• L'amour de la manipulation

    Les événements de ces dernières semaines ont redonné un coup de jeune à une certaine posture convenue du « À moi, on ne me la fait pas, tout ce qui arrive est une mise en scène ». Tout est manipulation et, évidemment, tous ceux qui savent en dénicher une sont plus malins que les autres. J'avais déjà relevé cette attitude en janvier, lors des attentats de Paris, attitude un peu hautaine, condescendante, affectant une connaissance bien meilleure que celle d'autrui, manière aussi de se situer au-dessus de la mêlée, voire au-dessus des autres, tout simplement. À moins qu'il ne s'agisse, dans bon nombre de cas, d'une manière de dissimuler de lourdes failles psychologiques quand ce ne sont pas des pathologies.


    Eh bien moi, on ne me la fait pas.
    Parce que je vois, en réalité, dans ces postures qui se veulent distinguées une grande fragilité de l'esprit, l'absolu besoin de voir derrière tout événement une obscure construction, une intrigue bien menée, des chefs secrets. Construire ainsi sa pensée, c'est présupposer que, dans la marche du monde, tout est sous contrôle. Je n'y crois pas un instant.

     Non, les foules de réfugiés ne se sont pas mises en route – en dehors du fait qu'elles l'étaient depuis longtemps- sur un coup de sifflet. Il y a bel et bien eu conjonction de décisions isolées de milliers de moins-que-rien et s'il est évidemment vrai qu'une fois le processus engagé - je dis bien: une fois le processus engagé- les gouvernements, les partis essaient de tirer leur épingle du jeu, ils ont été des marionettes d'un mouvement qui leur échappait.

    On ne rappellera jamais assez les circonstances de la chute du tout puissant pouvoir soviétique qu'aucun des fameux "kremlinologues", comme l'on disait alors, n'avait vu venir. Non point parce que, du fond d'une grotte, ou d'un bureau de la CIA un mystérieux gourou manipulait tout. Ce sont les simples gens qui ont fait tomber le pouvoir soviétique, le syndicat des ménagères.  Il y a des mouvements qui viennent d'infiniment plus grandes profondeurs que le pouvoir, voire la raison et que nul ne peut prétendre inspirer. Ils sont animés, en effet, de ces choses étranges que sont le mal-être, la peur, la folie. Or rien de tout celà ne se prédétermine. Il n'y a personne dans la grotte.

    Il y a ceux, j'en conviens, qui tiennent des langage de peur pour arriver à leurs fins. Mais ils ne font qu'embrayer sur un mouvement qui préexiste dans l'âme d'une nation. Et ils n'y sont pour rien. À bien y penser, cette situation est beaucoup plus inconfortable pour l'esprit de chacun d'entre nous. Elle interdit une certaine commodité de pensée. Elle nous impose d'admettre qu'il y a des forces immaîtrisées qui courent. Et qui s'imposent.


  • Commentaires

    1
    Droopy5691
    Mardi 8 Septembre 2015 à 15:09

    Bien sûr. N'a-t-on jamais vu un complot au cours de l'histoire de l'humanité ?

    Cependant, malgré votre brillante analyse, je vais garder ma "posture" car à moi non plus on ne me la fait pas.

    Cordialement.

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