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Et maintenant la dette de l'Ukraine
Vous avez aimé la crise de la dette en Grèce? Vous allez adorer la crise de la dette ukrainienne. Parce que là, on est dans du lourd. Le constant prolongement du conflit avec la Russie entraine une misère qui, bien entendu, est intégrée aux plans du Kremlin. Les investisseurs étrangers s'en vont. Ainsi, Shell et Chevron ont renoncé à des investigations sur le gaz de schiste. Jadis fournisseur d'énergie dans la région, l'Ukraine est devenue dépendante en matière énergétique. Le PIB ukrainien a perdu 23% depuis 2012. On pense que cette année il devrait encore perdre 10% environ.
Cet effondrement économique a entraîné un effondrement de la monnaie. La monnaie de l'Ukraine, le hryvnia, a perdu 60% de sa valeur face dollar. Or, manque de pot, la dette ukrainienne est libellée en dollar, donc son poids relatif s'est accru d'autant. Le FMI en est donc venu à penser que la restructuration - c'est à dire un abandon de certaines créances- était nécessaire.Une partie du problème est que non seulement l'Ukraine se bat militairement contre les Russes... mais aussi qu'ils sont des créanciers à hauteur sans doute de 20 milliards d'euros. Les autres créanciers sont largement des fonds d'investissement américains. Pour ne rien arranger, les combats en cours risquent de provoquer une crise interne des réfugiés, c'est-à-dire que des populations vivant dans des zones exposées chercheraient à s'installer dans des régions plus tranquilles provoquant un chaos interne lié à ce mouvement massif de population.
Si l'on voulait un indice de l'angoisse des Ukrainiens sur leur avenir on le trouverait dans les chambres à coucher. Le nombre d'enfants par femme - qui permet évidemment de mesurer si la population du pays va se renouveler- s'est effondré de 1,95 en 1980 à 1,53 en 2012. Il est vrai qu'en Russie, on a des chiffres du même ordre (1,86 à 1,52) et la Pologne voisine qui, elle, va bien est passée de 2,26 à 1,30 ! Comme quoi l'influence de l'église catholique est en chute.
Une étude britannique a rappelé que la population avait chuté de 7 millions depuis 1991 et que près d'un Ukrainien sur deux souhaitait émigrer. Actuellement, on cite le chiffre de 3 à 7 millions d'Ukrainiens qui seraient des émigrants épisodiques ou définitifs, même si on ne dispose d'aucune statistique définitive. Ceci suggère que sa population a baissé d'un sixième: c'est comme si la France avait perdu 10 millions d'habitants! Si l'on veut une idée de l'écart des conditions de vie, songeons que l'espérance de vie d'un homme russe (ou ukrainien) est de 73 ans pour 84 ans pour un Français! Quoi qu'il en soit ceci nous décrit une vaste zone dépressionnaire (moins de population dans l'avenir et grande instabilité). Il faut, du reste, s'interroger sur l'éventualité que les actuels affrontements soient comme l'écho du sentiment diffus, de part et d'autre de la ligne de front, qu'on est en pleine déliquescence (sauf que l'endettement de la Russie est dérisoire).
On en est dans des batailles de chiffres auprès des prêteurs. La ministre des finances, Natalie Jaresko, voudrait un effacement de la dette de 40%, les prêteurs aimeraient s'en tenir à 5%. Nous sommes actuellement en plein coeur de ces négociations dont il est hautement douteux qu'elles se terminent bien.
Le graphique ci-dessus montre une comparaison entre l'endettement grec et ukrainien en % du PIB. On voit que la situation grecque (en rouge sang) était de bien plus longue date déteriorée. La seule différence notable est que depuis l'Ukraine est en guerre... pas la Grèce.
Au passage, il faut bien réfléchir à l'éventuel impact de cette affaire sur les pays voisins particulièrement la Pologne pourrait être très perturbante pour la région. La Pologne va plutôt bien en dépit d'un durcissement des conditions de vie, mais il n'est pas sûr qu'elle supporterait massivement un afflux de population. Et on ne doit pas y ignorer l'existence de mouvement très durs, racistes et xénophobes qui pourraient tendre le climat. Autre impact tout différent qui se fait déjà sentir: l'industrie militaire russe collaborait beaucoup avec les Ukrainiens. C'est par exemple en Ukraine que se trouvaient les bureaux de recherche pour les avions militaires Antonov. Évidemment, tout cela est par terre et les dommages pour l'industrie militaire russes sont notables.
Il faut cependant noter que l'agriculture reste un point fort. La récolte de céréales a atteint l'an dernier un niveau record depuis l'indépendance de l'ex-république soviétique en 1991 à plus de 63 millions de tonnes. Cette performance, que Kiev espère approcher cette année, a permis au pays d'exporter 34,5 millions de tonnes sur la campagne agricole qui vient de s'achever, faisant des fertiles terres noires ukrainiennes l'une des principales source de maïs, blé et orge de la planète.
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