• Lorsque la gauche offre des électeurs au Front National

    Il faut s'y faire: il y a des thématiques inaudibles. Elles sont antipathiques. Les caricaturistes s'en emparent, accentuent des traits que la vox populi a déjà esquissés et, si vous abordez le thème, vous êtes un salaud.

    Je suis consterné depuis des années par le silence absolu du discours public sur les artisans qui, bien entendu, sont des cons, des profiteurs, qui d'ailleurs sont toujours en retard aux rendez- vous (ce qui est assez vrai) et qui ne méritent donc que la réprobation générale. Claire Brétecher et la Rubrique à brac sont passés par là: kil de rouge, béret et billets qui dépassent des poches.

    Pour que les choses soient claires: je ne suis pas artisan. Mais je sais qu'en effet, le monde artisan est le premier employeur de France. Il serait amusant de faire un comparatif entre la place accordée dans la presse à l'industrie et le monde de l'artisanat. Chacun sent bien, intuitivement, qu'il y a une abyssale disproportion. 

    Et cette marginalisation a poussé ce monde à une radicalité boudeuse, à un poujadisme dont il faut admettre qu'ils sont fondés. L'assimilation de l'artisanat à un patronat est une illusion agitée comme un hochet qui est habile. L'artisan est, dans beaucoup de cas, dans une situation de sous-traitance (ce qui, en bon français, signifie dépendance) par rapport à plus puissants que lui. Et si son statut lui donne l'illusion d'une position plus flatteuse, il ne lui donne dans les faits aucune marge de manoeuvre. C'est-à-dire que, s'il faut dépeindre la société pour faire plaisir à une doxa marxiste en une confrontation entre oppresseur et opprimé, contre toutes nos préventions l'artisan est en position d'opprimé. Il se trouve que l'artisan, qui est totalement pris en seringue dans la transaction économique est aussi celui qui prend le plus gros risque personnel. Les patrons de multinationales qui ont tant la sollicitude de nos gouvernements ne risquent personnellement rigoureusement rien. L'artisan, lui, est responsable sur ses biens propres. Je rappelle que les fameux canuts (ouvriers lyonnais de la soierie) qui sont si présents dans l'imagerie de la lutte ouvrière n'étaient pas des salariés. Ils étaient statutairement des artisans dont on maintenait artificiellement bas les prix d'acquisition de leurs produits. C'était ce que l'on appelait la lutte pour le tarif. C'est éloquent.

    La gauche dont on attendait un discours nouveau ne l'a pas tenu. Elle a campé sur des positions qui n'ont plus de réalité objective, remettant en scène des représentations qui n'existent que dans les romans. Elle a ainsi rejeté du côté du Front National une importante frange de la population (je rappelle: l'artisanat est le premier employeur de France) qui s'est sentie méprisée. Par ailleurs, ce mépris fausse l'appréciation de la situation économique, laissant de côté des forces susceptibles d'améliorer la situation.

    Il en va de même pour tout un monde du fin fond de la ruralité dont personne ne veut voir qu'il est en situation de grande précarité. Le snobisme de l'intelligentsia est tel que lorsque le géographe Christophe Guily l'a écrit il s'est trouvé des imbéciles pour dire qu'il était d'extrême droite. Ils ne l'ont jamais lu!  Il faut bien voir ce qui se passe et que je vois chaque jour dans ma petite campagne. Le coût de l'immobilier étant sans cesse plus cher, les populations les moins aisées sont rejetées dans les profondeurs de la campagne. Mais comme ces territoires sont aussi les plus pauvres en transports en commun, elles doivent assumer des frais de transport onéreux. Ce d'autant plus que le monde rural étant de plus en plus pauvre en services publics ces déplacements sont obligatoires.

    Je n'ai aucune illusion sur la réception que peut avoir un billet de ce genre. Tout cela n'est pas recevable, même si tout cela fait le lit du Front National que tout le monde prétend combattre.


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