• Le sens de la marche

    Le sens de la marcheOn peut savoir sans comprendre. La réflexion me vient incidemment à l'occasion de la lecture d'un livre remarquable de Ben Shephard: "Le long retour" (Albin Michel), sur le sort des déplacés au lendemain de la seconde guerre mondiale. Bien que je ne souhaite pas m'attarder ici à son strict propos, je résume tout de même: les Alliés avaient énormément d'informations sur la situation de tous Le sens de la marcheles fronts et de tous les pays, par exemple, sur le sort des juifs. Mais ils ne les comprenaient pas. Et ils avaient d'excellentes excuses à celà. C'est un des mérites de ce livre de les mettre en évidence. Par exemple, les juifs n'étaient, pendant la guerre, qu'une partie et même une infîme partie (en dépit de l'horreur du sort qui leur étaient réservés) d'une immense cohorte de déplacés de toutes nations, Polonais, Ukrainiens, Baltes, mais aussi Français (STO) ou Italiens qui formaient un ahurissant maelström. Les dirigeants alliés voyaient bien qu'ils auraient à se colleter à ce maelström, au sein duquel ils ne saisissaient pas vraiment la spécificité de ce qui se passait pour les juifs.

    Le sens de la marcheL'ERE DES TOCARDS.- Je laisse cela de côté qui est un bout d'histoire très particulier pour m'attarder à la lecon de fond. En somme, les dirigeants avaient tout en mains pour comprendre, les informations étaient sur leurs bureaux.  Ils savaient, autant que l'on voudra, mais ils ne parvenaient pas à discerner le sens de la marche. Et encore, je parle de Churchill, de Roosevelt, de Staline. On peut tout en dire sauf que c'était des tocards. Il se trouve que depuis au moins une vingtaine d'années, nous sommes entrés dans l'ère des tocards. Qui comparera la surface culturelle de nos actuels leaders avec ceux-là? Je ne sais d'où ça vient mais nous sommes au temps du vernis, de la capacité à répondre en 45 secondes. Je l'ai déjà écrit. Passons.

    Mais le phénomène reste. Il est hautement vraisemblable que nous avons les informations nécessaires à retrouver du sens, à recomposer un récit. Il nous manque la perspective, le regard. On ne peut exclure, au passage, que l'excès d'informations gêne l'émergence de la perspective. Mais ça n'est pas sûr.

    La tentation peut exister de dire que la vraie perspective, la juste, la bonne, c'est de faire radicalement l'inverse de ce que l'on fait. Gare! Le non conformisme n'est pas l'inverse du conformisme.

    Le sens de la marcheLE CONTRE DISCOURS STANDARDISÉ.- Non seulement ça n'est pas cela mais c'est même un autre conformisme, souvent plus hautain que l'autre parce que sûr de ses exceptionnelles vertus morales (par opposition, bien sûr, au Le sens de la marcheconformisme qui serait vile compromission, lâche abandon, honteux soulagement). De ce point de vue, je suis attristé par l'adhésion que trouvent, dans une population jeune et dynamique, des "non conformistes officiels", des Mélenchon, Le Pen, etc. dont il ne paraît pas que la hauteur de vue soit la caractéristique première. Notre temps a secrèté son contre-discours qui est aussi standardisé que les autres. 

    On a beaucoup vanté - j'y souscris totalement- l'exceptionnelle action de Nelson Mandela. Mais ce qu'il a fait politiquement importe peu. Ce qui importe c'est qu'il ait trouvé la force formidable en lui-même de voir le bon chemin. Mais, tonnerre de Brest, où l'a-t-il trouvée, cette force? C'est celà le vrai sujet.

    Ceci dit, il me semble que la hauteur de vue implique la vertu morale. Et là, il y a du mal de fait.

     

    PS: Pour ceux qui se demanderaient de quoi parle cet énorme bouquin, il est possible de visionner ici: https://www.youtube.com/watch?v=30N6_i7TGh4 un film de propagande tourné par Henri Cartier-Bresson à la demande des services américains avec un commentaire affligeant de pompe signé Claude Roy. Enfin, fallait bien vivre... Le livre de Ben Shephard montre une réalité infiniment moins idyllique.Pour faire contrepoint, je signale La Libération de Paris: https://www.youtube.com/watch?v=2SeuiYHrCGs, film non moins propagandiste mais qui, tourné dans la clandestinité et l'improvisation conserve une certaine fraîcheur.


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