• A quoi ressemblera la Pologne ce dimanche soir?Les Polonais ont accordé aux conservateurs catholiques de Jaroslaw Kaczynski (photo) une victoire colossale: 39,1% des voix contre 23% aux libéraux au pouvoir. Le PiS vainqueur est formellement emmené par une femme, Beata Szydlo, mais il est de notoriété publique que le PiS est tenu par Kaczynski, dont le frère jumeau fut président de la République et est mort en 2010 dans un accident d'avion avec de nombreux dignitaires du régime. 

    Il faut voir ce que l'on appelle conservatisme en Pologne. À  côté, Les Républicains français passeraient pour de pâles centristes. “Il y a peu, rappelait la Gazeta Wyborcza, le grand quotidien de référence, Kaczynski disait que les réfugiés allaient transformer les églises en toilettes publiques, imposer la charia et importer le terrorisme. Désormais, il brandit le spectre des épidémies et des parasites”. En toile de fond, on trouve des organes comme Radio Maria, une radio ultra-conservatrice qui, jadis, ne trouva pas déshonorant d'inviter l'auteur d'un massacre de juifs, à Jedwabne, au début de la deuxième guerre mondiale. Il y a deux ans environ, un directeur d'hôpital avait fait en sorte qu'une jeune femme ne puisse avorter. Comme son attitude était manifestement illégale, la ministre en charge du dossier, pourtant catholique elle-même et de droite, l'avait déplacé. Une large campagne de consignes de votes contre cette ministre avait alors été lancée chez les ultras.Voilà pour l'ambiance générale. 

    A quoi ressemblera la Pologne ce dimanche soir?

    La victoire est supérieure aux prévisions des sondages. Droit et Justice obtient la majorité absolue et gouvernera seul. La dernière présidentielle - offrant, il est vrai, à son titulaire un pouvoir plutôt symbolique- a déjà mis en place un membre du PiS. 

    Par parenthèses, The Economist s'est amusé à faire le calcul résumé par ces deux cartes sur la base des résultats des présidentielles. Elles montrent une Pologne très divisée par le vote et par les moeurs: à l'Ouest plus libérale, à l'Est plus conservatrice.

    La Pologne avait réussi une entrée remarquée en Europe, tant par ses performances économiques que par sa participation aux institutions au point que l'actuel président du Conseil Européen, Donald Tusk, est un ancien Premier ministre libéral. Aujourd'hui les performances économiques sont moins brillantes. Surtout, le problème est qu'une partie du débat public en Pologne se situe dans le fantasme (la menace des migrants dont le nombre final devrait être particulièrement faible) ou la toujours populaire détestation du juif. On a peu idée sous les latitudes d'Europe de l'Ouest des formules que l'on peut encore parfois entendre. La Première ministre actuelle (libérale centriste) s'inquiètait de la mise en place d'une "république confessionnelle" par les éventuels vainqueurs de la droite ultra et  "Kaczynski a cessé de se cacher et de cacher son projet, celui d’une nation ethniquement pure, dirigée par un seul chef dont la volonté est mise en œuvre par un Etat fort et omniprésent, allié à une Eglise [catholique] patriotique”, résume la revue Polityka. Ca promet.

    Ceci dit, on attribue à Lech Walesa cette phrase qui contient sûrement une part de vérité: "Le jour où le PiS aura gagné, il aura perdu". Il en est ainsi de bon nombre de ces partis de droite dure qui ont de grandes gueules mais peu de cerveaux. Au demeurant, il faudra surveiller les relations polono-russes de près. Jaroslaw Kaczynski n'a jamais cessé de proclamer que l'accident d'avion dans lequel son frère est mort avait été provoqué par les Russes. Il y a un petit air de vengeance dans l'air.

    Clin d'oeil: la vice-ministre de la justice a été interpellée avec 2 grammes d'alcool dans le sang deux jours avant le scrutin et contrainte à la démission. Elle aurait pu attendre pour se bourrer la gueule.

