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La nouvelle tension qui monte
Les administrations se désengagent. Les élus locaux doivent les remplacer. D'où le sentiment qu'ils sont de plus en plus éloignés des préoccupations des gens. Qu'ils le veuillent ou non.
Laissons de côté l'impuissance croissante des pouvoirs nationaux à améliorer nos vies. Il suffit d'observer l'actualité. En revanche, je crois que l'on voit moins une tension qui va s'exacerber. Les administrations d'État abandonnent de leurs prérogatives. Parfois du jour au lendemain, comme c'est le cas dans mon petit coin de France où, subitement, la préfecture a fait savoir qu'elle n'instruirait plus les demandes de permis de construire. On imagine l'impact! Des décisions d'une terrible technicité à prendre pour un grand nombre d'élus qui, par formation, sont totalement étrangers au monde de l'urbanisme et de l'architecture.
Dans cet exemple comme dans d'autres, les communes n'ont plus que le choix de remplacer les forces défaillantes. Donc, on assiste à l'accélération d'un mouvement déjà ancien de "technicisation" de la fonction d'élu. On a, parfois, des conversations avec eux où il faudrait prendre un dictionnaire.
PROFESSIONNALISATION.- A partir de là, on observe plusieurs attitudes. Il y a ceux qui, passé le temps de l'apprentissage, se plongent avec une certaine délectation dans la technicité de leurs dossiers, en conçoivent une certaine supériorité sur leurs concitoyens et puis ceux qui, noyés dans les très réelles charges que cette technicisation -voire cette professionnalisation - induit, ne peuvent plus - parfois ne veulent plus- rendre compte, garder le contact avec leurs populations. Et voyons les choses avec pragmatisme: les réunions, c'est long. La diffusion de documents, c'est cher pour des résultats, il est vrai, décevants.
Une des réponses manifestes qui s'annoncent à cela est un mouvement - peut-être même autoritaire- vers la fusion des petites communes qui ne pourra qu'aggraver le sentiment d'éloignement de citoyens qui n'ont vraiment pas besoin de ça.
Il y eût certes toujours des féodaux dans le monde des collectivités locales. Et ça avait peu à voir avec la couleur politique. Mais, là, ce qui est en cause n'est pas seulement un possible état d'esprit, c'est une conséquence apparemment "neutre" du désengagement de l'État. Le résultat, surtout dans un contexte de tension sociale, est que la propension à la récrimination, voire un de ses possibles prolongements, l'incivilité, s'accroit.
TECHNOLOGIES NOUVELLES.- On râle, on polémique. Or, il se trouve qu'entrent en scène les technologies nouvelles. Et là, il faut entrer dans le détail. Parce qu'il faut bien réfléchir aux conséquences que peut avoir, par exemple, le fait de filmer avec un téléphone mobile un propos du maire puis de le mettre en ligne, 10 minutes seulement après qu'il ait été prononcé. Pour peu que le nom d'une personne ait été cité, que l'on envoie des mails sur une liste préétablie, on peut quasiment avoir une manif une demi heure plus tard. Imaginons une municipalité au sein de laquelle existent des tensions parfois liées à des personnalités. On voit ce que cela pourrait donner.
On me dira qu'on n'en est pas là. Quelle blague! Et les parlementaires qui twittent lors de réunions supposées à huis clos? Et les mobilisations via les réseaux sociaux ou par SMS?
On a vu, lors des dernières municipales, qu'ici ou là, les candidats manquaient. Mais ça se comprend! Car la juste rétribution d'orgueil d'être en photo dans le journal, d'être un notable, va devenir de plus en plus concurrencée par ces contestations. Et des contestations d'autant plus fortes que les dossiers paraîtront plus complexes, donc, plus suspects. Ajoutons que l'homme de la concertation n'est pas toujours, dans sa psychologie, l'homme des décisions ou de l'examen des dossiers. On va voir le profil des élus nécessairement évoluer.
On vous souhaite bien du courage, Messieurs-Dames.
Tags : démocratie locale, élus locaux, technologies de la communication
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