• La Bérézina russe

    La Bérézina russeJe ne sais plus quel est l'insecte qui pique horriblement juste avant de mourir, comme s'il s'agissait de manifester une dernière fois sa capacité de nuisance. Cela devrait nous faire réfléchir quant à la situation de la Russie. Un remarquable article du Monde nous donne une mesure de la déroute où se trouve son économie, tragiquement tributaire de sa production de pétrole. Endettement généralisé des régions dans des proportions saisissantes, budgets que l'on coupe partout, retard de paiement des salaires, sensible affaiblissement de la situation de la classe moyenne. Tout cela parce que, dans les années fastes, on n'a pas construit d'activités économiques de substitution.

    Ce blog avait, depuis fort longtemps déjà,  signalé le risque massif qui se présentait pour les états pétroliers du Proche-Orient. (Voir ici et ici également) C'est depuis largement repris par la grande presse qui signale, là-bas aussi (en Arabie Saoudite notamment), des coupes budgétaires significatives et même... un doublement des prix (ridicules) de l'essence. Mais, s'agissant de la Russie, notre voisine, il faut bien mesurer les conséquences car nous sommes beaucoup plus directement concernés.

    Tout d'abord, il faut revenir sur un argument largement développé ici, mais bien rarement ailleurs: la guerre coûte cher. Rappelons que l'intervention française en Lybie a été freinée - on l'a bien peu dit- parce que la France n'avait plus les moyens financiers de son engagement ce qui, du reste, semble le cas pour notre engagement en Syrie. En ce moment même, les états coalisés contre Daesch visent prioritairement ses approvisionnements en argent car ils savent bien que là est l'essentiel. Et, pour ce qui est de la Russie, ses engagements en Ukraine et en Syrie doivent lui coûter bonbon. C'est une composante du problème en cours.

    La Bérézina russeOu bien la Russie l'emporte très vite sur ces deux fronts et elle peut alléger ses lourdes charges militaires, ou bien elle va devoir se payer une humiliation façon Afghanistan qui, sur le plan intérieur, lui a énormément coûté. Le risque serait le même aujourd'hui alors que l'on a un président porté à la fanfaronnade mais qui pourrait se trouver contraint de rappeler ses troupes faute de pouvoir les soutenir financièrement. Bien sûr, la démocratie russe est extrêmement relative, mais Poutine peut d'autant moins se permettre cela qu'il faut conserver en mémoire ce qui lui a longtemps valu sa popularité. Il a remis de l'ordre dans le pays après l'époque Gorbatchev et a tout particulièrement permis à une classe moyenne d'émerger. Dans la mesure où c'est d'abord elle qui est touchée, celle qui devait lui manifester de la gratitude, ça sent le roussi.

    Il est hautement douteux que ceci soit sans conséquence sur le comportement des chefs militaires sur les deux fronts en cause. Les bonnes victoires sont celles que l'on prend le temps de consolider, où l'on avance pas à pas. Les mauvaises sont celles où on joue le tout pour le tout. Je ferais plus tôt le pari de la deuxième hypothèse. Il a déjà été partout signalé qu'en Syrie, l'aviation russe tapait largement à l'aveugle, considérant peu les populations civiles. Je doute que les autres forces soient infiniment plus élégantes. Mais il y a des fausses victoires, des victoires à la va-vite qui, à peine les coupes de champagne éclusées, voient repartir le conflit aussitôt parce qu'il y a trop à venger. C'est ce risque qui est actuellement encouru, avec celui que la Russie, elle aussi, s'effondre. Une terrible crise économique en Russie, comme on nous l'annonce, ne serait pas sans conséquence pour nous. Nous sommes voisins. L'éventualité de mouvements migratoires vers l'Europe n'est pas à exclure. Décidément.

     


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