• Régionales: Nous avons mal mesuré l'ampleur des frustrationsLa montée irrésistible, depuis plusieurs scrutins, du Front National n'est pas que de la faute des autres qui seraient crétins, incultes et bas de plafond. C'est un peu commode de raisonner ainsi et je n'aime pas beaucoup les propos suintant le mépris et la moquerie à propos des électeurs du FN. Si on veut se tirer une balle dans le pied, on ne fera pas autrement. Notre société secrète depuis des années un sentiment de décrochement, ce que d'autres ont assez bien qualifié d'"insécurité culturelle". La formule est bonne: elle correspond à une réalité, l'idée qu'on fera moins bien qu'avant, qu'on n'est même pas sûr de "porter ses enfants au bout".

    Cette réalité a beaucoup à voir avec le discours public, avec ces femmes et ces hommes trop propres sur eux, trop souriants, trop habiles à s'exprimer qui accèdent aux plateaux de télévision mais que leur perfection même éloigne de la grande masse du public. C'est un peu comme si, le journal de vingt heures succédant dans le programme de la chaîne à un feuilleton plein de stars bien pomponnées, ils en étaient eux aussi une partie du spectacle, des acteurs comme les autres. Bref, "pas comme moi".

    Oui mais voilà: la grande masse des gens ordinaires, ni maquillée, ni très adroite de ses mots n'accède pas aux plateaux de télévision. Et chaque fois qu'elle voit les veinards qui viennent y prononcer des discours trop prévisibles, elle sent son agacement monter d'un cran. On ne dira jamais assez ce que l'insincérité du vocabulaire de ce monde est dévastatrice. Ces mots dont chacun désormais comprend le sous-entendu sinistre: adaptation qui veut dire licenciements, etc. C'est comme un vieux feuilleton dont on connait à l'avance l'issue de l'épisode. Il y a bien quelques surprises de scénario, mais l'idée générale on la connaît: à la fin le beau gosse en Triumph TR5 embrasse la nana siliconée, économe de ses vêtements.

    J'ai passé la soirée électorale à l'écoute de France Inter. Pas un intervenant qui ait pleuré, gueulé, éructé. Rien que du lisse, du contrôlé. Rien que des mots que nous n'utiliserions jamais. Personne qui ait dit: "Nous sommes dans la merde" ou "quel coup de pied au cul". Non, rien. Du clean, de l'artificiel. Du "pas-comme-l'électeur".

    Le comble est que le monde politique paie fort cher des conseillers pour être absolument standardisé, savoir parfaitement réagir à la question du journaliste, sourire comme il convient, donner son bon profil. Et à chaque intervention nouvelle de ses conseillers, l'homme politique perd des voix supplémentaires tout simplement parce que personne n'y croit. Il suffit de voir combien demeurent populaires ceux qui se taisent. Alain Juppé, par exemple, s'est contenté, au soir du désastre des régionales de dire: "Il va falloir qu'on en parle au bureau politique". Tu parles d'une déclaration! Personne ne la reprise et Juppé a eu bien raison.(Voir ici)

    Jadis, la radio étant balbutiante et la télévision inexistante, les hommes politiques devaient faire campagne sous les préaux des écoles. Et ils finissaient  par connaître ces femmes et ces hommes qui avaient des vêtements un peu vieillis, qui ne sentaient pas toujours la rose mais qui étaient des hommes et des femmes vrais. Aujourd'hui ils ont d'élégants jeunes gens sortis de Science-Po qui leurs fournissent des études sur les CSP (catégories socio-professionnelles). C'est chouette, ça, les CSP. Mais au bout de trente ans de CSP, de beaux graphiques et de sondages, on se retrouve le dimanche 6 décembre. La queue entre les jambes.

     

    Voir ici aussi: Pourquoi voter à droite quand on a l'extrême droite


    votre commentaire
  • Mais, bon sang,  la collaboration gauche droite se fait partout en FranceL'abyssal écart existant entre ce que Giscard appelait justement la France profonde et celle qui prétend refléter l'opinion dominante fait, ces temps-ci, une victime supplémentaire. L'éventualité que se mettent en place des listes communes PS-LR face au Front National permet de pousser des cris d'orfraie. Mais, tonnerre de Brest, depuis des décennies, ces collaborations gauche-droite sont le pain quotidien du plus grand nombre de communes françaises.

    Il y a en France 36 000 communes dont celles de plus de 1000 habitants se voient imposer, par le mode de scrutin, des affrontements partisans. Et je note que les adorateurs de ce genre de bagarres qui inspirent les textes de lois voudraient encore abaisser la limite. Mais l'immense masse des communes de France - exactement 26924 en 2011- fonctionne sur un mode pleinement collaboratif. Sans doute ça ne garantit ni l'amour, ni la sérénité. Mais, dans la mesure où l'on est tout de même bien obligé de reconnaître que la commune est l'échelon capital de l'organisation de l'administration du pays, il faut bien admettre que ça marche.