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  • J'avais été très frappé, dans la nuit des élections législatives portugaises, de voir comment Le Monde et l'Agence France Presse en avait assuré la couverture. Les deux médias assuraient que la droite était reconduite, certes affaiblie, mais guère plus. Or, suivant aussi, par prudence, les résultats sur le site du grand quotidien portugais Diario de Noticias, je n'arrivais pas à la même conclusion. Du moins, je voyais bien qu'il y avait, en additionnant les sièges, une potentialité d'alliance à gauche. Le président vient, au demeurant, de choisir de reconduire le premier ministre de droite, même si sa majorité est très incertaine. Faut se mettre à la place du président: il est lui-même de droite et sur le départ. Il reste que la fragilité du gouvernement qui va tenter de se mettre en place n'autorise absolument pas d'écarter l'hypothèse, en définitive, d'un gouvernement de gauche. Il y a même à cela de fortes probabilités

    D'où l'émotion de la presse britannique qui ne peut que constater, comme ne le fait guère la presse française, qu'il y aurait alors un gouvernement contestataire de plus face aux consignes de Bruxelles. Après Syriza, dans l'attente possible de Podemos en Espagne, et en Grande-Bretagne Jeremy Corbyn ayant "gauchisé" le parti travailliste et, au-delà de l'Europe, alors qu'aux États-Unis Bernie Sanders fait entendre fortement dans la primaire démocrate une voix beaucoup plus radicale , c'est évidemment un signal fort.

    Le Portugal sur le bord de la basculeEt, précisément, c'est important pour l'effet de boule de neige. En effet, on est toujours dans l'attente du résultat de prochaines législatives en Espagne où il semble bien que Podemos ait beaucoup de chances. Dans ces affaires, les symboles sont toujours forts. Ils introduisent une dimension d'irrationnel dans le déroulement des campagnes électorales. Or, bien entendu, Espagne et Portugal sont voisins. Les candidats de Podemos viennent de se voir offrir un formidable argument de campagne: "Regardez nos voisins, ils ne sont pas plus bêtes que nous, suivons l'exemple." Reste à savoir si effectivement la gauche va être désignée au gouvernement. Au demeurant, même si elle ne l'était pas, la droite serait dans une situation si fragile pour gouverner que les dirigeants européens seraient fondés à avoir autant d'inquiétude.


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  • Source HaaretzLes propos purement et simplement délirants de M. Netanyahou, le premier ministre israélien, quant à la responsabilité du grand mufti de Jérusalem dans le choix de Hitler sur la "solution finale" portent une nouvelle fois gravement atteinte à la communauté juive mondiale. En effet, dans la mesure où on lui assigne - et le gouvernement israélien en premier- une manière de devoir de solidarité vis-à-vis d'Israël et de ce qui le représente, on la place dans une situation impossible face à des propos ineptes, un mensonge ÉNORME, que, du reste, des historiens juifs comme non juifs se sont empressés de ridiculiser. Les fameux propos litigieux ont été tenus devant le congrès sioniste mondial. J'imagine le moment d'intense malaise qui a du traverser l'assemblée. On ne peut pas s'empêcher de se demander dans quelle mesure il cultive cette outrance pour conserver une place sur la scène.

    Je n'ignore aucunement qu'une part significative, mais minoritaire, du monde juif est plus que réservée vis-à-vis des politiques menées en Israël. C'est pour beaucoup, du reste, dans la constitution de mouvements "non alignés", comme J Street, qui veulent conserver une liberté d'appréciation sur toute chose se déroulant en Israël. Liberté qui est du reste assez mal vécue par les Israéliens eux-mêmes: il suffit de lire les courriers de lecteurs de la presse israélienne pour y voir embrochés les juifs de l'extérieur qui seraient tous de doux rêveurs et d'affreux gauchistes.

    Mais avec ce raisonnement, je suis dans le subtil. Je catégorise et je ratiocine. La grande masse du public, elle, impressionnée, il faut bien le dire, par des manifestations un peu rapides de solidarité de certains juifs de la diaspora vis-à-vis de n'importe quelle décision du gouvernement israélien, va, dans un mouvement englobant, jeter le bébé avec l'eau du bain. "Tous pareils", va-t-on entendre. Et personne ne lira les protestations, pourtant unanimes de la presse israélienne. 

    Netanyahou est le pire ennemi de la communauté juiveCe qu'il y a de terrible dans l'affaire est que Netanyahou c'est qu'il ruine complètement la crédibilité de sa propre parole et, accessoirement, celle du pouvoir à Tel Aviv. Imaginons que demain, il dise quelque chose d'absolument raisonnable sur sa politique, plus personne ne voudra seulement l'écouter. En dehors du fait que sa propre politique est contestée par des manifestations sur place, je devine bien que ce genre d'esclandre ne peut qu'accroître un pénible sentiment d'isolement dans la population. Diana Pinto (photo) dans un excellent livre, "Israël a déménagé", rendait bien compte de ce sentiment de malaise, même si c'était sous un angle singulier. Accessoirement, si j'ose dire, ce lamentable épisode va accentuer la défiance généralisée du public vis-à-vis des dirigeants de premier plan et de leur parole. Je signalais récemment ce qu'il en était de Bush et Blair dont les mensonges sur la guerre en Irak sont définitivement établis.

