• Mais oui bien sûr en Pologne c'est un coup d'étatLa discrétion que l'on observe actuellement sur la situation en Pologne est affligeante. Elle révèle  combien les grands réseaux d'information ont perdu d'implantation sur le terrain par la suppression des correspondants, sous prétexte d'économies. C'est le sérieux même de notre information qui est en cause. J'avais eu l'occasion de l'observer au Portugal, lors des récentes législatives où une pauvre dépêche de l'Agence France Presse passait absolument à côté de l'essentiel, lorsqu'il me suffisait de me munir d'une calculette depuis un bon fauteuil dans la Drôme pour tirer des conclusions toutes différentes à partir du site internet du Diaro de Noticias. Et la suite l'a totalement confirmé: c'était la gauche qui était en situation de gagner contrairement à ce que disait la dépêche.

    En Pologne, c'est à un quasi coup d'état que nous assistons. Le nouveau gouvernement, en phase avec un président du même bord, est en train de tripatouiller des dispositions constitutionnelles, renvoie des fonctionnaires par dizaines, monte des combines sordides pour obtenir le vote, en pleine nuit, de dispositions scélérates. Il envisage même de déplacer le Tribunal Constitutionnel loin de Varsovie, pour qu'il puisse prendre ses décisions à l'abri des regards, une fois sa composition repensée dans le sens du régime.  Le site Polognexpress, dont je recommande vivement la lecture, peut également écrire ceci: "le président du PIS, Jaroslaw Kaczynski a annoncé la refonte du système scolaire. Il entend supprimer les gymnases, c’est-à-dire les écoles intermédiaires entre le primaire et le secondaire, un système réintroduit dans l’éducation polonaise en 1999.Après la réforme, estime-t-il dans une interview au quotidien «Rzeczpospolita», «tous les élèves ne seront pas des génies mais ils seront disciplinés.» Entendez par là, obéissants au pouvoir en place."

    Le pouvoir revendique haut et fort l'identité catholique de la Pologne et même, plus précisément, son soutien explicite à l'Église. Ceci me renvoie à un souvenir relativement récent de reportage sur place où une de mes interlocutrices répondait à une de mes remarques sur les dissonances entre l'attitude de l'Église polonaise et celle de Rome, par exemple à l'égard des juifs polonais. Elle me répondit: "Ah mais, Monsieur, ici l'Église est indépendante"... Les allusions antisémites se donnent désormais absolument libre cours, notamment face à la marée de protestations dont je juge, à nouveau, que l'AFP donne un bien médiocre écho. Pour donner une mesure de l'état de confusion mentale dans lequel on se trouve, l'autre jour des partisans du régime se rassemblaient derrière le slogan: "Non à l'islamisme juif". 

    Cette confusion mentale est le miroir de celle du patron du parti vainqueur, le PIS, Jaroslaw Kaczynski, dont il faut se souvenir que le frère, alors Président de la République, est mort dans un accident d'avion immédiatement qualifié de suspect par ses partisans. L'hystérie vers laquelle glisse son frère est préoccupante - et le mot est ici utilisé dans sa pleine acception médicale. De même que l'hystérie de tout un peuple de partisans gonflés de haine, de formules creuses, mais qui est en grand nombre. Certes, désormais, des manifestations d'opposition éclatent partout mais on doit bien voir que ceci reflète un pays très profondément, très gravement, divisé.

    Il est un peu pénible au contribuable français (et des autres pays d'Europe) de savoir que nous soutenons massivement la Pologne par des crédits bruxellois à jet continu. Quiconque s'est rendu en Pologne a pu voir de ses propres yeux ces nombreuses pancartes - pour un pont, un bâtiment, etc...- où est mentionné le soutien de l'Union Européenne. Le phobique président du PIS, dans sa subite haine de l'Ouest, veut quitter l'UE. Ah mais, très volontiers! Moi, je ne paie pas pour cela.

     


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  • Les heures sombres de la PologneL'effet d'éloignement est terrible. Tandis que nous vivons des heures terribles chez nous, à deux heures d'avions, pour des raisons d'ailleurs voisines, il s'en passe de belles que nous ne regardons pas. Et le pire est que nous avons à les craindre. La Pologne s'est dotée, il y a peu, d'un gouvernement ultra-conservateur. Et les effets ne se sont pas fait sentir. Des manifestations antisémites ont eu lieu sans délai avec ce slogan ahurissant: "non à l'islamisation juive". En matière de confusion mentale, on bat des records.