    On l'a complètement oublié, mais il y eût un temps où le système du panachage aujourd'hui confiné aux petites communes, par les efforts des fonctionnaires de partis, existait aussi pour les moyennes. Je me souviens d'une conversation avec un ancien adjoint au maire de droite d'une petite ville qui me disait regretter le temps où il devait collaborer pleinement avec d'anciens adversaires de gauche, tout simplement pour que ça marche. Et il me disait, avec une loyauté sympathique, ce que lui-même y avait gagné.

    Mais, bon sang,  la collaboration gauche droite se fait partout en FranceUne idéologie partisane - et je veux dire multipartisane, au sens où il s'agissait d'offrir aux partis une position prééminente- l'a emporté. Les débats un peu partout sont pollués par des directives partisanes qui font que l'on s'affronte sur des sujets qui, dans les faits, n'existent pas. Mais on voit bien que ceci nourrit le système partisan qui a besoin de se justifier, dans le temps même, où - toutes les données concordent- les partis se vident de leurs adhérents.

    Et pourquoi se vident-ils? Précisément parce que la population n'y trouve plus le reflet de ce qu'elle vit. Elle sait bien que, dans sa vie quotidienne, les compromis sont la pratique constante, qu'à l'intérieur des entreprises et des administrations, jour après jour, on passe des accords avec des personnes avec lesquelles on peut être, par ailleurs, en désaccord. On apprend même à gérer cela dans les écoles de management.

    Mais voilà: le théâtre politique continue de jouer parce qu'il est subventionné mais la salle est vide.


    votre commentaire

  • Politique: le temps est au rétrécissementUn très intéressant article de Bruno-Roger Petit évoque l'éventualité d'une candidature Zemmour à la présidentielle dans l'optique de dynamiter aussi bien Sarko que Juppé et, au passage, un peu aussi Marine Le Pen. Je n'ai pas la plus petite idée de la pertinence ou non de l'hypothèse, mais j'y crois assez. La détestation à l'intérieur de la droite atteint, en effet, des sommets olympiques. (Voir ici et ici)

    Nous sommes, en effet, dans un temps de rétrécissement des perspectives, de perte de la générosité, d'abandon des vastes projets. Triomphent des petits comptables ratiocineurs, bardés de sondages. Le champion est celui qui coupera le plus de dépenses, comme si c'était une perspective en soi. Il n'y a plus de fins, il y a une fascination des moyens. Internet, à cet égard, est très emblématique. C'est un moyen formidable, mais qui ne produit rien d'autre qu'une offre de moyens. Pour le reste, on en est toujours ramené à la nécessité d'une grande idée fondatrice. Le vent qui souffle est, à cet égard, affligeant. 

    Comme par hasard, ceci est concomitant avec une impuissance grandissante du politique qui n'atteint plus nulle part ses objectifs au point que lorsque l'on a une conversation avec un élu, il avoue raser les murs. Le peuple le méprise et, dans le même temps, montent les nouveaux gourous jouant sur le complot ou sur une spiritualité de bazar. Le savant authentique ne peut plus être qu'un complice d'une obscure machination. Et ce qui monte du peuple, l'égoïsme, le racisme, la fermeture n'est pas très engageant.

    Et, en effet, on se demande vers quoi se tourner. Les chiffres désastreux de participation aux scrutins de toute nature en sont un témoignage.  Faut-il revenir à la religion et laquelle? Ou quelle autre doctrine? Qui sont ceux qui valent pour de bon d'être admirés quand à peine l'un ou l'autre émerge qu'aussitôt on le soupçonne des pires maux? 

    Certains, peut-être, se souviennent de cette image finale de Fahrenheit 451 où l'on voyait une petite communauté apprendre par coeur des livres condamnés à disparaître. L'époque est bien à cela, au regroupement local, à la petite communauté, à de modestes expériences. L'immense problème étant que cela ne construit rien au niveau de la nation. Le pire n'est jamais sûr, mais le meilleur se fait attendre.


    votre commentaire
  • Tailler dans le soutien aux associations culturelles, aux festivals, aux théâtres est sans doute très ennuyeux pour le monde des artistes et des créateurs. Mais c'est aussi dangereux pour les limonadiers et les marchands de frippes. Il faut y regarder à deux fois.

    FAITES GAFFE EN COUPANT LES SUBVENTIONS À LA CULTURE


    votre commentaire

  • votre commentaire

  • votre commentaire