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COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIED
Je suis assez frappé des indications que les services de police et de renseignement font filtrer dans la presse sur les assassins de Charlie Hebdo et du supermarché kascher (car, ne nous y trompons pas, si ces informations sortent, c'est parce que les services officiels le veulent). Nous sommes en présence d'individus frustres vis-à-vis desquels, de toute évidence, la fonction de formation de la société a foiré. Ceci a ouvert un boulevard à des gens qui les ont pris en main et dont certains, semble-t-il, étaient eux-mêmes d'un niveau culturel plus que modeste. D'autres par la suite, ont pris le relais, qui étaient autrement malins, sans que, pour autant, le message fut particulièrement subtil. Mais il était violent et ces garçons avaient envie de violence. Ou besoin. Pour venger quoi? Pour se prouver quoi? Parce que l'islam, excusez-moi, dans la tête de ces pauvres types, ça se résume à une feuille A4. Un peu léger, peut-être.
EXACT CONTRAIRE.- Ceci conduit à la deuxième observation: tous sont passés- et pas qu'un peu- par la case du banditisme classique avant de bifurquer vers la délinquance terroriste. Pour cela, ils ont fait de la prison qui a manifestement eu pour effet l'exact contraire de ce pour quoi elle est faite. Elle a été une étape supplémentaire dans leur radicalisation.
Je suggère à cet égard la lecture de tout Sorj Chalandon sur ce que fut la situation irlandaise. C'est rigoureusement la même chose. La prison de Long Kesh a été un campus pour les rebelles catholiques.
J'entends déjà les donneurs de leçons très en vogue ces jours-ci qui vont me dire que je cherche à faire porter les responsabilités de ces assassins sur la société. Pas du tout. Je constate que nous avons deux dispositifs majeurs pour conduire un enfant vers une intégration: la formation au début, la prison s'il se met à dévier. Les deux se sont retournés contre nous. Si ça ne pose pas des questions, je suis prêt à manger ma chemise. Je veux bien que, pour jouer les affranchis, on ferme les yeux là-dessus, mais ça ne contribuera pas à solutionner le problème.
Il est évident que depuis des mois on nous avertissait que des évènements de ce genre pourraient se produire. Et nous avons tous bien entendu qu'on est en train de nous annoncer d'éventuelles répliques. Après ce que je viens d'écrire, ce n'est pas étonnant. Des individualités qui sont très profondément désocialisées dans des quartiers terribles et des milieux familiaux pas à la hauteur, nous savons tous qu'il y en a des milliers. Et il y a tout de même un moment de lucidité à avoir sans tomber dans le culpabilisme complaisant: nous les avons bien fabriqués ces gaillards.
LAISSER POURRIR.- Qu'on ne nous dise pas que des centaines d'enseignants, des centaines de maires ou de petits élus n'ont pas tiré la sonnette d'alarme. Ce n'est pas vrai. En vérité, on se comportait par rapport à ce problème comme les grandes nations se comportent par rapport à des dizaines de conflits du monde: on les laissait pourrir tant qu'ils restaient, comme l'on dit, "à bas bruit".
Là, soudain, c'est l'explosion. Mais dans trois mois? Le pourrissement " à bas bruit" aura continué. Sauf si les services de sécurité ont raison et que nous aurons des répliques nombreuses et sérieuses dans les mois qui viennent. Bref, d'autres explosions.
Mais que personne ne donne de leçons. Ce processus est lourd, long. Il n'y a pas un seul gouvernement qui n'ait fait le pari du "bas bruit". Il faut dire que ce pari coûtait moins cher. Moins cher en modalités d'éducation, en système efficace de sanction. Jusqu'à quelle hauteur allons nous payer l'addition maintenant? A voir.
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