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La réponse par la démesure
Bon sang de bonsoir, quelle est cette fascination pour des projets gigantesques? On disait :"small is beautiful". On ne dirait pas. Résultat: à Roybon, à Sivens ou à Crest, ces projets font peur.
Très franchement, je ne sais rien, de sources personnelles, sur l'aménagement d'un gigantesque site de loisirs à Roybon dans l'Isère. D'instinct, je trouve que 700 pavillons, ça fait beaucoup, mais lorsqu'on ne sait pas, on se tait. Si je m'y intéresse c'est que mon petit coin drômois, qui se trouve à 80 kilomètres de là, est bouillonnant d'une histoire infiniment moindre dans son ampleur mais du même ordre dans l'esprit. Le très fameux Hervé Mariton rêve d'un centre nautique gigantesque. Et tout un monde vibrillonant ne demande qu'à en découdre, dans le mépris où on le tient de ses réactions et de ses opinions.
LE PAYSAGE N'EST PAS UN SUJET.- Je n'entre pas dans les détails que, du reste, les sources officielles nous comptent chichement. Au demeurant, comme toujours en pareil cas, tandis que les sources "officielles" sont peu prolixes, ça suinte de tous les autres côtés. Je reçois un mail par jour sur le sujet. Ce qui me frappe dans les deux affaires ce sont deux choses. D'une part, plus c'est gros, mieux c'est. C'est un pli de l'esprit chez les aménageurs. Je vois très bien pourquoi. On essaie, par la taille, d'amortir les frais de fonctionnement et d'améliorer la profitabilité. Le problème est que le risque d'échec est d'autant plus spectaculaire. Entre nous, je devine bien que l'ensemble de Roybon, s'il se fait, sera comme une verrue dont les touristes ne seront pas supposés sortir, façon Disneyland dans la région parisienne. Mais tout de même! Vous connaissez Roybon? Malgré toute l'affection que je porte à la région, ça manque un peu de distractions. Du reste, je viens de citer Disneyland: je rappelle qu'économiquement c'est un échec. On en est au nième plan de relance.
Par ailleurs, les chances d'acceptation avec des projets énormes sont d'autant moindres. Je sais bien que, lors d'un récent conseil municipal, Hervé Mariton a qualifié ses opposants au projet d'"esprits étroits", mais enfin franchement... Le paysage, n'est pas un sujet. La question est vraiment de savoir si les promoteurs - pris au sens large (opérateurs privés, élus...)- aiment leur pays, ont le sens de son âme. On sent bien qu'il y a - comme à la télé- le besoin de faire du spectacle avec une réalisation. On va être en photo dans le journal. Avec un peu de chance, il y aura la télé. Que ce soit d'une laideur repoussante dans le cadre est indifférent. 700 pavillons à Roybon! On marche sur la tête.
UNE FORME DE GÉNIE.-D'autre part - et ce n'est pas sans relation avec ma remarque précédente- dans tous les cas, c'est la vigueur de la protestation qui fait réfléchir. Protestation ancrée dans le terroir, protestation très organisée, très "pro". Pour le coup, les élus qui rêvent de la télé pour l'inauguration, en auront eu, avant, une indigestion mais dans un sens radicalement contraire à leurs souhaits. Car, faut dire, ces protestataires là, ont une manière de génie pour faire parler d'eux. Et c'est, pour eux, d'autant plus aisé que, tétanisés, les officiels leur laisse la porte grande ouverte. La protestation des habitants du cru, je le pense, est à la mesure de leur impuissance à intervenir sur les grands dossiers nationaux: Ils se rabattent donc sur une affaire locale.
D'ailleurs, il faut rendre justice aux élus: eux savent se faire élire (et ils en sont conscients). A l'inverse, les protestataires ont, hélas, une incapacité notable à convertir leur activisme en une forme politique qui passerait l'épreuve électorale. Je m'amuse dans mon petit coin à voir qu'un des groupes les plus intelligemment actifs sur cette affaire de centre nautique est aussi un groupe qui s'est fait battre aux élections municipales. Et j'ai le vague soupçon que, bien avertis de cette situation, les élus en place se disent que, de toutes façons, ils n'ont rien à craindre pour leurs fauteuils.
Il faut faire une place aux contre-protestations des partisans de certains de ces projets, en l'occurrence à Roybon ce week-end. Rappelons-nous: il y en eût une aussi à Sirvens. Il est tout de même très emblématique d'un certain état du pays pour que l'exaspération des groupes les uns contre les autres ne puisse plus se réduire que par la manif. Ceci signifie que les modalités d'instruction sont mauvaises. Ce pays est en panne de dialogue. On ne sait plus se parler. J'ai écrit ailleurs et ici encore que certaines formes de protestations écologiques sont complètement coupées du petit peuple. Oui, il peut y avoir de l'arrogance. Je récuse absolument les raisonnements par lesquels il n'y aurait que des gentils verts contre des méchants bétonneurs ou agriculteurs. Je n'accepte pas la douteuse posture selon laquelle on devrait, en toute circonstance, se ranger aveuglément dans un clan ou un autre. Les choses sont toujours plus complexes. Mais ça ne justifie pas qu'on bâcle une instruction. Et je reste hautement sceptique lorsqu'on me dit, lors de la contre manifestation de Roybon, qu''investir pour un territoire" ce serait nécessairement construire 700 pavillons.
AMBIANCE.- Une fois encore, je ne sais rien de l'affaire de Roybon. J'en sais davantage sur la petite affaire de ce centre nautique. Et je ne peux pas cacher ma sidération à voir qu'en l'espace de cinq ans des doctes cabinets d'études ont fait des prévisions de fréquentation variant du simple au double. Tout cela étant, bien sûr, grassement payé. Au fait rassurez moi: il n'y avait pas de corrélation entre la fréquentation annoncée et le montant du chèque, quand même? Comment ne pas comprendre que le monde de la décision politique perd toute crédibilité sur des détails de ce genre!
Au total, tout ceci nous dessine une société où on va avoir d'un côté des élus qui sombrent dans les délices de projets mirifiques tandis que la population sera réduite à la colère. Tu parles d'une ambiance.
Tags : centre nautique, projet pharaonique, démocratie locale, roybon
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