• L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRE

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRELe flux incessant de migrants qui, traversant la Turquie, viennent en Europe a amené celle-ci à prendre langue avec Recep Tayyip Erdogan, le président turc,pour tenter d'enrayer le mouvement. Cela s'est traduit par un voyage de Mme. Merkel, seule, qui a rencontré M. Ahmet Davutoglu (photo), le premier ministre et le Président  Erdogan. 

    On reste dans un grand flou quant à ce qui a été réellement promis. Mais il semble bien que la chancelière allemande ait fait quelques promesses de soutien quant à l'examen de dossiers de l'adhésion de la Turquie à l'Europe.

    Il est absolument clair qu'on est, à cet égard, dans un moment important pour ce dossier. M. Erdogan est en campagne électorale. Il a besoin de donner le sentiment de victoires qui le valoriseraient. Une petite avancée ne peut que l'arranger. Par ailleurs, il a besoin de soutiens multiples quant à sa situation militaire. À sa frontière, une guerre civile fait rage. Son pays est, lui-aussi -et bien plus que les nations européennes- soumis à un flot de réfugiés.

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    En sens inverse, toutes les grandes puissances européennes ont besoin qu'on tarisse le flot. Par ailleurs, dans la mesure où elles sont menacées par des attaques terroristes, elles ont tout intérêt à se coordonner avec la police turque autant que faire se peut. 

     

     

     Il y aurait évidemment d'innombrables sujets qui devraient faire sourciller les représentants des vieilles démocraties: la question kurde, la question alévie, les tendances autocratiques du régime, etc. Mais il y a des moments où ça n'est pas le moment: nous y sommes. Par ailleurs, on serait tout-à-fait curieux de savoir quelles pressions peuvent exercer les Américains en ce moment car, eux aussi, ont besoin d'Ankara. 

    Donc, il est assez évident que les questions qui fâchent ne seront pas posées. Mais ni d'un côté, ni de l'autre. Parce que ça n'est pas en pleine campagne électorale que le régime va se fâcher avec le restant de l'Europe. Et cette question de l'opinion intérieure se pose tout autant pour nos nations où les populations ne sont globalement pas favorables à une adhésion de la Turquie (en dépit d'engagement très anciens pris à cet égard), mais sont, a contrario, très désireuses qu'on endigue les flux migratoires.

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTREBref, tout le monde doit céder un peu. Mais les cadavres dans les placards sont si nombreux qu'on ne pourra pas aller très loin. C'est un paradoxe. Parce que pour tous, vu l'urgence, il faudrait des coopérations approfondies. Il est manifeste que même si la guerre s'arrête demain matin, la Syrie, qui n'est plus un état viable, continuera de voir ses populations partir. Déjà 4 millions sur 22 millions! Et la carte ci-dessus est très éloquente: le fardeau sera, demain encore, terrible pour la Turquie.

    Par parenthèse, les comiques qui ne cessent de dire, un peu partout dans la vieille Europe, que la solution est de traiter le problème sur place feraient bien, eux aussi, de regarder cette carte. Le seul examen des chiffres montre qu'on est au-delà de toute solution qui se règlerait, comme ils feignent de le croire, par un claquement de doigts. Nous sommes devant une difficulté gigantesque (voir ici) et on en reparlera encore dans dix ans.

    Mais revenons à  cette situation où des pays qui ne s'aiment pas sont absolument contraints à la négociation. Et pas une petite négociation: les enjeux sont énormes. Ce dossier qui avait été bien caché aux opinions va nous revenir par la fenêtre. Et prendre de la place. Car il faut aussi songer que l'Europe ne peut absolument pas se permettre de voir la Turquie s'affaiblir, pire encore, s'écrouler. On n'en est certes pas là. Mais des attentats répétés, un pouvoir contesté et qui mène une politique autoritaire aventureuse, des millions de réfugiés, une économie qui, bien avant cette affaire, avait perdu de l'allant, ça mérite qu'on y regarde de près.


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