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Il faudra bien se retrouver
L'évolution politique qui s'annonce est assez prévisible. La gauche perdra la présidentielle et les législatives, après avoir perdu les précédents scrutins. La droite gagnera petitement et dans l'aigreur parce que si c'est Sarkozy - ce que je ne crois pas- il ne retrouvera jamais l'élan qu'il avait suscité dans son monde. Si c'est Juppé, la capacité de nuisance du clan sarkozyste est énorme. On aura donc un président faible et d'autant plus que je crois Juppé assez proche de Hollande pour le tempérament. Ce n'est pas un homme qui entraine, c'est un homme qui soupèse. Et même si - comme c'est d'ailleurs le cas pour Hollande- soupeser est bien, nous sommes dans une société dominée par les artifices de la communication qui s'accommodent mal des attitudes prudentes et circonspectes.
Le pouvoir sera d'autant plus faible qu'objectivement le pouvoir n'est plus entre les mains des politiques. J'ai eu l'occasion d'écrire souvent que la gauche aurait eu intérêt à perdre la présidentielle de 2012 dans la mesure où une part essentielle de la politique aujourd'hui conduite l'aurait été de toute façon. Le monde de la finance dans la dépendance duquel nous ont mis des générations de politiciens, faute de refuser, en leur temps, certaines dépenses, gouverne pour de bon. Il impose objectivement des reculs sociaux. On peut faire des phrases là autour, peu importe, c'est bien de cela qu'il s'agit.
LES FRANGES DE LA COLÈRE.- En marge de tout celà, on aura les franges de la colère: le FN qui est un des partis français de l'exaspération nationale. Il dit, certes, peu de choses de raisonnable, mais il travaille sans avoir beaucoup à se fatiguer, une immense demande populaire. Par ailleurs, il a une dirigeante habile. Donc, il va faire des dégâts gigantesques. Pour le moment, il ne réussit pas le plus dangereux, c'est-à-dire à implanter des élus localement. Mais rien n'est acquis. Le seul espoir que l'on puisse avoir est que l'extrême droite joue, comme elle l'a toujours fait, de son talent inouï, phénoménal, pour la division, pour les haines internes.
De l'autre côté, existent des franges alternatives qui sont dans une posture toute différentes. Le pouvoir, comme tel, ne les intéresse pas. Elles sont absentes du combat électoral. Elles ne pèsent que par des savoirs faire très réels dans la capacité à communiquer leur fureur (Notre Dame des Landes, etc). C'est une force importante mais dans une large mesure inutile. Elle ne participe pas au jeu collectif, elle s'en méfie, elle le dénonce. Comme elle a, sur certains points incontestablement raison (sur des sujets environnementaux, sur les dérives financières de la société) elle est percutante. Mais, au fond, les esprits qu'elle attire, elle les gèle. Au surplus, une part d'entre elle est en réalité dans des démarches spirituelles. Elle prétend faire de la politique, mais le fond de sa réflexion est de l'ordre de la vie de l'esprit, parfois du religieux. Mais en France, on ne peut pas prononcer le mot religieux tant le débat là autour a tout stérilisé.
IL FAUT S'ASSUMER.- De part et d'autre, il va bien falloir que des forces aujourd'hui divergentes se retrouvent. J'avoue ne pas bien comprendre ce qui est de radicalement différent entre Juppé, Bayrou, mais aussi Sapin ou quelques autres au PS. Il va de soi que je perçois évidemment les immenses différences d'ego. Mais cela n'éclaire rien au plan des idées. Ailleurs, autrefois, on aurait appelé ça, un parti chrétien-social. Aujourd'hui, ça ne veut plus rien dire. Mais il va bien falloir qu'un certain nombre s'assument pour ce qu'ils sont vraiment, c'est-à-dire un centre gauche. Juppé a pointé un petit bout de son nez en faisant quelques références explicites au centre. Reste le Rubicon a franchir pour une fraction de la gauche. Ca va être coton dans une société de mise en scène où la figure du traître est la plus commode à manier. Surtout qu'on peut compter sur le FN pour jeter de l'huile sur le feu
A gauche - je veux dire la vraie gauche- alors là, c'est le potage. Parce que si la frange "alter" ne franchit pas, elle aussi, un autre Rubicon en acceptant de prendre des responsabilités de pouvoir, de faire autre choses que de porter des pancartes dans des manifs, elle continuera de rester ce glacis stérile qui fait du bruit mais en vain. Parce que ce qui, hors des alter, restera de ce qu'on pourrait appeler de la gauche de pouvoir va être à ce point réduit à peau de chagrin qu'elle n'aura plus d' influence.
DANS LES REPLIS DU TERRAIN.- J'avoue porter un intérêt extraordinairement faible aux entreprises de refondation nées à Paris, dans des accords entre appareils. Tout cela est creux. Il faut impérativement refuser toutes les opérations de recyclages de clivages anciens, tous ces maquillages grossiers qui ne trompent personne. La faillite du Front de gauche, auquel je me vante de n'avoir jamais cru une seconde, est éloquente.
C'est probablement dans des replis du terrain que vont se retrouver des hommes qu'aucune caméra n'a encore filmé. Ca nous changera... Car il faut être bien conscient qu'un des obstacles à la refondation tient à l'omniprésence de la communication. Ce dont je parle ici c'est de la nécessité de débats tranquilles et discrets, sans effet de manche, sans communiqué de presse ni congrès constitutif, sans autre élu que des modestes conseillers municipaux. Bref, le coeur ouvert et dans la sincérité. Ca prendra un sacré temps. D'autant plus que chacun va devoir faire oeuvre d'introspection, se libérer du matraquage idéologique qu'il a reçu. Vaste programme.
Tags : partis politiques, élections
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