• La déshumanisation à petites doses

    La déshumanisation à petites dosesIl reste à écrire comment nos sociétés ont fait disparaître les hommes : plus que des machines ou presque dans les gares, robots vocaux au téléphone, garagistes qui ont de moins en moins d’expertise globale et ne savent que remplacer des pièces, agents d’assurances qui ne sont eux-mêmes plus rien que les exécutants d’une lointaine plateforme. Et je ne dis rien, bien sûr, des stations-services sans service. Lorsque, par extraordinaire, on se trouve face à un humanoïde, il faut se méfier, c’est que lui-même, en réalité, n’est que le pantin désarticulé d’un système dans lequel il n’a aucun contrôle. Et il n’est pas rare qu’il dise : « ça ne marche pas ? vous savez ça n’est pas moi ». Lui-même, du reste, ne comprend pas grand-chose à son propre système. Il ne comprend que ce qu’on lui en a dit pour qu’il rapporte autant qu’il convient.

    La déshumanisation à petites dosesTOUT CE BINZ.- Je sais bien que je vais faire une comparaison violente, mais comment s’en défendre ? Le système des camps de concentration a été si bien désossé et le récit qui nous fut fait de son fonctionnement interne ressemble tellement à ce que je viens de La déshumanisation à petites dosesdécrire qu’il est impossible de ne pas y réfléchir. L’objet était, évidemment, d’obtenir des exécutants qu'ils se posent le moins de questions possibles. Naturellement, il n’ y a rien en commun entre envoyer des hommes dans un four crématoire et changer une pièce que l’on pourrait réparer. Sauf une chose : l’aveuglement, l’asservissement que l’on a obtenu de l’exécutant.

      Il arrive des moments inouïs où, soudain, on se trouve devant un homme. Le démerdard. Et le sympa. Le gars qui se dit qu’à la fin des fins, tout ce binz doit avoir un sens. Je cherchais la fameuse phrase de Saint Exupéry , dans Terre des Hommes : « « Il est arrivé parfois qu’un désastre ayant détraqué la belle machine administrative, et celle-ci s’étant avérée irréparable, on lui a substitué, faute de mieux, de simples hommes. Et les hommes ont tout sauvé ». Et voilà que je suis tombé sur une autre citation qui est tout aussi remarquable. « Il est aisé de fonder l'ordre d'une société sur la soumission de chacun à des règles fixes. Il est aisé de façonner un homme aveugle qui subisse, sans protester, un maître ou un Coran. Mais la réussite est autrement plus haute qui consiste, pour délivrer l'homme, à le faire régner sur soi-même. »

    La déshumanisation à petites dosesFINALITÉ ULTIME.-Comme quoi l’affaire n’est pas d’aujourd’hui. Mais il me semble tout de même que s’il y avait des médailles olympiques de la déshumanisation à distribuer, notre élite dirigeante actuelle en recevrait à foison. Et le comble est que, comme il faut bien pouvoir se regarder dans le miroir, on appelle ça « moderne ». Et je frémis de ce qu'à cet égard, on apprend à nos enfants.

    inter-st-ex.jpgPar pure coïncidence, il est advenu, au moment où j'écrivais ce qui précède, que je doive recourir, pour les besoins de mon métier, à une technologie extraordinaire, permettant d'accéder à distance à des données complexes, des films que j'ai pu télécharger pour mes besoins professionnels. Et je n'ai bien sûr pas pu ne pas me dire: "Tout de même, ces techniques sont remarquables".

    Et elles le sont. Mais toute la question est la finalité ultime. Si j'étais sûr qu'elles servent l'homme, je me pâmerais. Mais ce que j'ai écrit au début reste vrai. Trop vrai.


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