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Les églises se vendent pas dizaines.
Regardez bien cette photo. Elle représente une ancienne église luthérienne d'Edimbourg devenue un bar branché sur Frankenstein.
J'apprends ça en lisant un article du Wall Street Journal - ça ne s'invente pas, le journal de la grande finance!- qui s'alarme à fort juste raison de la désertification des églises au point qu'elles se vendent par dizaines. Et de citer l'une d'entre elles devenue un lieu d'entrainement au skate board, une autre un gymnase ou une autre encore un magasin de mode, dont, du reste, je donne la photo.
Dans ce très remarquable article qu'on ne trouvera pas en France tant est grande chez nous l'indifférence au phénomène religieux, on apprend que l'Église d'Angleterre ferme 20 églises par an environ et que 200 églises danoises (donc protestantes, sans doute, bien que l'article ne le précise pas) ont été déclarées hors d'état de servir tandis que l'église catholique d'Allemagne a fermé 515 églises dans les dix dernières années. Tout ça n'est rien en regard des Pays-Bas où l'église catholique estime que les deux tiers de ses 1600 églises seront fermées dans dix ans tandis que 700 temples protestants auront fermé d'ici quatre ans.
Ca en devient non pas un problème religieux - ça, c'est une évidence- mais un problème patrimonial dans la mesure où se pose la question de l'affectation de ces locaux. Aux Pays-Bas, il s'est même constituée une association dont la porte-parole, Mrs. Grootswagers, estime à juste raison que c'est toute la société qui va se trouver confrontée à cela.. L'église St. John de Bacup en Angleterre est à vendre pour 160 000 dollars par un agent immobilier. Lorsque Paul Clément est entré dans l'Ordre des Augustins des Pays-Bas en 1958, celui-ci comptait 380 frères. Aujourd'hui, il en compte 39 et il va falloir vendre son église ce qui, dit Paul Clément, "est difficile. C'est triste pour moi". Aux États-Unis, où la religion est encore forte, on a construit 5 000 églises entre 2000 et 2010, sauf que, selon certaines recherches, le nombre de pratiquants a baissé de 3%. Et Scott Thumma, un chercheur, estime que d'ici trente ans la situation américaine ressemblera à celle de l'Europe.
NIVELLEMENT.- Bien entendu, le nombre de musulmans est passé de - en gros- 4,1% de la population européenne en 1990 à 6% en 2010 et, peut-être, à 8% en 2030, selon le Pew Research Center. Mais, dusse ceci déplaire aux théoriciens du grand remplacement, toutes les études montrent que, très curieusement, la pratique religieuse des musulmans s'effondre après intégration chez nous pour, du reste, se retrouver, à la décimale près, au même niveau de pratique que les nôtres. Je sais bien qu'on va m'opposer cinquante djihadistes. Mais cinquante djihadistes ne pèsent pas lourd statistiquement.
Du reste, je discutais l'autre jour avec le grand historien du catholicisme Étienne Fouilloux qui me disait que, pour lui, le grand phénomène religieux était la montée de l'évangélisme qui, en termes d'effectifs, est stupéfiante.Chacun jugera si c'est "bien" ou si c'est "mal" selon ses convictions. Ma conviction est que ce n'est pas les catégories du bien ou du mal qui doivent être sollicitées, mais plutôt l'inquiétude face à l'effondrement de la culture religieuse - je souligne culture. Ayant eu une carrière à saute-frontières, je suis effaré de la méconnaissance typiquement française - et un peu snob, mais d'un snobisme laïcard- des concepts religieux. J'ai beaucoup de peine à croire qu'on comprend une société en ignorant les ressorts de ce type qui l'ont si profondément modelée. L'autre jour, j'enregistrais une passionnante interview fleuve (l'entretien est en cinq épisodes) de Thomas Römer, professeur au Collège de France, et le technicien par ailleurs épatant qui y a procédé, a commencé par me dire que bien entendu, il ne croyait à rien, avant de finir, je dois le reconnaître, scotché derrière la vitre du studio.
Tags : pratique religieuse, églises
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