• La grande déconnexion

    La grande déconnexionChacun s'interroge, bien sûr, sur la déconnection qu'on ne discute plus entre le "pouvoir d'en haut" et la masse des citoyens.Il y a l'hypothèse de l'impuissance, c'est évident. Impuissance face aux cours des choses, sentiment de décisions qui viennent d'ailleurs.

    Il y a aussi la disparition du contact physique, la fin du préau d'école où l'on faisait les discours, la mort des banquets républicains. J'interviewais, il y a quelques temps, l'historien Emmanuel Fureix qui a étudié le XIX° siècle et qui me rappelait le rôle des funérailles comme grand moment de rencontres républicaines où, faute d'avoir le droit de se réunir en temps normal, on pouvait prononcer de belles envolées à la mémoire du défunt et y glisser quelques vacheries sur le régime.

    La grande déconnexionMAUVAISE HALEINE.- C'était le temps où le citoyen, il fallait se le faire. Là, en vrai, devant vous. Il fallait se colleter à sa mauvaise haleine, à ses vêtements sales, mais enfin il était là et vous aussi. Il fallait bien l'entendre. Dans les studios de TF1, on entend quoi? J'ai passé une bonne partie de ma carrière dans des studios de radios ou de télévision. Le peuple n'y est pas. Il est de l'autre côté de la caméra ou du micro, là-bas, loin, loin.

    La grande déconnexionAlors d'accord,  il y a les sondages, les statistiques, les données brutes et les données "corrigées des variations saisonnières". Mais il est où Ducon-Lajoie, dans toutes ces colonnes de chiffres? Elle est où sa colère? Ou même simplement son petit problème?

    C'est génial ça, TF1. D'un seul coup des millions de téléspectateurs. Et puis ça dure au pire 10 minutes. Après, terminé: on file à son bureau regarder des colonnes de chiffres. Parce que les colonnes de chiffres à l'ENA, Polytechnique et autres, on a appris à les lire. Mais les Français, on les apprend où? Sans compter que les grands politiques sont devenus des génies des plateaux. On se demande pourquoi il y a encore des présentateurs. Les interventions sont propres et nettes comme "Au théâtre, ce soir".

    La grande déconnexionDÉSASTRE DÉMOCRATIQUE.- Je prends le pari que la réforme territoriale qui s'annonce sera, à terme, un désastre démocratique. Parce qu'à l'évidence en éloignant le citoyen de l'élu de base, du modeste élu, on va aggraver le sentiment de coupure. Jusque là celle-ci existait entre le très haut pouvoir et la base. Mais il restait du moins le maire, le conseiller général à qui l'on pouvait taper sur l'épaule. Mais en aggrandissant considérablement les tailles des cantons, en multipliant les machins intercommunaux, on éloigne le public de ses représentants. Le maire? Oh désolé, il est en réunion dans la grande ville, là-bas. Le conseiller général? Attends, qui c'est déjà?

    Invariablement, des élus que j'aime bien me disent: "Tu es un salaud. On se donne une peine folle et tu critiques." Mais bien sûr! Je ne doute pas que vous travaillez! Ca ne change rien au fait. On vous fait entrer dans un système où la part de votre fonction de représentation, de médiateurs d'avec le petit peuple est rognée chaque jour. Vous devenez des techniciens brillants - et travailleurs, j'en suis certain- de la machine administrative. Mais le peuple, il est où dans votre agenda?

    Chaque jour qui passe s'améliore la démocratie sans le peuple. C'est un peu comme le commerce: il va bientôt falloir s'excuser d'être client, c'est ça le génie de l'époque. Et quand est-ce qu'il faudra s'excuser d'être citoyen?


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