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Le modèle internet pour la presse va mal
Le Times de Londres, propriété d'un des plus riches éditeurs de presse au monde, Ruppert Murdoch, vient de prendre la décision de ne plus actualiser son site, à la façon dont le fait (encore?) Le Monde. Il y aura quelques "rafraîchissements" dans la journée. Et c'est tout. C'est la deuxième fois que cet éditeur subit un revers. Il avait déjà lancé un quotidien The Daily, entièrement en ligne. Et avait du le fermer.
Yahoo vient d'annoncer la mise en vente de ses activités internet. J'ignorais qu'il y en eût d'autres. The Guardian, un des journaux dont on vantait au plus haut la mutation vers le web, licencie massivement. Nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour savoir ce que donnera l'expérience de La Presse, au Canada, passée toute entière mais nous savons d'ores et déjà qu'un titre américain - dont, hélas, le titre m'échappe- avait tenté l'expérience. Et il avait constaté que si, bien sûr, les coûts de production s'effondraient, les rentrées publicitaires s'effondraient davantage.
Il y avait eu d'autres avertissements, certes moins convaincants: de nombreux petits sites d'infos ajoutaient à leurs activités sur le web l'ultra-classique publication de supports papiers, histoire de rentrer, tout de même quelques fonds.
Plus généralement, la quasi-totalité des grands titres "verrouillent" leurs articles, c'est-à-dire qu'on ne peut y accéder qu'en payant un abonnement, selon une formule... qui date du XIX° siècle. Il n'est pas sûr que la supposée "révolution" en soit autant une que cela. Ajoutons à cela un curieux effet pervers très peu observé. La publicité a deux fonctions: l'une de vanter les produits avec tous les excès que l'on peut connaître. Une autre, essentielle pour la publicité locale, est de donner une information: prix avantageux, nouvelle formule, etc. La première est contestable, elle use de manipulations, la deuxième assure la vie des commerces locaux et constitue le fond des ressources de toute une petite presse locale. Or, la démonstration a d'ores et déjà été faite que les sites internet ne sont pas adaptés à cette deuxième forme de publicité parce que pratiquement aucun site local ne tient. Il y a, au contraire, eu des échecs retentissants. Ca n'est pas étonnant: pour qu'une publicité retienne l'attention, il y faut des moyens de conception que jamais le plombier ou l'électricien ne peuvent mettre. Donc on risque de se retrouver dans cette situation où à la fois une presse modeste mais ancrée dans son terroir et des modestes acteurs économiques locaux, seront mis en péril.
Il n'y a pas de doute: seuls valent les bons vieux abonnements du XIX° siècle. Sauf que, dans l'intervalle, la concurrence née du fait de sites lancés par des bénévoles qui se nourrissent par d'autres sources de revenus a ruiné le marché. Si cette concurrence avait été garante de qualité, il n'y aurait rien à redire. Mais ça n'est pas le cas. Pour un site de qualité et plein d'intérêt, on en a cinq cents véhiculant, au nom d'une supposée liberté, du complotisme, de la pornographie, des délires incohérents, etc.
Il faut tout de même se faire à une idée: l'information de qualité a un prix. Il est à craindre que, lorsqu'on l'acceptera, il sera trop tard.
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