• Soral: le business en plus de la détestation

    C'est un petit livre, un "quick book" comme disent maintenant les éditeurs, mais il faut l'avoir lu. Robin d'Angelo et Mathieu Mollard donnent, par leur "Le système Sorral, enquête sur un facho business" (Calmann-Lévy), une confirmation aux intuitions que l'on pouvait avoir sur l'homme du "Je suis Partout" sur Youtube.

    Alain Soral, comme l'on sait, a réussi à devenir un polémiste d'extrême droite écouté via les réseaux sociaux et tout particulièrement ses vidéos sur Youtube. Le succès l'a autorisé à monter Égalité et Réconciliation, singulière entreprise - au sens plein du mot- mélange d'idéologie antisémite, de mouvement de promotion de son pote Dieudonné. Mais aussi - les observateurs avertis s'en doutaient- gros business qui vend non seulement des livres, mais des produits bio, du pinard et des stages de survie.

    Tous ceux qui, comme moi, l'ont suivi d'un peu près, avaient compris, au premier visionnage, devant quel confusionnisme mental on était, quelle entreprise de recyclage d'idées dont les plus récentes datent de 1920, tout un discours construit sur la détestation. Tout ça puait le fric aussi. Le travail de ces deux journalistes de Street Press le confirme.

    Bien entendu, pour que tout cela marche, il faut une posture, celle du prophète et de la victime, ce qui d'une certaine manière revient au même. Alain Soral a génialement su mettre le système devant une de ses contradictions. Sa posture contraint les pouvoirs publics à le poursuivre en justice. Mais à chaque fois, Soral paraît davantage une victime, ce qu'il sait fort bien vendre. Et lorsque ce n'est pas lui, c'est son avocat, comme ici:

    Ce qui est impressionnant est que ce soit internet qui ait permis le déversement de tant d'ignominies et que ce soit articulé avec un tel sens du pognon. On me dira que l'homme (en général) n'est pas bon et qu'internet, qui sait remarquablement démultiplier les textes et les images, nous en amplifie en permanence le spectacle des vices. Mais il faut bien dire que, dans le cas de Soral, boutiquier rance mais malin de l'antisémitisme,  plus généralement du racisme ou de l'antiféminisme , on atteint des sommets. Et le plus triste est que, périodiquement, des braves gens s'y font prendre, quand ce ne sont pas des intellectuels qui aiment l'odeur du soufre et qui vont poser auprès de lui.

    Sa soeur, l'actrice Agnès Soral, avait dit de lui au Nouvel Observateur: "Je ne côtoie plus mon frère depuis des années et par Alain, le nom "Soral" est en train de devenir un adjectif qualificatif pour désigner la haine et une idéologie que je ne partage pas. Je ne peux pas l'accepter !" Et, avec la délicatesse qui le caractérise, Alain Soral avait alors répondu ceci: Ma sœur est le genre de femme qui aurait été tondue à la Libération.» Puis, deux jours plus tard: «Encore merci pour la pub! (Pour le reste on réglera ça à la libération, j'ai déjà la tondeuse...)». Voilà l'homme. Tout est dit.

    Malheureusement, ce succès est aussi un témoignage d'un état de l'opinion et le signe de la défaite de tous ceux qu'un minimum de sens moral tient à l'écart de ces excès. Il est juste de dire que le succès de Soral est à la mesure du vide idéologique qui prévaut. Ca n'est pas flatteur pour notre époque.


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