certes, pas toutes. Certes, ça peut prendre du temps: on le voit avec l'affaire de Karachi. J'ai un souvenir d'un entretien avec Jean-François Julliard, à l'époque au Canard Enchaîné, qui me disait: "la plupart de nos informateurs ne sont pas des opposants, mais des gens au contraire proches de la décision mais qui la trouvent particulièrement injuste, en particulier au nom de leurs idées qu'ils ne veulent pas voir caricaturées". L'idée idiote selon laquelle, parce que l'on est élu, on va tout contrôler est une idée de vieux. Ca ne marche plus comme cela. Je le vois avec amusement, toujours dans la Drôme où le Conseil Départemental a basculé à droite et voudrait tout contrôler, mais où les fuites sortent à jet continu.

    Les citoyens ne comprennent plus que l'on veuille contrôler l'information.  Il y a un formidable effet de mimétisme, dans un univers qu'internet a rendu beaucoup plus fluide, qui fait que le public qui voit qu'on peut embêter Mme. Clinton pour ses mails en attendra donc autant pour l'adjoint au maire de St. Hilaire Cusson-la-Valmitte (ça existe). Nous sommes, en effet, dans un monde où des centaines de millions de personnes ont entendu parler de vastes affaires de fuites: Watergate, Wikileaks, Vatileaks... L'impact psychologique de la seule existence de Médiapart, même pour des gens qui ne l'ont jamais lu, est considérable. L'instantanéité du courrier électronique qui permet de faire fuiter en une seconde un document est manifestement aussi un encouragement. Comment peut-on croire que ces mêmes personnes accepteraient que, tout au contraire, dans leur proximité, on verrouille tout?  J'ai le souvenir d'un élu d'une commune drômoise qui, ayant appris qu'un administré avait saisi la justice administrative, avait sottement déclaré: "c'est anti-démocratique". L'élection, en cette matière, ne fait naître aucun droit et, tout au contraire, des risques.  Je veux même bien admettre qu'il puisse se trouver des situations où cet état de choses soit injuste pour des élus. Mais on vit dans son temps et il faut faire avec.


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  • Mais, bon sang,  la collaboration gauche droite se fait partout en FranceL'abyssal écart existant entre ce que Giscard appelait justement la France profonde et celle qui prétend refléter l'opinion dominante fait, ces temps-ci, une victime supplémentaire. L'éventualité que se mettent en place des listes communes PS-LR face au Front National permet de pousser des cris d'orfraie. Mais, tonnerre de Brest, depuis des décennies, ces collaborations gauche-droite sont le pain quotidien du plus grand nombre de communes françaises.

    Il y a en France 36 000 communes dont celles de plus de 1000 habitants se voient imposer, par le mode de scrutin, des affrontements partisans. Et je note que les adorateurs de ce genre de bagarres qui inspirent les textes de lois voudraient encore abaisser la limite. Mais l'immense masse des communes de France - exactement 26924 en 2011- fonctionne sur un mode pleinement collaboratif. Sans doute ça ne garantit ni l'amour, ni la sérénité. Mais, dans la mesure où l'on est tout de même bien obligé de reconnaître que la commune est l'échelon capital de l'organisation de l'administration du pays, il faut bien admettre que ça marche.

    On l'a complètement oublié, mais il y eût un temps où le système du panachage aujourd'hui confiné aux petites communes, par les efforts des fonctionnaires de partis, existait aussi pour les moyennes. Je me souviens d'une conversation avec un ancien adjoint au maire de droite d'une petite ville qui me disait regretter le temps où il devait collaborer pleinement avec d'anciens adversaires de gauche, tout simplement pour que ça marche. Et il me disait, avec une loyauté sympathique, ce que lui-même y avait gagné.

