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La chasseuse à l'ancienne de Francillon sur Roubion
Cet article est paru dans Le Crestois en juin 2011
A Francillon sur Roubion, si vous voulez être définitivement ridicule dans le milieu des chasseurs, vous dîtes que vous ne connaissez pas les Bompard. Croyez moi: on en rira pendant des semaines. Parce que les Bompard à Francillon, c'est une légende. Par un mystère qui mériterait que des experts l'examinent, tous sont d'incroyablement bonnes gâchettes. Il y a Marcel, le père, Josette, la mère, Bruno et Michael les deux garçons, qui ont cessé depuis longtemps d'être des garçons, pour devenir des hommes solides. D'ailleurs, si, plutôt que d'avoir l'air ridicule, vous voulez donner l'impression que vous connaissez bien ce bassin de Bourdeaux, dites que vous connaissez un Bompard. N'importe lequel, ça n'a pas d'importance. Des Bompard, dans cette petite région, il y en a partout. Vous ne risquez pas de vous tromper. La preuve: Josette Bompard, épouse de Marcel, était déjà née Bompard. Mais de Poët Celard, ne mélangeons pas tout.
Chez les Bompard, dit-on, il n'entre pas un étourneau sur la propriété sans que tout le monde soit au courant. Dans l'exploitation d'une quarantaine d'hectares, sur les hauteurs de Francillon, avec une vue admirable sur les montagnes d'Ardèche, juste sous une petite forêt qui forme un chapeau à la montagne, le gibier n'est pas rare. Il y a matière à observer. Et Josette précisément, petite femme vive, rieuse, solide, d'un caractère affirmé, n'est pas la dernière: « Il y a les yeux, c'est fait pour regarder », dit-elle dans un bon rire. Alors, elle vous raconte l'étourneau qu'elle a vu le matin et le renard que Marcel a remarqué la veille. Les Bompard, ce sont des chasseurs à l'ancienne, des chasseurs paysans qui sont le fusil à l'épaule parce qu'ils aiment leur nature. Lorsqu'on parle à Josette des gars qui circulent en 4 X 4 avec des walkies talkies pour se signaler les bêtes, elle soupire: « Ooooh non, mais c'est pas de la chasse, ça. »
PETOIRE.-N'empêche, le virus, elle l'a bien attrapé. « Je me suis marié à 19 ans. Nous avons eu des enfants, il a fallu les élever. Et puis, je m'y suis mise en 1994. » Et pas qu'un peu. Le 9 décembre 1994, elle a tiré son premier coup de fusil et abattu sur le champ un sanglier. « J'étais derrière un arbre. Oh, si j'avais vu comme il était gros! » Peut être, mais elle l'a fait quand même. Depuis, ses réussites au tir ont fait le tour de la région. Quand on lui dit que tout de même il a bien fallu qu'elle apprenne pour obtenir cette incroyable dextérité au tir, elle dit joliment: « On écoute les grands ».Et lorsqu'on la taquine en lui disant que cette saison encore un doublé de chevreuils, un doublé de sangliers, ça n'est vraiment pas mal, elle répond: « J'essaie de m'appliquer ». Ca oui alors! Son truc, à Josette Bompard, ce sont les grives. Et on lui prête de rares performances. « Il vaut mieux prendre une petite carabine. Ca ne fait pas de bruit au moment de la détonation. Un rôti de grives, c'est rudement bon. » Elle ne veut pas reconnaître qu'elle est bonne cuisinière, mais les chasseurs de l'association locale lui ont fait sa réputation en la matière. Et il se raconte, dans le pays, des retours de chasse où il faut chauffer d'immenses bassines, racler des heures durant, tailler les morceaux. Mais où aussi se fabriquent des souvenirs d'amitié et de gaieté qui sont ceux qui restent.
Josette Bompard n'est pas du genre à s'éterniser sur des questions de technique et de matériel. Elle a une vieille pétoire à canons superposés sortie, jadis, de chez Manufrance. Et ça fait bien l'affaire. Ce qui compte c'est l'observation. Pas les « morceaux » justement comme disent, paraît-il, les mauvais chasseurs, ceux qui font la course à la performance. Ce qui compte, c'est d'aller voir, d'observer, de connaître sont petit monde. Il faut voir Josette mimer de ses mains, les mouvements des grives. Des fois, le soir, ou le matin au contraire, elle prend sa voiture et part pour deux heures regarder dans les coins qu'elle connaît « Tant que je peux, j'y vais. Même les fois où on est invité à déjeuner, le soir on va faire un petit tour. Ca fait toujours plaisir de voir une bête. Il y a le plaisir des yeux aussi. » Avec le chasseur qui m'accompagnait le jour où eût lieu la rencontre avec Josette Bompard, on s'est mis à compter les jours de l'année où soit pour cause de chasse fermée, soit pour cause de petits enfants à garder, il n'était pas possible d'aller à la chasse: Eh ben, ça fait pas beaucoup!
LOUP.- A la ferme, il y a une dizaine de chiens qui courent à peu près sur tout gibier. La grande affaire de ces dernières années fût le passage non loin du loup à Noël de l'an passé qui fit des dégâts à Félines sur Rimandoule, la commune voisine et que deux personnes de la région ont pu voir. Par ailleurs, la multiplication des sangliers fait que leur nombre reste important. « D'abord, vous avez eu une baisse de la population paysanne, ce qui fait qu'à une certaine époque ils ont été moins chassés et donc ils se sont multipliés. Ensuite, leur alimentation s'est considérablement améliorée du fait des productions plus riches qu'on fait désormais. Donc les femelles ont des portées plus importantes. »
Dans la cuisine où nous menons la conversation tandis qu'à l'extérieur Marcel et Bruno s'escriment sur la chaîne d'une machine agricole, point de fétichisme de chasseur. Point de trophée ou de vieux fusil. La chasse, la vraie, c'est dans les bois ou au sortir de ceux-ci que ça se passe. A attendre, attendre longuement, observer, écouter. Et parfois tirer.
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