• Le groupusculaire,ça commence à bien faireOn n'y peut rien, ça ne sert à rien, nous ne maîtrisons plus rien. Alors pourquoi pas, en effet, ne pas tout faire sauter. Ce sentiment domine. Alain Touraine le montre fort bien ici. Les élections européennes viennent de nous le dire. Et ce qui est terrifiant c'est que le petit jeu continue. Un très remarquable éditorial du Monde le dit  justement.

    La remarque faite par Alain Touraine - il faut tout reconstruire localement- est évidemment très pertinente. Il est juste de dire que cela a commencé depuis très longtemps. Je vis dans un petit coin de Drôme où c'est même vrai depuis des décennies. J'avais consacré, il y a des années, un livre (Les hommes du renouveau (Lattès) - on ne le trouve plus qu'en occasion) qui en faisait déjà le constat. Pour être honnête, il fit un four et je sais très bien pourquoi. La raison, en vérité, m'en fut donnée alors même que je faisais l'enquête qui allait donner le livre. Me trouvant dans une vallée du Massif Central et y constatant qu'elle était autrement dynamique que la voisine, un interlocuteur me répondit: "Oh, eux: ils n'ont pas encore touché le fond."

    Contre son campON TOUCHE LE FOND.- Ben voilà. C'est fait. Nous avons tous touché le fond. Mais le problème est moins celui de la création d'initiatives locales que celui de leur articulation avec une force qui devienne nationale. Un million de petites initiatives isolées, c'est follement sympa. C'est parfait pour le journal local, j'en sais quelque chose. Mais au total, nationalement, ça ne crée pas une force. Je crois que lorsque Daniel Cohnbendit disait qu'il fallait moins un parti qu'une boîte à outils politique, il avait une intuition de cet ordre. Un temps - très bref-, ici ou là, les écolos ont pu paraître être une force qui fédèrerait ce monde. Les résultats de dimanche dernier le montre parfois encore. Dans mon petit coin de Drôme, innovateur, râleur, parfois un peu hautain aussi - il ne faut pas le cacher- ils ont encore fait un tabac. Ils sont pratiquement en tête partout. Mais je n'y crois pas.

    Il y a, en effet, la question du "populaire", des simples gens, du petit artisan, du vieux paysan: ceux-là ne doivent pas être tenus à l'écart. Sans eux, on ne fera rien. Or, je trouve que tous les mouvements alternatifs sont élitistes à faire peur, facilement hautains et méprisants. Je suis par exemple exaspéré de cette manie de ne considérer l'économie qu'à l'échelle des grands flux mondiaux, le brassage des capitaux, les petits contre les grands, le Nord contre le Sud, etc. Et puis sur la petite boîte, silence. Rien sur cet univers qui emploie massivement, sur les patrons à 2000 euros (oui 2000, ça n'est pas une faute de frappe), parce qu'au journal de 20 heures, ça ne passe pas. Le problème est que, dans notre pays entier, le poids de tous ceux là pèse infiniment lourd.

    Ceux qui savent mieux - et qui ont une espèce de génie pour le faire savoir- me fatiguent. Et je prétends que, jour après jour, ils tirent des balles contre leur camp. Perdre ces habits là va être infiniment difficile.

    Contre son campVIVE INTELLIGENCE.- J'aime le bistrot et le pastis (non ça n'est pas vrai, je n'aime pas le pastis, mais c'est un symbole). Il faut redescendre dans cette rue là. De ce point de vue, j'ai un peu peur qu'internet et tous ces trucs sophistiqués ne soient qu'un jeu à l'intérieur de l'éternelle même élite. Il y avait aux dernières municipales à Crest un type très bien, d'une vive intelligence, bien dans son temps, ouvert, patron progressiste d'une belle entreprise qui dirigeait une liste. Je l'apprécie, j'aurais voté pour lui si j'avais été électeur dans sa commune. Mais je me souviens bien d'un rapide échange où, avec une grande franchise, il m'avait dit ce que ce "petit peuple" lui était peu connu.