    Il faut signaler la naissance d'un site internet, Polognexpress (ici) qui recense les errements du nouveau pouvoir. Nous sommes concernés de bien des façons. A l'heure où montent chez nous les partis de la haine (voir ici), il faut voir de ses propres yeux ce que cela signifie vraiment lorsqu'ils arrivent au pouvoir. Par ailleurs, il est assez pénible de voir que la Pologne qui a bénéficié largement des capitaux de l'Union Européenne, voit des manifestations dans ses rues où on brûle le drapeau de l'U.E. Ayant été récemment en Pologne, je pouvais lire dans un journal local, l'entretien d'un responsable se demander comment il dépenserait des subsides européens. Rétrospectivement, c'est un peu pénible.

    Enfin, on ne peux pas ne pas voir que se constitue à l'Est, avec, juste à côté, la Hongrie, un bloc du rejet, un bloc ultra au contact avec un autre bloc ultra - la Russie. Ce durcissement généralisé est inquiétant d'un point de vue géopolitique. On doit s'interroger sur le prix que nous pourrions en payer. 


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  • Le vent mauvais que la Pologne annonceAu soir des élections polonaises qui ont donné la majorité absolue aux ultra conservateurs europhobes une nette majorité, doublée d'une élimination totale de la gauche, le très bon spécialiste de la Pologne, Jean-Yves Potel, faisait remarquer sur les réseaux sociaux  que cette victoire"trouvera des échos du côté d'Orban en Hongrie, de l'UKip en GB ou du FN en France. Sans oublier certains néerlandais et autres Pegida en Allemagne. A quoi il faut ajouter la guerre qui gronde de plus en plus près et qui envoie des réfugiés... Surtout, ne regardons pas ces résultats électoraux comme un petit événement provincial dans un pays trop catho et nationaliste. C'est beaucoup plus grave. C'est un avertissement. Il faut se ressaisir !"

    Je crois qu'il a totalement raison. Un vent mauvais souffle, alimenté par des slogans simplistes mais qui est une condamnation des élites standardisées de la mondialisation. Un certain type de discours croyait être servi par la communication. Tout au contraire, il était desservi par elle parce que les peuples ont appris à la décrypter. Les ressorts de ce langage qui pue sont absence de simplicité, de sincérité ont fini par apparaître comme de grosses ficelles. Et nos bons gros dirigeants bardés d'attachés de presse se sont laissés totalement désarçonner par la grossièreté d'attaques qui mettent en joie le bon peuple.

    Comme journaliste, j'ai couvert un meeting de Jean-Marie Le Pen. C'était drôle comme tout. Évidemment, c'était du grand n'importe quoi mais le public venait pour cela. Je ne me souviens très bien pourquoi il avait pourfendu les évêques "qui allaient se faire sodomiser dans le bois de Boulogne": la joie du public! On dira que c'était pur spectacle. Mais bien sûr! Et c'est pour cela que ça marchait. Les échos de mes amis polonais sur le déroulement de la campagne la dépeigne comme d'une bassesse effroyable. Mais c'est à mettre en regard de ces personnages standardisés de l'establishment européen en Pologne.

    Le vent mauvais que la Pologne annonceÀ la suite de son échec à la présidentielle polonaise du printemps, le sortant centriste libéral  Bronisław Komorowski avait donné une excellente interview dans laquelle il reconnaissait qu'il n'avait pas vu venir le coup. C'est tout-à-fait ça: trop sûrs d'eux, les membres de l'élite ont perdu le contact avec le peuple. À cet égard, je crains fort que les supposés grands médias - je pense à la radio télévision- ne jouent un tour terrible à cette caste. L'écran de télévision n'est pas qu'un outil technique. Il est le symbole d'une séparation. Or, tout ce trop beau monde se précipite dans les studios pour dispenser la bonne parole. Et, alors même qu'il croit convaincre, il s'éloigne. Ceci procède d'une forme de fascination technologique pour ce média et de paresse à résister à la pression des entourages. Non, les Européens ne pensent pas seulement ce que leur disent les sessions du matin des grandes radios.

