• Se construire une belle haine

    Se construire une belle haineSe construire une belle haineJe suis en train de lire un énorme pavé qui est plein d'enseignements pour aujourd'hui. Il s'agit de Une passion républicaine, protestantisme, républicanisme et laïcité dans la Drôme de Jean-Paul Augier. Ca concerne la période 1892- 1918 et ce qui est intéressant c'est qu'on y voit comment tous les arguments pour haïr une communauté sont toujours les mêmes. Les protestants sont soupçonnés, dans cette période où nous cherchons à contrôler Madagascar, d'être des agents de nos concurrents anglais de l'époque, via les pasteurs. C'est la thèse qui reservira contre les juifs, "pas vraiment français" et aujourd'hui contre les musulmans supposés au service des puissances du Golfe ou d'Algérie ou du Maroc. Les protestants sont accusés tout contrôler. Je ne prends même pas la peine de détailler ici ce que ça s'est appliqué aux juifs dans l'entre-deux guerres.

    Bref, on trouve là cette constance dans les arguments de la haine que reprend actuellement avec acharnement (et un rare sens du marketing) un Éric Zemmour. Mais, on voit bien aussi ce qui est à l'oeuvre alors et aujourd'hui qui permet à ces arguments de fonctionner: le sentiment du déclassement. Effectivement, les catholiques drômois ne sont plus seuls. Effectivement, ils ne sont plus les maîtres. Effectivement, le parti radical est très protestant. Effectivement, la mise hors jeu longtemps du protestantisme l'a poussé par la suite vers la franc-maçonnerie. Et personne n'aime partager. C'est une loi de toute éternité. Mais lorsqu'on lit, sous la plume de Jean-Paul Augier, les hectomètres-cubes d'âneries et de diffamation que cela a conduit à proférer, on est accablé.

    Et, comme trop souvent, on voit les victimes- ici les protestants- réutiliser à leur tour les arguments honteux qu'on leur avait opposés. Il advint ainsi au tout début du XX°, à Saillans qu'on eût besoin, pour les funérailles d'un libre-penseur de la civière des protestants très puissants localement. "Ah mais non," dirent-ils, "rien pour les athées". Comme on dit, par l'un pour relever l'autre.

    Surtout qu'on voit bien que pas le moindre de ces arguments n'a supporté le passage du temps. Il n'y a pas le moindre historien catholique, juif, musulman qui pourrait accorder le plus petit crédit à une seule de ces assertions. Peu importe: elles ont servi à mobiliser les esprits de ces temps-là. Il faut s'en souvenir aujourd'hui.


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