• Face à la marée de haine, les armes de l'esprit

    Lorsque les troupes allemandes entrèrent en France, le pasteur du Chambon-sur-Lignon, André Trocmé, en appela, du haut de sa chaire, aux "armes de l'esprit", titre que Pierre Sauvage reprit pour réaliser, en 1989, un formidable documentaire. Il savait de quoi il parlait: il avait été sauvé par la mobilisation des plus humbles de cette région des persécutions anti-juives.

    Je recommande absolument à ceux qui parviendraient à retrouver ce document son visionnage. Il rappelle qu'à la fin des fins, la dignité des plus humbles l'emporte. Il y a, en particulier, dans ce film une scène surréaliste où une dame fort bourgeoise, passeuse de juifs en ce temps là, répond en toute innocence à une question du réalisateur qui s'inquiète de savoir comment elle se souvenait où elle avait placé les enfants. Alors, devant la caméra, dans un geste distrait, elle ouvre un tiroir de son secrétaire et tend un carnet en disant: "Oh, mais c'est bien simple, je l'avais noté là". Et le téléspectateur ne peut que frémir à l'idée que ce carnet, qui passa tant de fois la ligne de démarcation, aurait évidemment pu être saisi.

    Bien malgré moi, ce blog est devenu un lieu de dénonciation des vagues de détestation qui sont en train de nous submerger et dont les orientations politiques qui s'annoncent ne seront que davantage porteuses (voir, par exemple, ici). Entre le jeu des alliances médiocres, de l'opportunisme commode et de profondes convictions baignées du rejet d'autrui, il y a beaucoup à craindre. J'ai montré en bien des articles, ici, combien les partisans de l'ouverture et de la compréhension avaient perdu un combat culturel, ce qui risque d''être relayé par un échec politique.

    Il faut en effet opposer les armes de l'esprit, celles de l'intelligence et de la culture ancrée dans la profondeur de l'histoire. D'abord, je note que la prédication du pasteur Trocmé ne resta pas un vague propos de temple. Des gens d'une grande simplicité le relayèrent qui sauvèrent des vies. Ce n'étaient pas que des mots. J'ajoute que les nouveaux triomphateurs, bardés de détestation, sont tout de même assez loin de l'élévation de pensée.

    Par ailleurs, l'impuissance avérée du monde politique depuis des années, doit moins nous faire craindre de probables échecs. Le monde politique est globalement en dépôt de bilan. Certes, il va s'en trouver certains qui perdront des indemnités. Mais, c'est des tréfonds de la société - en dépit de la puissance des forces économiques qui, à court terme, l'emportent formidablement- que vient, sur long terme le changement. Songeons seulement à ces débats face auxquels les politiques ont du capituler: l'écologie, la condition féminine, etc. Toutes ces évolutions ne doivent rien aux politiques mais d'abord et avant tout à ceux qui, du plus bas où ils se trouvaient, ont millimétriquement fait bouger les choses. Aujourd'hui on fait de grandes conférences: c'est mieux que rien. Mais tout a commencé sans les conférenciers.

    Voir aussi: Cet agrément de la haine

    Se construire une belle haine

    Le torrent des partis de la haine

     


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