    Eh bien colletons nous à celà. Parce que le groupusculaire, ça commence à bien faire.


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  • A un moment donné, on n'a pas tiré la sonnette d'alarmeIl faut regarder cette vidéo en entier car, très probablement, elle nous rapproche de la vérité.

     

     Franchement, je ne connais rien de Jérôme Lavrilleux. Rien d'autre que ce que je lis dans les journaux et qui n'est pas très aimable. Au surplus, je n'aime pas la posture qui consiste à feindre être le plus fin. Donc, tout en ne partageant absolument pas les idées et les engagements de cet homme, je pense qu'il est à un moment de vérité et qu'en effet, il s'est laissé mettre dans une situation - et cela je le lui reproche- dans laquelle il est devenu aveugle. Il faut rappeler des déclarations de Jérôme Cahuzac qui disaient à peu près cela. J'ai eu à rencontrer par pur hasard le juge d'instruction qui avait, dans un poste antérieur à notre rencontre, eu à signifier à Alain Carignon qu'il partait en prison. La description de l'hébétude de son interlocuteur, la découverte subite qu'il était soumis à la loi de tous, était très éloquente. Ce qui est grave est sans doute ce qui a été fait, mais ce qui l'est davantage encore c'est que se créent des systèmes où l'on perd le sens commun. Revenons un instant sur terre: après tout, un parti n'est qu'une grosse association, une énorme peut-être, mais elle doit obéir à un cadre juridique général que nous acceptons tous. Il faut que s'y trouvent des vapeurs particulières - qui sont les vapeurs du pouvoir, bien sûr - pour que le meilleur des hommes s'y égare, perde le sens commun. Et je note ici les vapeurs du pouvoir, mais nous savons bien que cela pourrait se trouver dans un cadre religieux, voire dans un cadre sportif. Dans ces lieux, en somme où se créent des sortes de déconnexions du réel - peut-on dire des phénomènes extatiques?- qui font perdre le sens commun. Je songe à une interview que j'avais faite du biographe de Jean Luchaire, Cédric Meletta. Sur la  fin de sa gloire, Jean Luchaire - dont il faut rappeler que ce fut d'abord un journaliste de gauche- bascule, comme l'on sait dans la collaboration et lui, l'homme parfaitement informé de l'issue qui vient, accepte le poste ridicule de commissaire à l'information à Sigmaringen. Pour quelques semaines de pouvoir, pour quelques moments d'extase. Je n'excuse rien. Je ne compare pas les tripatouillage de l'UMP avec ça. Sauf sur un point: c'est le même carburant qui fait ainsi perdre le sens du réel.


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  • Lorsque l'objet mute, le sens mute aussiIl est plaisant que ces petits "posts" sans prétention suscitent des curiosités. En l'occurrence une certaine incompréhension. Des lecteurs de la jeune génération m'ont dit combien pour eux la radio était un média bien moins présent, bien moins déterminant qu'il avait pu l'être pour ma génération. Combien, par exemple, la force du souvenir que me laissait L'Oreille en coin - abondamment citée dans un post- leur paraissait lointaine. Ils écoutent de la musique pas la radio - ce n'est pas la même chose.

    Alors évidemment ça (que j'ai moi-même à peine connu) ne leur parle pas:

     


