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Une diète médiatique ferait du bien à tout le monde
Michel Onfray vient de décider de "retourner à sa table de travail" car il en a assez de commenter les commentaires et de s'exprimer par tweets. Ca n'est pas dommage et on aimerait qu'il soit suivi. La confusion entre la parole et l'action atteint un niveau terrifiant. Nous devons regarder en face la dérive d'un système médiatique qui est à l'intersection de l'instantanéité et de l'expression indiscriminée de n'importe qui. Naturellement, je vois bien le paradoxe qu'il y a à le relever ici sur un blog qui est, en effet, de n'importe qui et qui n'échappe pas toujours à la pression de l'évènement.
Par ailleurs, il est très difficile, particulièrement pour un journaliste, de suggérer que chacun ne devrait pas avoir le droit de s'exprimer. Bien entendu, le fond du problème n'est pas là. Il est dans le fait que les nouveaux médias qui ouvrent totalement toutes les voies d'expression mettent tout à plat: tout est égal à tout. Le poujadiste qui en a raz le bol de ses voisins immigrés vaut Olivier Roy lorsqu'il s'agit de commenter nos récents attentats. On pourrait espérer que la différence de qualité clarifie les choses aux yeux du public. Ce n'est pas le cas parce que le subtil et le complexe partent avec un handicap de départ.
Pour autant, les vertus du silence devraient donner à réfléchir. Onfray parle de "diète médiatique", c'est un régime qui paie. Voyez les scores de Juppé ou de Bayrou dans les sondages et, a contrario, ceux de Sarkozy illustrent combien la parole publique, l'omniprésence sur les plateaux, les tweets, etc. épuisent la parole publique, soulignent les contradictions et l'impuissance. Il est insupportable qu'un homme politique, qu'un dirigeant d'entreprise ou d'administration communiquent par tweets. Ils participent à l'instant même de l'envoi du message à la dévaluation de leur propre parole.
Cela donne l'illusion d'agir. C'est dans la Bible que "la parole s'est faite chair", mais dans la vie vraie, la parole ne résout pas les problèmes d'intégration, ne réduit pas les déficits publics, n'empêche pas la fermeture des hôpitaux. Tout au contraire, elle fait monter une exaspération, le sentiment de l'impuissance, de l'écart entre le propos tenu et la vie vécue.
Il y a certes des moments où, tout au contraire, on attend une parole publique lourdement chargée de sens et de symboles. L'hommage de Hollande aux victimes du 13 novembre est de cet ordre et il faut saluer que, dans ce type d'exercice, il soit à la hauteur. Mais, bien entendu, ce n'est point de cette parole là dont il est ici question. Il s'agit du torrent médiatique véhiculé par toutes les formes de support. Il s'agit de notre capacité, sous cette avalanche, une fois par chance, de dénicher en son sein une pépite - comme le fut, précisément, l'analyse d'Olivier Roy sur les dérives des tueurs de Paris.
Ceci dit, cette critique vaut pour tous, donc pour moi, à la différence près que le plus grand nombre d'entre nous n'est ni ministre, ni même personnage public. Pour autant le silence peut nous faire du bien à tous.
PS.- Je signale une nouvelle fois le site Polognexpress qui, d'une certaine manière, fait la démonstration complémentaire à ce qui précède. Lorsque le silence se fait sur certaines régions du monde tandis qu'ailleurs règne le brouhaha, les pouvoirs peuvent agir en toute impunité. Un nouvel article nous y signale la réaction des musulmans qui n'en peuvent plus d'être diabolisés dans le pays.
VOIR AUSSI: L'ACHARNEMENT DANS L'INSIGNIFIANT NOUS FAIT REGARDER AILLEURS
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