• Les faux culs font de la télé

    Les faux culs font de la téléOn aurait envie d'éclater de rire parce que la situation en matière de programmes de télévision est devenue si inextricable qu'un de ces quatre matins tout va exploser et - ce qui serait épatant- on aurait droit à une semaine d'écran noir. Un article annonce que les chaînes sont en bisbille avec les producteurs de programmes pour savoir qui peut bénéficier des droits de revente lorsqu'un programme qu'elles ont contribué à financer est mis sur le marché. Problème en effet, il arrive que ce programme soit acheté à bas prix par un concurrent et diffusé un an plus tard. Et comme tout le monde a oublié, ça paraît génial.

    Les faux culs font de la téléPOSES FOIE GRAS.- Ca vous paraît compliqué? Eh bien vous avez raison. C'est tellement compliqué que personne n'y comprend plus rien. Je vais vous raconter l'histoire d'un documentaire (je sais de quoi je parle, j'ai contribué à la réalisation de près d'une centaine de documentaires). Un beau matin, à la machine à café d'une chaîne de tv, un responsable des programmes raconte à son adjoint: "Ce week-end, j'ai laissé tomber une tasse à la maison et ma femme m'a dit: "tiens, au fait, vous devriez faire quelque chose sur la Les faux culs font de la téléporcelaine". Super-idée, on va faire quelque chose sur la porcelaine". L'adjoint, qui espère que ça le fera bien voir, rentre dans son bureau, décroche son téléphone et appelle une boîte de production privée et lui dit: "Si vous faites quelque chose sur la porcelaine, il se pourrait bien que je vous l'achète, faites moi un projet". Pourquoi, dira mon sagace lecteur, la chaîne ne décide-t-elle pas de tourner elle-même un documentaire, avec ses moyens? Pour deux raisons: d'abord dans la chaîne, ça coûte plus cher, vu qu'il y a ces connards de syndicalistes qui demandent des poses foie gras toutes les six heures et d'ailleurs qu'on ne trouve même pas vu qu'ils sont tout le temps en réunions. Ensuite, parce que les boîtes de production privée ont accès à des financements par des Les faux culs font de la télétas de fonds spécialisés qui sont interdits aux chaînes. Mais mon toujours sagace lecteur (enfin, ça ne va pas durer) se demandera: Mais pourquoi a-t-on besoin de financement extérieurs? Eh bien pour l'excellente raison que les chaînes de télévision ne paient jamais ce type de programmes à leur prix de revient. Lorsqu'on a de la chance c'est à 60%, mais ce peut être 20%. Donc, il faut aller chercher de l'argent ailleurs. D'où des trucs croquignolets. Par exemple, dans notre grande saga sur la porcelaine, il y a gros à parier qu'on essaiera de faire casquer la ville de Limoges. L'autre jour, je visionnais un documentaire sur l'esclavage: première image, un président de conseil régional. Je bouffe ma chemise s'il n'est pas passé à la caisse. Mais à part ça, attention, on a notre déontologie.

    Le plus drôle, en France, c'est que c'est une ministre de gauche - Catherine Tasca- qui a favorisé le développement des boites de production privées au détriment en particulier de la production en interne des chaînes publiques, avec tous ces gauchos qui foutent que dalle, vous pensez bien.

    Les faux culs font de la téléSIXIÈME ÉTAGE SANS ASCENSEUR.- C'est quoi une boîte de production privée? Il y a deux grandes catégories. Le plus grand nombre est composé d'anciens techniciens, de créateurs fous qui n'ont d'autres moyens  que de loger leur affaire au sixième étage sans ascenseur d'un immeuble d'une banlieue glauque. S'ils ont de la chance, ils ont les moyens de payer une belle plaque. La plupart du temps le nom est écrit au feutre sur une feuille de papier. Le cuivre coûte cher. Ca s'appelle: "La planétaire de production audiovisuelle" ou "Worldwide broadcast, inc". A Saint Denis, c'est très bien porté. Le patron improvisé du truc dort dans les couloirs des chaînes des années durant pour vendre une série sur "Matérialisme et Empirocriticisme", mais faute de résultat, équilibre les comptes en faisant les vidéos institutionnelles d'Intermarché.

    Les faux culs font de la téléBien entendu, ces braves gars ne se paient pas, vu que les rentrées sont rares. Donc eux, comme leurs assistantes (qui sont en général aussi leurs maîtresses- il faut concentrer au maximum les fonctions dans un souci d'économie), sont intermittents du spectacle. C'est à dire que c'est le régime d'indemnisation du chômage qui paie pour tout ce binz.

    La deuxième catégorie de boîtes de prod' dont mes lecteurs- de moins en moins sagaces et de plus en plus proches de la dépression- ont entendu parler à jet continu dans la presse people se situe dans les arrondissements chics des grandes capitales. Il y a des nanas superbes avec des jupes fendues jusque très haut qui portent des tasses de thé. Et ces boîtes appartiennent à des anciens gradés de la télé qui ont été virés pour une histoire de note de frais, mais qui, dans deux ans, seront à nouveau dans la chaîne de télé lorsque, à force de dîners avec des sénateurs incontinents, ils auront suffisamment intrigué pour se faire réintégrer. Plus haut. Bien sûr. D'ailleurs, eux ne font rien dans ces boîtes. C'est des stagiaires qui travaillent. Les supposés patrons répondent aux interviewes.

    Les faux culs font de la téléCHAÎNE CAMEROUNAISE.- La petite boîte du technicien fou, on lui file les merdes. La série sur la porcelaine, elle va y avoir droit. C'est du 23h30, sur une chaîne culturelle. Et puis le métier de directeur des programmes sur une chaîne consiste à maintenir un subtil équilibre entre les boîtes sur le bord de la faillite à qui il file les miettes pour les empêcher de couler et puis la série : "les cinquante plus beaux palais du monde" avec moyens illimités pour la boîte des beaux quartiers. Tout de même, l'avantage des petites boLes faux culs font de la téléîtes, c'est qu'elles font le gros du boulot.

    Donc pour revenir à ma série sur la porcelaine, le responsable de la boîte de prod' paumée va appeler un pote dans la dèche et lui dire: "fais moi un projet". Bien sûr, pas payé. Ah ben oui, le régime des intermittents, c'est là pour ça. Ce projet sera lu, relu et amendé dans la chaîne par des jeunes gens qui, deux jours avant, ne savaient pas que la porcelaine existait. Et finalement, le tournage va commencer. Oui mais, il n'est pas sûr que le financement ait été bouclé. Ou s'il l'est, il n'y a aucune marge pour la petite boite de prod. Donc - pour bien comprendre l'article cité au début- il faut comprendre que c'est en revendant 100 euros à une chaîne Les faux culs font de la télécamerounaise, un peu mieux chez les Suisses et les Belges, quelques clopinettes sur des chaînes câblées que les producteurs espèrent faire leur marge. Les chaînes câblées, c'est génial. Un de mes documentaires a été racheté par la chaîne Histoire: il a été programmé près de 90 fois la même année! Cette année là, j'ai changé les amortisseurs de la bagnole, autant vous dire que je m'en souviens.

    Or, comme l'explique fort bien l'article, les chaînes voudraient encore toucher à ce stade. Et, si je comprends bien, le ministère a l'air de les soutenir. Faut dire que, figurez-vous, les chaînes de télé ont des journaux télévisés. Alors, faut pas trop les fâcher. Faux culs, va.


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  • Commentaires

    1
    Melquiond
    Mardi 30 Septembre 2014 à 20:37

    De mieux en mieux, Jacques. Je te préfère en humoriste qu'en sérieux. Continues à nous divertir !

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