• Lutte contre le tabagisme: les effets pervers d'une bonne mesure

    Lutte contre le tabagisme: les effets pervers d'une bonne mesureOn m'assure que d'anonymiser des paquets de tabac va diminuer la consommation. Je ne comprends pas très bien pourquoi, mais mettons. Les sénateurs avaient proposé une solution moins radicale, prenant en compte la situation des buralistes des zones rurales qui sont en situation difficile.

    On pourrait voir là derrière un argument spécieux. En réalité, il met au jour une réalité complexe qu'il faut regarder à deux fois. Il se trouve, en effet, que les marchands de tabac sont très rarement uniquement spécialisés dans ce commerce. Ils vendent beaucoup d'autres choses, par exemple des journaux.  Or les ventes en kiosques de journaux et de magazines au numéro ont de nouveau baissé en 2014, de 7,7% pour le nombre d'exemplaires et de 4% en valeur, mais moins qu'en 2013 (-10,5% et -6,5%). Résultat: le nombre de kiosque a chuté de près d'un millier aggravant le phénomène de baisse des ventes de la presse qui, en la fragilisant, accentue sa baisse dans les kiosques subsistant, etc. On est dans une spirale malsaine. 

    Naturellement, on peut absolument soutenir qu'on se moque éperdument de la baisse des ventes de presse et que l'important est d'améliorer la santé du pays. J'en conviens, bien sûr. Hélas, il faut prolonger le raisonnement. Il est rarissime que les bureaux de tabac ne vendent que de la presse et du tabac. Ils vendent d'autres produits de première nécessité.

    Qu'ils disparaissent en ville n'est pas un problème. Mais à la campagne, c'en est assurément un et ça fragilise des zones qui n'ont pas besoin de ça. Or, le géographe Christophe Guily avait parfaitement raison, malgré la charge dont il fut l'objet, de mettre en évidence que les zones rurales sont des zones de nouvelle pauvreté. Il faut ne pas les connaître pour soutenir le contraire et j'ai trouvé infiniment parisien le débat qui visait à le clouer au pilori. Oui, bien sûr, les zones rurales souffrent. Oui, bien sûr, tous les chiffres le montrent, elles tendent à concentrer des populations chassées des zones urbaines par les coûts de l'immobilier.

    Or, la régression du niveau de services qu'on y dispense, par exemple avec la fermeture massive des bureaux de postes, avec le départ des médecins vers des zones urbaines où la diversité des possibilités est meilleure, est une incontestable réalité. Au point, comme l'on sait, que des programmes massifs de soutien à leur implantation en zones rurales existent... avec bien peu de succès. Ce n'est pas par hasard. Et ceux qui soutiennent le contraire ont, à mes yeux, un détestable mépris du peuple des campagnes dont ils ne savent rien.

    Personne, bien sûr, ne peut souhaiter une dégradation de la santé publique. Mais il ne faut pas se masquer les choses: il y a un effet pervers dans cette mesure qu'il faut essayer de pallier. Le problème est que ce sont les mêmes qui lancent ce programme d'anonymisation qui soutiennent, au nom de la rationalisation budgétaire, la désertification des campagnes en services. Dans ces conditions, il est un peu difficile de se donner bonne conscience au nom de la santé publique. Du moins, il devrait l'être.


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