      C'était évidemment Signé Furax des excellents Pierre Dac et Francis Blanche sauf erreur sur Radio Luxembourg. C'est l'archétype de la radio de "mobilisation familiale". Le meuble est à la salle à manger. On adapte ses horaires aux programmes. Dans l'idée de feuilleton, il a celle de récurrence. Donc on organisait sa vie pour entendre "la suite". En clair, la radio en tant que "fabricante" d'une grille de programmes avait un certain pouvoir sur l'organisation des vies de famille. Cette idée est à peu près morte et enterrée. radio-2.jpgCe qui est intéressant, me semble-t-il, c'est qu'un certain objet a muté. La radio d'objet physiquement central dans l'univers familial familier - au milieu d'une pièce-  est devenu un objet portable, puis pratiquement physiquement plus rien. Il y a des postes de radio gros comme le poing, même comme le pouce. Il y a surtout un accessoire de voiture. J'ai moi-même été amené à écrire un livre parce qu'un certain éditeur avait entendu une de mes émissions dans les embouteillages. En clair, ce sont les embouteillages qui ont fait le livre. Et évidemment, le surgissement du téléchargement est en train de tuer une des vocations de la radio, la vocation d'accompagnement. Pour ce que je connais de ces chiffres de podcasts, c'est colossal. Il est très raisonnable de penser que les fabricants de podcasts seuls - je veux dire des gens qui s'amuseraient à produire des programmes audios seuls, dans leur grenier- vont finir par submerger le média historique. Comme chacun sait c'est déjà curieusement plus sensible avec des vidéos, peut être parce que la vidéo est plus spectaculaire. Mais on trouve sans grande peine, dans les marges militantes, des "fabricants de podcasts audio" (hors de tout média). Tout ce que j'ai, jusqu'ici entendu était accablant. J'ai un souvenir consterné d'un podcast américian expliquant que Jésus avait inventé l'écologie... mais une bonne nouvelle peut toujours venir. D'une certaine manière, c'est un peu, dans une autre technique, l'histoire du Leica. Je renvoie à un petit bout d'un de mes reportages télé qui se trouve dans les archives de l'INA et dont l'intégrale est malheureusement à acheter pour 1,99 euros. Le Leica (sur ma photo le M3 de 1955) a bouleversé l'histoire de la photographie non pas d'abord par sa qualité, mais par sa taille. Il a permis au photographe d'aller beaucoup plus loin dans l'intimité de ses sujets. Au passage, puisqu'on parlait de radio, c'est tout aussi vrai de l'objet magnétophone.  J'ai écrit ailleurs ce que je pensais du changement de format du magnéto. Un de mes anciens collègues de la Radio Suisse Romande me racontait une anecdote tout-à-fait emblématique. Jadis, paraît-il, la radio possédait une grosse Chrysler ou Cadillac qui parcourait tous les villages pour une émission populaire. Elle était bourrée d'un matériel alors encombrant. Et lorsqu'elle arrivait sur la place du village, on invitait la population à la rejoindre. Cela ne pouvait pas donner le même résultat qu'aujourd'hui: l'enregistrement ne se passait pas dans l'intimité des intervenants, mais au milieu de tous: Les propos tenus ne pouvaient pas être les mêmes. Je me fais aujourd'hui des remarques semblables lorsque je vois mes jeunes confrères partir en reportage pour la télévision avec des caméras incroyablement plus petites que les Bétacam que j'ai utilisées. Une anecdote pour que l'on mesure bien la différence: j'ai personnellement été payé pour animer des stages à l'intention de cameramen de la télévision française qui, atteints de scoliose à force de porter à l'épaule des engins trop lourds, devaient envisager de se recycler. leica.jpgRetournons à l'univers photographique: il suffit de comparer les numéros de l'Illustration avec ceux de Match pour être édifié.  A fortiori, le surgissement de la photo sur téléphone mobile a abouti à un déclassement complet de l'objet "photo". D'abord, on ne le regarde plus que sur un écran, la plupart du temps petit. La perception n'est plus la même. Par ailleurs, la technique en l'état ne permet guère de cadrer une photo. Donc dans le meilleur des cas, on rectifie après avec de petits instruments. Ca n'est pas la même chose. Après, c'est trop tard. Le cadrage au viseur - celui du photographe consciencieux, contraint au surplus par le coût de la pellicule- suppose une autre attitude du personnage, une attention, une concentration. Avec un téléphone mobile, on prend dix vues. Ca ne coûte rien. Il y en aura bien une de bonne.  Et comme, une fois rentré chez soi, on a autre chose à faire que de comparer ces photos, en définitive on n'en fait rien. Comme l'on sait Kodak en est mort alors même que certains de ses ingénieurs avaient été les pionniers mondiaux de l'histoire du numérique. Mais leur direction n'y a pas cru. J'ai le souvenir ancien d'une étude qui expliquait que l'essentiel des photos prises  en numérique était détruit. C'est évidemment in fine un changement de statut. Si l'image qui est sur telle photo est si peu importante qu'on la jette en l'ayant à peine regardée, ça finit par signifier que ce qu'elle montre n'est pas très important. Détail à peu près inconnu du grand public: le niveau incroyablement médiocre de la définition (nombre de pixels) d'une photo prise par téléphone portable interdit à peu de choses près qu'elle soit imprimée, du moins autrement qu'en format de timbre poste. Donc finalement, pourquoi photographie-t-on? Au passage je signale une très bonne étude ici. saigon1.jpgEt quelle sera la prochaine mutation majeure, celle qui changera totalement le résultat final, qui nourrira peut-être un autre sens? Car après tout, on se moque totalement que le Canon F1 ait été plus simple à manier que les appareils à plaques avec chambre en bois. Ce qui est important c'est que le rendu du réel ait changé. Et pour reprendre la fameuse photo de la guerre du Vietnam représentant un officier tuant un prisonnier vietcong par Eddy Adams, eh bien elle le fut par un Nikon. Elle n'aurait jamais pu l'être, sauf incroyable hasard, par un appareil à plaque. Or cette photo a profondément modifié la perception de la guerre du Vietnam. De même, il est notoire que le retentissement de mai 1968 doit beaucoup à ce que le transistor en tant qu'objet ait été beaucoup plus maniable, permettant aux manifestant de savoir ce qui était en train de se passer, tandis que les journalistes, dotés désormais d'un Nagra commodément portable (enfin, à peu près) pouvaient envoyer des reportages sonores par téléphone.Le rendu n'était pas le même et la perception sur un petit appareil gros comme une brique non plus.


