• Y-a-t-il une politique anti-française de l'Allemagne?

    Y-a-t-il une politique anti-française de l'Allemagne?Doit-on ajouter du crédit à une thèse qui enfle et selon laquelle l'assaut allemand à l'encontre de la Grèce, viserait en dernier lieu la France, Mme. Merkel ayant joué avec son ministre des finances,Wolfgang Schäuble, le jeu fameux du "good guy" et du "bad guy"? François Hollande - on l'a vu-  ne s'est pas opposé au duo et serait, dans ce scénario, sans doute un peu dupe de l'affaire. Cette thèse est en particulier reprise par le collaborateur de La Tribune, excellent journal économique, M. Romaric Godin. Comme l'on sait, à l'origine, c'est la thèse de Varouflakis dont Godin semble être, à le lire sur la longue durée, un des partisans. En clair, il faudrait que désormais Paris se tienne à carreau et rentre au plus vite dans les clous des fameux 3% du PIB pour le déficit public, faute de quoi on sévirait. 

    Il y a une vraisemblance à cette idée qui tient, il faut bien le dire, à une certaine arrogance française, de Sarkozy à Hollande, à n'avoir rigoureusement jamais tenu leurs engagements respectifs avec une désinvolture qui est gênante même pour un Français qui ne croit pas à ces histoires de limitations à 3%. Les demandes successives de reports plutôt qu'un affrontement définitif sur la question de principe ont quelque chose d'humiliant. Et l'on peut concevoir que cela ait provoqué des irritations. Hélas, il est bien trop tard pour mener la bataille du fond lorsqu'on a sans cesse imploré de petites exceptions.

    Y-a-t-il une politique anti-française de l'Allemagne?Qu'on m'entende bien. Je partage l'opinion de ce qui fait désormais le consensus des économistes:  serrer les boulons à mort comme on est en train de le faire pour la Grèce est très probablement contreproductif et on ne peut pas faire comme si on avait, au moment de l'adhésion de la Grèce à la zone euro, regardé le dossier comme il convenait. La vérité est qu'à l'époque, tout le monde s'en moquait, qu'on voulait privilégier - ce qui est bien- un principe (la Grèce est, par nature, européenne) et, après tout, c'était à l'époque des amis politiques des grands pouvoirs européens qui étaient aux commandes à Athènes.

    Mais l'Allemagne veut-elle faire régner un "ordre budgétaire européen" à sa guise? Je vois bien ce que la thèse a de séduisant. Je vois tout autant combien elle peut caresser chez nous un certain sentiment anti-allemand. Je pense, en particulier, qu'il faut rendre justice à la chancelière Merkel qu'avant le dossier grec elle a mis un peu d'eau dans son vin, semblant prendre une certaine mesure de ce que les politiques radicales d'austérité budgétaire étaient contreproductives. Jusqu'au dossier grec, elle n'était plus le Dr. No qu'elle avait été. Je fais remarquer par ailleurs qu'elle est capable d'étonnantes audaces, par exemple sur le dossier du nucléaire et qu'en cette matière on n'a guère de leçons à lui donner.

    Il est tout-à-fait raisonnable de penser que d'un point de vue de politique intérieur, Mme. Merkel a du céder à ses propres extrémistes  sur le dossier grec. Et là, il faut tout de même faire observer qu'a été absolument catastrophique la campagne grecque sur la dette de guerre allemande. Ce fut une erreur grave qui a donné à penser que le nouveau gouvernement grec était parfaitement amateur. On ne fait pas de la diplomatie comme ça. Ca, ce sont des coups fourrés de campagne électorale. Ayant une certaine sympathie pour ce gouvernement de Syriza (hormis son alliance avec une partie de la droite dure), j'ai été douché par cet épisode et on peut considérer que le caractère impitoyable du compromis imposé par la suite avait des goûts de vengeance. Ce sont des financiers qui étaient autour de la table, mais ce sont aussi des hommes.

    Mme Merkel est-elle pleine de duplicité et souhaite-t-elle mettre à genoux François Hollande, notamment pour donner un coup de pouce à la droite lors des prochaines présidentielles? On voit bien qu'il y a une cohérence à ce raisonnement. Cependant, je ne parviens pas à me défaire du sentiment que Mme. Merkel a changé. Par ailleurs, je n'imagine pas qu'elle soit sotte au point de ne pas voir qu'une politique de ce genre donnerait un formidable argument électoral à Podemos qui va être en compétition électorale en Espagne à l'automne. Et l'Espagne, c'est un autre morceau que la Grèce. On peut toujours jouer au con, mais c'est quand même dangereux.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :