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La folle aventure russe contre Daesh
L'intervention russe aux côtés des forces syriennes tant par des bombardements que par des engagements au sol est un piège pour la Russie dont elle risque de payer un prix considérable. D'abord parce qu'elle fait formidablement le jeu de son adversaire supposé, Daesh, même s'il semble bien qu'elle frappe largement l'Armée Syrienne Libre. En effet, comment ne pas voir qu'elle offre aux islamistes radicaux l'image d'une croisade entreprise largement pour ses propres intérêts?
C'est exactement ce que Daesh souhaitait. Il semble même que des popes orthodoxes aient été assez sots pour bénir des combattants au départ et, en tous cas, des photos bidons circulent sur le net où l'on voit des soldats russes sur des chars brandissant une croix orthodoxe. Il semble que la photo ait été prise dans le Caucase et que des esprits "bien intentionnés" se soient occupés de faire croire que c'était en Syrie. Quoi qu'il en soit, le mal est fait: le régime LAÏC honni de Assad apparaît comme soutenu par des troupes chrétiennes - et qu'elles soient orthodoxes n'y change rien.
Le gros problème de la guerre est qu'elle coûte affreusement cher. Une estimation sur l'engagement russe se monte à 4 millions de dollars par jour: une paille. Petit rappel: lorsque nos avions sont intervenus en Lybie nos supposés alliés américains nous ont VENDU les bombes qu'ils larguaient. On a bien vu ultérieurement, par les protestations de l'état-major français, qu'il y a un vrai problème sérieux de l'état des finances de l'armée française. Alors que dire de la Russie, pays en déclin, qui souffre horriblement de la chute des cours du pétrole, et dont la population diminue drastiquement? Si on pouvait encore croire, comme on a tant tenté de nous le faire admettre au fil des décennies, que l'affaire serait pliée en deux mois, on pourrait saluer l'initiative russe et regretter l'absence d'engagement aussi important des puissances occidentales. Mais c'est le contraire qui est vrai. Les nations parties au conflit sont engagées pour des années. Curieusement, la Russie n'a tenu aucun compte de l'expérience afghane où, jadis, l'URSS s'est enlisée. Souvenons-nous de l'immensité du malaise que cela avait provoqué dans la population alors soviétique, au point de précipiter la chute du régime. Poutine a vraiment toutes les audaces. Par ailleurs, on serait prêt à parier que le risque d'attentats en sol russe vient d'augmenter considérablement.
Nous vivons tous, malheureusement, dans l'illusion que tout se règle sur le court terme. C'est faux en toute matière mais particulièrement dans celle-ci. J'entends périodiquement des débats qui font remonter la cause de la situation aux accords Sykes- Picot, à l'issue de la première guerre mondiale. Ca n'est naturellement pas faux, mais c'est aussi vrai que de dire que les problèmes de Volkswagen remontent à l'invention du moteur diesel. L'espoir d'un équilibre au Proche-Orient ne peut être reporté qu'à vingt ans, au terme de souffrances terribles. Je redis ce que j'ai déjà écrit: Songeons que la Syrie a déjà vu partir un sixième de sa population, plus de quatre millions de personnes. On voit bien que le soin désormais des grandes puissances de se tenir à prudente distance d'engagements trop nets tient précisément à ce qu'elles on parfaitement fait ce diagnostic. Et ce qui les embête le plus profondément dans la crise des migrants est qu'elle risque de les contraindre à changer de position. De ce point de vue, on peut presque écrire que provoquer une monstrueuse vague migratoire est une tactique redoutable de Daech. Sauf que je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit à ce point pensé.
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