    Mais, bon sang,  la collaboration gauche droite se fait partout en FranceUne idéologie partisane - et je veux dire multipartisane, au sens où il s'agissait d'offrir aux partis une position prééminente- l'a emporté. Les débats un peu partout sont pollués par des directives partisanes qui font que l'on s'affronte sur des sujets qui, dans les faits, n'existent pas. Mais on voit bien que ceci nourrit le système partisan qui a besoin de se justifier, dans le temps même, où - toutes les données concordent- les partis se vident de leurs adhérents.

    Et pourquoi se vident-ils? Précisément parce que la population n'y trouve plus le reflet de ce qu'elle vit. Elle sait bien que, dans sa vie quotidienne, les compromis sont la pratique constante, qu'à l'intérieur des entreprises et des administrations, jour après jour, on passe des accords avec des personnes avec lesquelles on peut être, par ailleurs, en désaccord. On apprend même à gérer cela dans les écoles de management.

    Mais voilà: le théâtre politique continue de jouer parce qu'il est subventionné mais la salle est vide.


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  • Lorsque les troupes allemandes entrèrent en France, le pasteur du Chambon-sur-Lignon, André Trocmé, en appela, du haut de sa chaire, aux "armes de l'esprit", titre que Pierre Sauvage reprit pour réaliser, en 1989, un formidable documentaire. Il savait de quoi il parlait: il avait été sauvé par la mobilisation des plus humbles de cette région des persécutions anti-juives.

    Je recommande absolument à ceux qui parviendraient à retrouver ce document son visionnage. Il rappelle qu'à la fin des fins, la dignité des plus humbles l'emporte. Il y a, en particulier, dans ce film une scène surréaliste où une dame fort bourgeoise, passeuse de juifs en ce temps là, répond en toute innocence à une question du réalisateur qui s'inquiète de savoir comment elle se souvenait où elle avait placé les enfants. Alors, devant la caméra, dans un geste distrait, elle ouvre un tiroir de son secrétaire et tend un carnet en disant: "Oh, mais c'est bien simple, je l'avais noté là". Et le téléspectateur ne peut que frémir à l'idée que ce carnet, qui passa tant de fois la ligne de démarcation, aurait évidemment pu être saisi.

    Bien malgré moi, ce blog est devenu un lieu de dénonciation des vagues de détestation qui sont en train de nous submerger et dont les orientations politiques qui s'annoncent ne seront que davantage porteuses (voir, par exemple, ici). Entre le jeu des alliances médiocres, de l'opportunisme commode et de profondes convictions baignées du rejet d'autrui, il y a beaucoup à craindre. J'ai montré en bien des articles, ici, combien les partisans de l'ouverture et de la compréhension avaient perdu un combat culturel, ce qui risque d''être relayé par un échec politique.

    Il faut en effet opposer les armes de l'esprit, celles de l'intelligence et de la culture ancrée dans la profondeur de l'histoire. D'abord, je note que la prédication du pasteur Trocmé ne resta pas un vague propos de temple. Des gens d'une grande simplicité le relayèrent qui sauvèrent des vies. Ce n'étaient pas que des mots. J'ajoute que les nouveaux triomphateurs, bardés de détestation, sont tout de même assez loin de l'élévation de pensée.

    Par ailleurs, l'impuissance avérée du monde politique depuis des années, doit moins nous faire craindre de probables échecs. Le monde politique est globalement en dépôt de bilan. Certes, il va s'en trouver certains qui perdront des indemnités. Mais, c'est des tréfonds de la société - en dépit de la puissance des forces économiques qui, à court terme, l'emportent formidablement- que vient, sur long terme le changement. Songeons seulement à ces débats face auxquels les politiques ont du capituler: l'écologie, la condition féminine, etc. Toutes ces évolutions ne doivent rien aux politiques mais d'abord et avant tout à ceux qui, du plus bas où ils se trouvaient, ont millimétriquement fait bouger les choses. Aujourd'hui on fait de grandes conférences: c'est mieux que rien. Mais tout a commencé sans les conférenciers.

