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Les écolos ont un problème avec le peuple
La suspension qui vient d'être annoncée de "l'éco-taxe" devrait contraindre les milieux écologistes - dont c'était une juste cause- à réfléchir sur leur insertion, à leur poids, à leur capacité d'intervention dans la société. Je veux dire la société des hommes, tant il apparaît que, parfois, les humanoïdes leurs sont légèrement méconnus, ou plutôt qu'ils s'en désintéressent. J'ai, comme journaliste, le souvenir pénible d'une longue discussion avec un personnage dont je ne conteste aucunement les connaissances naturalistes - et même le fait que, sur beaucoup de points il avait raison- mais qui manifestait une quasi-réticence physique à reconnaître que tel ou tel homme bien ordinaire pouvait être victime des agissements des loups ou des vautours. Et il s'en faut d'énormément que le cas ait été isolé.
SAUTER UNE ÉTAPE.- Soyons clair: j'ai l'intuition que beaucoup des affirmations qui nous viennent de ces milieux sont pertinentes. Le grave problème est que beaucoup voudraient, en quelque sorte "sauter une étape", se dispenser du passage par la pédagogie à chacun, aux plus humbles, au nom d'une science de la nature que je ne vais pas leur contester parce que la mienne est modeste mais qui n'en est pas moins assénée souvent de façon hautaine et méprisante.
Les écolos ont un problème avec les gens simples, avec le bistrot, avec la partie de boules. Leurs convictions les ont nourris d'une certaine idée de supériorité. Il faut regarder les choses en face: les résultats électoraux des écologistes sont chroniquement désastreux. Dans une hypothèse favorable, ils arrivent à placer quelques hommes et femmes en position marginale dans des conseils municipaux. Les résultats des sénatoriales viennent d'en apporter la preuve: s'ils avaient eu plus de "grands élus" (maires, adjoints) ils auraient obtenu de meilleurs résultats. Il est consternant et significatif qu'une intelligence comme celle de Daniel Cohn Bendit se soit éloignée d'eux. Il avait soulevé une excellente problématique en parlant de "boite à outils" de l'action politique, mais les écologistes ne sont pas parvenus à comprendre qu'il y avait un moment où il faut s'organiser dans la discipline, ce qui implique par moment de fermer sa gueule et de suivre une ligne intelligible par le plus grand nombre.
Et puis, il faut de l'humilité. Malheureusement, le sentiment d'être investi par une force supérieure qui serait celle de la Nature qui, dans la bouche de certains, devient une déesse mythologique, génère parfois des attitudes exaspérantes de grands prêtres. Oui, ça n'est pas marrant de discuter avec un vieux chasseur un peu alcolo, oui les élections locales ce sont des affaires de trottoirs et de conduites. Mais ce n'est qu'au prix d'accepter ces peu marrants dossiers qu'on finit par obtenir du respect de la popularité locale et, par conséquent de pouvoir faire passer, par exemple, son opposition au nucléaire, aux gaz de schiste, etc.
Leur chance est que certains de leurs opposants sont si spectaculairement plus désagréables - je pense à certains milieux, pas tous, de la chasse- qu'instinctivement on se range du côté des écolos. Mais je suis fatigué de voir la vitesse à laquelle on sombre dans l'invective et je crains fort qu'à force de vouloir porter le verbe trop haut ils aient été les alliés de leurs adversaires.
CARACTÉRISTIQUE TRÈS FRANCAISE.- Les écolos ont souvent du génie pour populariser leurs causes. Ils ont parfaitement compris l'usage à faire des médias. Leurs manifs sont marrantes, leur énergie force l'admiration... et puis, plof, plus rien.Pourquoi cet écart? Pourquoi, alors que le plus grand nombre - et moi dans celui-ci- est intuitivement pour le respect de la nature, méfiant vis-à-vis de ces manips des mondes du nucléaire ou du gaz de schiste, le saut vers le suffrage universel, ne se fait-il pas? Je veux bien qu'on prétende sans cesse que c'est de la faute d'obscurs lobbies mais il y a un moment où cette explication devient un peu commode. Je suis frappé de l'impact que les écologistes allemands ou suisses ont pu trouver, en particulier dans des décisions à impact très important, (le nucléaire, en particulier) parce qu'il leur est arrivé d'accepter des négociations probablement avec des gens qu'ils détestent. Mais au moins, ils ont obtenu des résultats. Je suggère aux écologistes français d'aller regarder de près ce qui se passe dans ce pays très conservateur qu'est la Suisse. Nous avons des leçons à y prendre en matière d'environnement.
Mais ceci tient à une caractéristique très française. Dans le restant de l'Europe du Nord, on a une représentation du pouvoir, de la politique, beaucoup plus pragmatique, il faut bien le dire beaucoup plus modeste. Nous avons, en France, une manière d'en attendre tout, de dénoncer sans arrêt des faits du prince pourtant si inopérants qui se retourne contre nous.
J'ajoute qu'il y a, en France, une spécificité complémentaire. Pour des raisons peut être liées à l'ambiance politique du pays, on a lancé ce concept flou d'"écologie politique" qui permettait de se présenter comme "de gauche", tout en préservant une coloration "verte". Ce souci a été bien moins grand ailleurs en Europe où on ne tient pas le monde politique en suffisante estime pour devoir se situer par rapport à lui. Le "naturalisme" n'y fait rougir personne alors qu'en France honte soit sur Antoine Waechter que ne passionnaient pas les postures politiques. Or l'écologie a un problème: étant soucieuse de préserver la nature, elle a un tropisme conservateur. Certains de ses partisans peuvent l'être terriblement. On ferait bien de comparer les écrit de M. Rabbhi avec ceux du philosophe des années quarante Gustave Thibon si admiré des pétainistes. On m'excusera de ne pas admirer. Mais dans le même temps, il faut "faire moderne", donc alternatif. Tout ça aboutit à une purée à laquelle je confesse ne plus rien comprendre
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