    Et pendant que Bibi fait tout se vacarme, une information passe complètement inaperçue. L'autorité chargée de conseiller le gouvernement israélien en matière nucléaire, s'opposant frontalement à lui, trouve l'accord sur le nucléaire pertinent et garantissant que les Iraniens ne basculeront pas dans le nucléaire militaire

    Netanyahou est le pire ennemi de la communauté juivePour conclure en revenant à notre affaire, il est un peu pénible dans un même ordre d'idées de voir ce petit jeu contemporain à franchir les lignes sans arrêt. Qu'Éric Zemmour, qui se définit lui-même comme "juif d'origine berbère", ait osé écrire que Pétain avait protégé les juifs français ce qui a contraint Robert Paxton à remettre les points sur les i, est consternant. Dans mon petit pays, un peu à l'écart, où on en a tant cachés, on n'a pas beaucoup apprécié. Je suggère à ce bruyant connard radiophonique de lire Persécutions et entraides dans la France occupée, de Jacques Sémelin, qui à la fois lui remettra les idées à l'endroit et est un bel hommage à ceux qui, eux, ont protégé des juifs.

    P.S.: Je note, ce jeudi, une manifestation de mouvements juifs protester contre la manière dont l'AFP rendrait compte du conflit israélo-palestinien. Classique manoeuvre d'intimidation dont on voit des usages dans toutes les parties à tous les conflits.


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  • L'intervention russe aux côtés des forces syriennes tant par des bombardements que par des engagements au sol est un piège pour la Russie dont elle risque de payer un prix considérable. D'abord parce qu'elle fait formidablement le jeu de son adversaire supposé, Daesh, même s'il semble bien qu'elle frappe largement l'Armée Syrienne Libre. En effet, comment ne pas voir qu'elle offre aux islamistes radicaux l'image d'une croisade entreprise largement pour ses propres intérêts? 

    C'est exactement ce que Daesh souhaitait. Il semble même que des popes orthodoxes aient été assez sots pour bénir des combattants au départ et, en tous cas, des photos bidons circulent sur le net où l'on voit des soldats russes sur des chars brandissant une croix orthodoxe. Il semble que la photo ait été prise dans le Caucase et que des esprits "bien intentionnés" se soient occupés de faire croire que c'était en Syrie. Quoi qu'il en soit, le mal est fait: le régime LAÏC honni de Assad apparaît comme soutenu par des troupes chrétiennes - et qu'elles soient orthodoxes n'y change rien. 

    Source: L'OpinionLe gros problème de la guerre est qu'elle coûte affreusement cher. Une estimation sur l'engagement russe se monte à 4 millions de dollars par jour: une paille. Petit rappel: lorsque nos avions sont intervenus en Lybie nos supposés alliés américains nous ont VENDU les bombes qu'ils larguaient. On a bien vu ultérieurement, par les protestations de l'état-major français, qu'il y a un vrai problème sérieux de l'état des finances de l'armée française. Alors que dire de la Russie, pays en déclin, qui souffre horriblement de la chute des cours du pétrole, et dont la population diminue drastiquement? Si on pouvait encore croire, comme on a tant tenté de nous le faire admettre au fil des décennies, que l'affaire serait pliée en deux mois, on pourrait saluer l'initiative russe et regretter l'absence d'engagement aussi important des puissances occidentales. Mais c'est le contraire qui est vrai. Les nations parties au conflit sont engagées pour des années. Curieusement, la Russie n'a tenu aucun compte de l'expérience afghane où, jadis, l'URSS s'est enlisée. Souvenons-nous de l'immensité du malaise que cela avait provoqué dans la population alors soviétique, au point de précipiter la chute du régime. Poutine a vraiment toutes les audaces. Par ailleurs, on serait prêt à parier que le risque d'attentats en sol russe vient d'augmenter considérablement.

