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Le vent mauvais que la Pologne annonce
Au soir des élections polonaises qui ont donné la majorité absolue aux ultra conservateurs europhobes une nette majorité, doublée d'une élimination totale de la gauche, le très bon spécialiste de la Pologne, Jean-Yves Potel, faisait remarquer sur les réseaux sociaux que cette victoire"trouvera des échos du côté d'Orban en Hongrie, de l'UKip en GB ou du FN en France. Sans oublier certains néerlandais et autres Pegida en Allemagne. A quoi il faut ajouter la guerre qui gronde de plus en plus près et qui envoie des réfugiés... Surtout, ne regardons pas ces résultats électoraux comme un petit événement provincial dans un pays trop catho et nationaliste. C'est beaucoup plus grave. C'est un avertissement. Il faut se ressaisir !"
Je crois qu'il a totalement raison. Un vent mauvais souffle, alimenté par des slogans simplistes mais qui est une condamnation des élites standardisées de la mondialisation. Un certain type de discours croyait être servi par la communication. Tout au contraire, il était desservi par elle parce que les peuples ont appris à la décrypter. Les ressorts de ce langage qui pue sont absence de simplicité, de sincérité ont fini par apparaître comme de grosses ficelles. Et nos bons gros dirigeants bardés d'attachés de presse se sont laissés totalement désarçonner par la grossièreté d'attaques qui mettent en joie le bon peuple.
Comme journaliste, j'ai couvert un meeting de Jean-Marie Le Pen. C'était drôle comme tout. Évidemment, c'était du grand n'importe quoi mais le public venait pour cela. Je ne me souviens très bien pourquoi il avait pourfendu les évêques "qui allaient se faire sodomiser dans le bois de Boulogne": la joie du public! On dira que c'était pur spectacle. Mais bien sûr! Et c'est pour cela que ça marchait. Les échos de mes amis polonais sur le déroulement de la campagne la dépeigne comme d'une bassesse effroyable. Mais c'est à mettre en regard de ces personnages standardisés de l'establishment européen en Pologne.
À la suite de son échec à la présidentielle polonaise du printemps, le sortant centriste libéral Bronisław Komorowski avait donné une excellente interview dans laquelle il reconnaissait qu'il n'avait pas vu venir le coup. C'est tout-à-fait ça: trop sûrs d'eux, les membres de l'élite ont perdu le contact avec le peuple. À cet égard, je crains fort que les supposés grands médias - je pense à la radio télévision- ne jouent un tour terrible à cette caste. L'écran de télévision n'est pas qu'un outil technique. Il est le symbole d'une séparation. Or, tout ce trop beau monde se précipite dans les studios pour dispenser la bonne parole. Et, alors même qu'il croit convaincre, il s'éloigne. Ceci procède d'une forme de fascination technologique pour ce média et de paresse à résister à la pression des entourages. Non, les Européens ne pensent pas seulement ce que leur disent les sessions du matin des grandes radios.
J'engage ceux qui voudront partir à la reconquête à redescendre dans l'arène, à courir les fêtes de quartier, à boire des pots à gauche et à droite. Et à ne pas croire que parce qu'une caméra filme on les aura vus. Non, il faut de la chair, du rude contact direct, une vraie écoute. Et tant pis si pendant ce temps là on ne lit pas une note d'un directeur de cabinet. Le public est saturé de propos trop intelligents. Il veut de l'intérêt véritable, presque de l'affection. Ca va demander une sacrée mutation à nos hommes politiques. Mais sans cela ... Potel a raison: c'est grave.
Tags : Pologne, démocratie, élite
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