    J'engage ceux qui voudront partir à la reconquête à redescendre dans l'arène, à courir les fêtes de quartier, à boire des pots à gauche et à droite. Et à ne pas croire que parce qu'une caméra filme on les aura vus. Non, il faut de la chair, du rude contact direct, une vraie écoute. Et tant pis si pendant ce temps là on ne lit pas une note d'un directeur de cabinet. Le public est saturé de propos trop intelligents. Il veut de l'intérêt véritable, presque de l'affection. Ca va demander une sacrée mutation à nos hommes politiques. Mais sans cela ... Potel a raison: c'est grave.

     


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  • A quoi ressemblera la Pologne ce dimanche soir?Les Polonais ont accordé aux conservateurs catholiques de Jaroslaw Kaczynski (photo) une victoire colossale: 39,1% des voix contre 23% aux libéraux au pouvoir. Le PiS vainqueur est formellement emmené par une femme, Beata Szydlo, mais il est de notoriété publique que le PiS est tenu par Kaczynski, dont le frère jumeau fut président de la République et est mort en 2010 dans un accident d'avion avec de nombreux dignitaires du régime. 

    Il faut voir ce que l'on appelle conservatisme en Pologne. À  côté, Les Républicains français passeraient pour de pâles centristes. “Il y a peu, rappelait la Gazeta Wyborcza, le grand quotidien de référence, Kaczynski disait que les réfugiés allaient transformer les églises en toilettes publiques, imposer la charia et importer le terrorisme. Désormais, il brandit le spectre des épidémies et des parasites”. En toile de fond, on trouve des organes comme Radio Maria, une radio ultra-conservatrice qui, jadis, ne trouva pas déshonorant d'inviter l'auteur d'un massacre de juifs, à Jedwabne, au début de la deuxième guerre mondiale. Il y a deux ans environ, un directeur d'hôpital avait fait en sorte qu'une jeune femme ne puisse avorter. Comme son attitude était manifestement illégale, la ministre en charge du dossier, pourtant catholique elle-même et de droite, l'avait déplacé. Une large campagne de consignes de votes contre cette ministre avait alors été lancée chez les ultras.Voilà pour l'ambiance générale. 

    A quoi ressemblera la Pologne ce dimanche soir?

    La victoire est supérieure aux prévisions des sondages. Droit et Justice obtient la majorité absolue et gouvernera seul. La dernière présidentielle - offrant, il est vrai, à son titulaire un pouvoir plutôt symbolique- a déjà mis en place un membre du PiS. 

    Par parenthèses, The Economist s'est amusé à faire le calcul résumé par ces deux cartes sur la base des résultats des présidentielles. Elles montrent une Pologne très divisée par le vote et par les moeurs: à l'Ouest plus libérale, à l'Est plus conservatrice.

    La Pologne avait réussi une entrée remarquée en Europe, tant par ses performances économiques que par sa participation aux institutions au point que l'actuel président du Conseil Européen, Donald Tusk, est un ancien Premier ministre libéral. Aujourd'hui les performances économiques sont moins brillantes. Surtout, le problème est qu'une partie du débat public en Pologne se situe dans le fantasme (la menace des migrants dont le nombre final devrait être particulièrement faible) ou la toujours populaire détestation du juif. On a peu idée sous les latitudes d'Europe de l'Ouest des formules que l'on peut encore parfois entendre. La Première ministre actuelle (libérale centriste) s'inquiètait de la mise en place d'une "république confessionnelle" par les éventuels vainqueurs de la droite ultra et  "Kaczynski a cessé de se cacher et de cacher son projet, celui d’une nation ethniquement pure, dirigée par un seul chef dont la volonté est mise en œuvre par un Etat fort et omniprésent, allié à une Eglise [catholique] patriotique”, résume la revue Polityka. Ca promet.

    Ceci dit, on attribue à Lech Walesa cette phrase qui contient sûrement une part de vérité: "Le jour où le PiS aura gagné, il aura perdu". Il en est ainsi de bon nombre de ces partis de droite dure qui ont de grandes gueules mais peu de cerveaux. Au demeurant, il faudra surveiller les relations polono-russes de près. Jaroslaw Kaczynski n'a jamais cessé de proclamer que l'accident d'avion dans lequel son frère est mort avait été provoqué par les Russes. Il y a un petit air de vengeance dans l'air.

    Clin d'oeil: la vice-ministre de la justice a été interpellée avec 2 grammes d'alcool dans le sang deux jours avant le scrutin et contrainte à la démission. Elle aurait pu attendre pour se bourrer la gueule.

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