    Nous vivons tous, malheureusement, dans l'illusion que tout se règle sur le court terme. C'est faux en toute matière mais particulièrement dans celle-ci. J'entends périodiquement des débats qui font remonter la cause de la situation aux accords Sykes- Picot, à l'issue de la première guerre mondiale. Ca n'est naturellement pas faux, mais c'est aussi vrai que de dire que les problèmes de Volkswagen remontent à l'invention du moteur diesel. L'espoir d'un équilibre au Proche-Orient ne peut être reporté qu'à vingt ans, au terme de souffrances terribles. Je redis ce que j'ai déjà écrit: Songeons que la Syrie a déjà vu partir un sixième de sa population, plus de quatre millions de personnes. On voit bien que le soin désormais des grandes puissances de se tenir à prudente distance d'engagements trop nets tient précisément à ce qu'elles on parfaitement fait ce diagnostic. Et ce qui les embête le plus profondément dans la crise des migrants est qu'elle risque de les contraindre à changer de position. De ce point de vue, on peut presque écrire que provoquer une monstrueuse vague migratoire est une tactique redoutable de Daech. Sauf que je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit à ce point pensé.


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  • Dans l'absolu silence de la presse, le livre du tandem Graciet-LaurentÉvidemment, après le scandale de leur acceptation vraisemblable de pots de vin, Éric Laurent et Catherine Graciet n'avait pas beaucoup de chance d'avoir droit à une ligne dans la presse. Et c'est tout de même très exagéré. Parce qu'il n'est pas mal.  J'avais dit ici et ici mon trouble devant cette affaire, dans la mesure où je connais personnellement un des auteurs. Le sentiment que le Maroc se vautre dans une atmosphère de corruption, de volonté, pour le roi et la cour, de faire de l'argent avec tout et, au total, d'un avilissement généralisé, ressort bien du texte. De ce point de vue il faut quand même le lire.

    Ce qui est vrai est que, connaissant désormais l'arrière plan qui a entouré cette publication, on perçoit ce qu'Eric Laurent a dit dans des interviewes postérieures à l'affaire: à savoir que le livre est écrit sans grand enthousiasme, un peu comme s'il était péniblement porté jusqu'au bout.

    Par ailleurs, le lecteur non initié se lassera, de temps à autres, d'intrigues qui, à l'évidence, concernent la vie politique intérieure du Maroc et dans lesquelles on se perd un peu. J'ai le vague soupçon que l'on doit cela à Catherine Graciet, notoirement (un peu trop) bonne connaisseuse de la vie du royaume. Pour autant quelle documentation, quel sentiment de révolte en songeant à l'ahurissant écart entre le revenu du petit paysan et celui de la famille royale, quel ridicule à ces mises en scène à la Potemkine lorsque le roi se déplace! Comment croire que dans une monarchie moderne, avec un roi instruit, on attende de l'entourage d'invraisemblables soumissions?

    Il reste une chose qui, une nouvelle fois nous donne l'occasion de nous élever contre la futilité de la presse francophone qui ne suit jamais les sujets qu'elle lance. L'éditeur nous avait annoncé que ce livre ne paraîtrait pas. Or le voici qui est tout sauf complaisant. Alors? Que s'est il passé? Étant donné qu'une part de manipulation a bien pu jouer, on aimerait avoir toutes les cartes en main.


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  • Adieu les armes de destructions massives, bonjour le complotL'obligation qui vient d'être faite à Hilary Clinton de révéler tous les mails qu'elle avait sur une messagerie privée a eu un effet totalement inattendu. En effet, s'y trouvent des messages datant de la présidence Bush et révélant qu'UN AN AVANT le déclenchement de la guerre en Irak, Tony Blair et George W. Bush étaient en train de comploter pour une opération militaire et que les services américains agissaient même... à l'intérieur du Labour Party pour bien s'assurer que des dirigeants appuieraient l'opération.

    Adieu les armes de destructions massives, bonjour le complotC'est l'effondrement de la thèse de l'erreur qui aurait été faite sur les fameuses "armes de destruction massive". C'est l'aveu d'une manipulation de tous les autres dirigeants du monde depuis la tribune des Nations Unies. C'est la définitive déconsidération de la parole officielle de ces deux dirigeants. On en trouvera les détails ici. Et les mémos qui sont ainsi révélés ne viennent pas d'un journaliste en mal de copie, mais de Colin Powell, ministre de George Bush.