    Voir aussi: Cet agrément de la haine

    Se construire une belle haine

    Le torrent des partis de la haine

     


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  • Voici, sur la gauche de cette page, la provenance par pays de ceux qui fréquentent ce blog: au total 57 pays et 236 villes. Ceci fait la démonstration de la nature véritable d'internet. C'est un média qui est fait pour atomiser, non pour fédérer. La région où je vis et où je suis un peu connu n'apparaît que très mal placée. Pour un nombre significatif de zones où il semble que j'aie des lecteurs, je n'en vois aucune autre raison que le possible intérêt de ce que j'écris, mais c'est me faire beaucoup d'honneur. D'où vient, diable, que ce blog soit lu au Japon ou à Madagascar? Significatif: 20% de la fréquentation de ce blog vient de régions du monde où la langue n'est pas le français.

    C'est une des limites majeures d'internet. Il est fait pour créer du lien avec des gens qui, sauf cas très particulier, ne se verront jamais. Ce qu'il peut y avoir de physique dans une rencontre est rayé.

    C'est précisément la caractéristique de l'époque. Nous avançons dans un mouvement qui nous sépare les uns des autres parce qu'il nous dématérialise tous. Le journal était un objet physique et cette consistance même donnait de la réalité aux informations qu'on y lisait. On pouvait passer d'une colonne à l'autre si une nouvelle déplaisait - et on ne cessait de le faire. On sautait les pages sportives ou culturelles selon que l'on se désintéressait des unes ou des autres. Mais ces informations étaient toujours là, toutes proches, qu'on finissait par grignoter vaguement, peut-être avec négligence, à la troisième lecture.

    Le clic a tué cela. Qu'au troisième mot une phrase me déplaise et je change de site d'un clic, passant peut-être d'un site politique à un site religieux. L'éloignement est instantané. L'objet qu'est le site, qui n'a aucune autre matérialité que son image, ne me lie en rien à celui qui l'a conçu, peut disparaître en une seconde, tandis que le journal restait sur la table. Personne ne me demande de lui prêter un site alors que je prêtais mon journal.

    On dira que ce sont de bien grands mots. Oui mais réfléchissons aux mutations comparables. La radio fut d'abord un meuble imposant du salon et elle diffusait de doctes conférences, des pièces de théâtre "comme si on y était". La solennité du meuble se mariait à la solennité des programmes. Puis, elle fut le transistor, de plus en plus petit, de plus en plus intégré à la vie de tous les jours, contraint donc d'abandonner ce qu'il pouvait y avoir de pompeux: de la vie (même lorsque cette vie fut les évènements de mai 68) et du facile à digérer. À présent, comme pour le journal et comme pour la tv, il y a une manière de dévaluation de l'objet même. L'avenir même de l'objet-radio (comme de la tv ou comme du journal) est en cause.

    On peut appeler cela démocratisation. Les mots sont faits pour être trompeurs. Si, par exemple, on appelle "démocratisation" le fait de diffuser des vidéos consternantes par Youtube, j'ai de gros doutes sur la démocratisation car je n'appelle pas n'importe quoi information.

    Toujours est-il que l'objet journal qui fédérait parce qu'il donnait une consistance matérielle à la relation avec les auteurs des articles et aux autres lecteurs qu'on voyait dans la rue lire le même journal, est remplacé par des écrans qui, en eux-mêmes ne sont rien (on ne se sent pas complice de quelqu'un qui tapote sur son ordinateur comme on pouvait se sentir complice de quelqu'un qui lisait le même journal que soi). Les sites fédèrent certes puisqu'ils drainent des quatre coins de la planète, mais c'est une réunion abstraite. Tandis que je tapais cet article un Polonais a cherché à me joindre via Facebook, peut-être bien pour de la drague. Il n'y a rien de solide dans ces échanges, rien de cette implication les yeux dans les yeux.

