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Il n'y a pas eu libéralisation, il y a eu renoncement
Pourquoi cette déprime? D'où vient que nous ne croyons plus à grand chose? Il est difficile de ne pas observer une certaine convergence. Longtemps, il y eût, hors de la politique, dans la culture, dans les sciences, dans l'économie, des gagneurs qui incitaient à la fierté. Les classements internationaux nous disent que notre système éducatif français est à plat ou pas loin. Les grandes voix intellectuelles françaises qui traversaient la planète ne sont plus guère présentes. On fait un foin formidable de Thomas Picketty qui le mérite sûrement, mais ça ne fait pas beaucoup. J'ai cru comprendre que dans un certain nombre de disciplines classiquement fortes en France, les mathématiques par exemple, nous avions perdu les premières places. Il y eût un temps où, dans disciplines de l'industrie classique, nous étions respectés. Nous avons absolument raté le virage des technologies de l'information pour lesquelles nous ne pesons pour rien. Même pas le plus petit gadget qui ferait dire: "Ah! ces frenchies quand même". Non. Facebook et tous ses clones sont des inventions américaines, l'important se passe là ou en Asie. Le rapport Gallois, seule pièce majeure du quinquennat de Hollande jusqu'ici, est accablant. Malheureusement, il ne fait rien avancer. L'effondrement de Peugeot est un mystère. Peut-on m'expliquer d'où il vient au fond, par delà des péripéties capitalistiques dont on sait bien qu'elles sont anecdotiques? L'important est ailleurs: Est-ce qu'une certaine communauté professionnelle qui avait été foutue d'envahir le globe par ses productions – souvenez-vous de la 404 à plateau en Afrique- en ait pratiquement disparu. C'est vraiment l'affaire de la mayonnaise cela: il y a des circonstances où elle ne prend pas. Et tout notre problème est là.
Le monde politique est un élément du décor. Habituellement, il est comme en toile de fond. On le regarde de temps à autres pour s'en amuser. Mais, en réalité, il est porté par un mouvement général. Et lorsque la dynamique est là, il est dynamique.Et s'il est médiocre qu'importe, le reste compense.
Chez nous, il s'est passé une drôle de chose. Comme le restant de la société s'assoupissait, le monde politique est passé au premier plan. Par surcroît, en son sein, Nicolas Sarkozy avait la fascination des projecteurs. Il les a concentrés sur lui-même. Mais comme il n'y avait pas de vraie dynamique derrière, il s'est écroulé. Il n'y a pas que le jeu de l'acteur, il faut qu'il y ait le scénario. Nous avons tous compris que ça n'était pas Hollande qui avait gagné mais Sarkozy qui avait perdu.
Et voilà qu'avec les affaires de l'UMP nous prenons la mesure à la fois de l'ampleur des turpitudes de ce monde dont je ne sais si elles sont plus ou moins amples que celles des autres. Mais nous mesurons aussi que derrière, décidément, hors de ce champ politique, il n'y a pas grand chose. Je suis horrifié de ce que j'entends de la jeune génération sur la France, un désarroi, un mépris...
Il n'y a pas eu libéralisation, il y a eu abandon, renoncement. Les discours sur le libéralisme et la mondialisation sont courts. Ils ont ceci de satisfaisant pour leurs auteurs que, truffés de chiffres, ils donnent l'illusion d'une expertise. Mais il ne s'intéressent pas à la volonté. Et comme ceux qui peuvent encore tenir le monde – enfin pas le monde, leurs petits intérêts de ce jour, à peine ceux de demain- sont très décidés, ce sont eux qui s'imposent. En réaction, l'immense besoin d'une volonté claire s'affirme.Une volonté publique, une volonté commune.
J'étais très frappé de lire dans Médiapart une longue enquête auprès de jeunes cadres de l'UMP qui disent leur dégoût et leur désarroi mais qui ajoutent: “il faut que nous réfléchissions à ce que nous voulons, à ce que sont nos valeurs”. Ca pourrait paraître très bien, mais pardon messieurs-dames: si vous êtes dans un parti, n'est-ce pas parce que vous voulez quelque chose, parce que vous avez une intention? Qu'est-ce que c'est que ce monde où on commence par adhérer à un parti pour ensuite se demander ce que sont les valeurs à y défendre? Il faut remettre de l'ordre dans tout cela.
PS.- Lorsque j'ai cherché sur internet une photo d'une 404 à plateau, l'essentiel de celles que j'ai trouvées représentaient des voitures dans des casses... quel symbole!
Alors, pour me venger, j'ai recherché une photo d'une splendeur française dont on a même oublié que nous avions su la concevoir: la Facel Vega, ci-contre (j'aurais pu choisir la DS 21). Petit rappel, ce bijou (dont il est juste de reconnaître qu'il peina à vivre) avait été lancé par Jean Daninos, le frère de l'écrivain Pierre Daninos (Les carnets du Major Thompson).
Tags : libéralisme, renoncement
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