    Quelques petites remarques accessoires. Mme. Clinton avait donc sous les yeux la preuve de la trahison de George Bush depuis des années. Elle ne s'en est pas servie. Ce qui accessoirement montre une certaine solidarité entre travaillistes britanniques et démocrates américains en dépit de ce que le Mail on Sunday appelle le "pacte de sang" entre Bush et Blair. Par ailleurs, s'il y en a qui doivent se mordre les doigts aujourd'hui d'avoir fait une campagne pour obtenir la révélation de ces mails, ce sont bien les Républicains américains. Quel effet boomerang! On souhaite bien du plaisir à M. Jeb Bush, frère de qui-vous-savez, pour la suite de sa campagne présidentielle. Enfin une curiosité: il semble que M. Colin Powell se rapproche de Mme. Clinton à propos de cette présidentielle de 2016. Ca n'a rien à voir?

     


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  • L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRELe flux incessant de migrants qui, traversant la Turquie, viennent en Europe a amené celle-ci à prendre langue avec Recep Tayyip Erdogan, le président turc,pour tenter d'enrayer le mouvement. Cela s'est traduit par un voyage de Mme. Merkel, seule, qui a rencontré M. Ahmet Davutoglu (photo), le premier ministre et le Président  Erdogan. 

    On reste dans un grand flou quant à ce qui a été réellement promis. Mais il semble bien que la chancelière allemande ait fait quelques promesses de soutien quant à l'examen de dossiers de l'adhésion de la Turquie à l'Europe.

    Il est absolument clair qu'on est, à cet égard, dans un moment important pour ce dossier. M. Erdogan est en campagne électorale. Il a besoin de donner le sentiment de victoires qui le valoriseraient. Une petite avancée ne peut que l'arranger. Par ailleurs, il a besoin de soutiens multiples quant à sa situation militaire. À sa frontière, une guerre civile fait rage. Son pays est, lui-aussi -et bien plus que les nations européennes- soumis à un flot de réfugiés.

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRE

     

    En sens inverse, toutes les grandes puissances européennes ont besoin qu'on tarisse le flot. Par ailleurs, dans la mesure où elles sont menacées par des attaques terroristes, elles ont tout intérêt à se coordonner avec la police turque autant que faire se peut. 

     

     

     Il y aurait évidemment d'innombrables sujets qui devraient faire sourciller les représentants des vieilles démocraties: la question kurde, la question alévie, les tendances autocratiques du régime, etc. Mais il y a des moments où ça n'est pas le moment: nous y sommes. Par ailleurs, on serait tout-à-fait curieux de savoir quelles pressions peuvent exercer les Américains en ce moment car, eux aussi, ont besoin d'Ankara. 

    Donc, il est assez évident que les questions qui fâchent ne seront pas posées. Mais ni d'un côté, ni de l'autre. Parce que ça n'est pas en pleine campagne électorale que le régime va se fâcher avec le restant de l'Europe. Et cette question de l'opinion intérieure se pose tout autant pour nos nations où les populations ne sont globalement pas favorables à une adhésion de la Turquie (en dépit d'engagement très anciens pris à cet égard), mais sont, a contrario, très désireuses qu'on endigue les flux migratoires.

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTREBref, tout le monde doit céder un peu. Mais les cadavres dans les placards sont si nombreux qu'on ne pourra pas aller très loin. C'est un paradoxe. Parce que pour tous, vu l'urgence, il faudrait des coopérations approfondies. Il est manifeste que même si la guerre s'arrête demain matin, la Syrie, qui n'est plus un état viable, continuera de voir ses populations partir. Déjà 4 millions sur 22 millions! Et la carte ci-dessus est très éloquente: le fardeau sera, demain encore, terrible pour la Turquie.

    Par parenthèse, les comiques qui ne cessent de dire, un peu partout dans la vieille Europe, que la solution est de traiter le problème sur place feraient bien, eux aussi, de regarder cette carte. Le seul examen des chiffres montre qu'on est au-delà de toute solution qui se règlerait, comme ils feignent de le croire, par un claquement de doigts. Nous sommes devant une difficulté gigantesque (voir ici) et on en reparlera encore dans dix ans.

    Mais revenons à  cette situation où des pays qui ne s'aiment pas sont absolument contraints à la négociation. Et pas une petite négociation: les enjeux sont énormes. Ce dossier qui avait été bien caché aux opinions va nous revenir par la fenêtre. Et prendre de la place. Car il faut aussi songer que l'Europe ne peut absolument pas se permettre de voir la Turquie s'affaiblir, pire encore, s'écrouler. On n'en est certes pas là. Mais des attentats répétés, un pouvoir contesté et qui mène une politique autoritaire aventureuse, des millions de réfugiés, une économie qui, bien avant cette affaire, avait perdu de l'allant, ça mérite qu'on y regarde de près.


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