    Internet qui atomise détruit beaucoup sur son passageJe lisais un titre de The Economist relatif à la presse locale britannique qui est en crise (photo), phénomène que je connais bien en France. J'en ai parlé ici. Cela montrait incidemment que, selon l'heureuse formule de Jean de La Fontaine "ils n'en mourraient pas tous, mais tous étaient atteints".

    Je connais parfaitement, bien sûr, le discours des "geek" qui me diront: "basculez tout sur le net, le papier est mort". Eh bien messieurs c'est un peu court. Parce que le raisonnement qui précède montre que la relation au journal n'est pas la même que celle au site. Le journal, c'est un rituel: on entre chez le marchand de journaux, celui qui a des hémorroïdes. On cause du fiston qui ne fait que des conneries. On rentre chez soi en saluant la proprio. On se fait un café et on allume une cigarette. Puis on feuillette (vous voulez feuilleter comment sur le net?): tous les spécialistes de lecture de presse vous le diront. Du reste, un des rares succès de presse contemporain, la revue XXI, le doit d'abord au fait que c'est un bel objet qui a pleinement joué des possibilités spécifiques d'une présentation sur papier.

    C'est un nouveau mode de vie qui s'est installé, plus glacé, assurément moins fédérateur, au contraire plus atomisant, dont j'ai déjà eu à écrire (cf référence ci-dessus) les lourdes conséquences économiques. Nous manquons du recul pour bien apprécier la civilisation qu'il crée. Mais les "geek" feraient bien d'y réfléchir à deux fois.





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  • Bientôt, le client devra payer pour acheterLes évolutions de ces dernières années en matière de commerce montrent une dérive inquiétante. Les grands réseaux de commercialisation (FNAC, Darty...) proposent une variété sans cesse plus maigre de produits avec, j'imagine, une focalisation sur quelques produits à forte marge et à vocation grand public. (À cet égard, il faut être aveugle pour ne pas voir que dans les rayons de librairie, un nombre restreint de titres est ostensiblement mis en évidence).  Dès qu'on tend vers un produit un peu plus spécifique, souvent de meilleure qualité ou, disons, plus exigeant, il faut basculer vers l'achat par internet.

    Mais là, deuxième surprise: les réseaux de commercialisation par internet qui tendent à prendre une place croissante sont en réalité pour une part de leurs offres uniquement des plateformes de proposition, pas de fourniture. Pour le dire autrement, lorsqu'on passe une commande, elle est répercutée à un producteur qui n'a pas nécessairement encore mis le produit en fabrication.

    Moyennant quoi le client va devoir supporter tous les délais de fourniture. Ceci signifie que la fonction de commerce s'est profondément modifiée. On voit bien qu'une part de risque est ainsi éliminée à l'échelon du vendeur: L'invendu devient de plus en plus improbable. Il faut essentiellement être capable de mettre en place une plateforme de vente particulièrement sexy, mais, pour le reste, on distribue du courrier.

    Le client devient totalement tributaire de la qualité de la description qui lui est faite et qui, lorsqu'il s'agit de matériel un peu technique, n'offre aucune des possibilités de conseil et de questionnement que l'on avait autrefois. Une de mes très proches qui se fait une expérience dans le genre me disait récemment: "Tu sais, dans les grands réseaux, ce dont rêve les patrons c'est que le client aille directement au produit sans surtout rien demander au vendeur".

    On est, ainsi, en train de supprimer tout ce qu'il peut y avoir d'humain dans l'échange. Quand on songe qu'il y eût jadis une revue littéraire intitulée "Le Commerce" qui voulait judicieusement manifester par là que dans le mot "commerce", il y a échange, et qu'après tout l'échange des idées est bien un commerce au sens le plus large. Maintenant, à part le numéro de carte bancaire, l'échange est réduit à néant. Et on finira bien par trouver le moyen de faire payer le client pour qu'il paye...


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