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  • Radio daysCeci est un article réactualisé à l'occasion de la mort de José Arthur:

    Il faut me pardonner, les voix ont constitué une bonne partie de mon environnement professionnel. Je pense à Gérard Sire- cette voix incroyablement grave et usée par les cigarettes dont il mourra. Je pense aussi à Jacques Paoli, le père de Stéphane (pas mal non plus du reste). Je pense à Jacques Chapus avec lequel j'ai un peu travaillé à RTL, avec cette voix incroyable éraillée et que j'ai personnellement vu présenter le journal de 18h, une bouteille de whisky à côté de lui qu'il siphonnait. On andre-a.jpg raconte d'André Arnaud - merveilleuse voix d'Europe 1 (Europe midi- photo de droite)- qu'il pouvait entrer dans le studio complètement ivre et qu'à l'instant où il disait "Bonjour" son ivresse avait disparu, du moins pour l'auditeur (Carillon ici). Et puisqu'on est à Europe 1 voici une de ses voix les plus inimitables: Radio daysAlbert Simon qui donnait la météo. Maurice Siegel, le vrais père d'Europe 1 avait eu l'intuition fondamentale qu'en radio le timbre de voix est essentiel et, malgré la voix catastrophique de ce malheureux Albert Simon, il l'a laissé des années à l'antenne. Le RTL de jadis - on l'a peu remarqué- a été largement composé par des équipes du grand France-Soir (Jacques Chapus, Henri Marque,etc...) qui avait un sens extraordinaire du "populaire". A Lyon s'est longtemps trouvé un correspondant très talentueux et confraternel , ancien d'Algérie dont il avait ramené un racisme rédhibitoire - il est inutile que je donne son nom- mais qui avait ce sens du "popu". Je me souviens d'une affaire de chien - le chien Titus- qui avait sauvé son maître dans une grotte en Chartreuse. RTL a fait une place à l'affaire dans chacun de ses flashes pendant une journée.

    Radio daysCeci dit, me reviennent bien de conversations avec Laurence Lacour (photo), l'envoyée spéciale à l'époque d'Europe 1 dans la Vologne au moment de l'affaire Grégory qui fut à ce point outrée des excès de ce genre de pratiques qu'elle quitta la profession et donna un très bon livre sur l'affaire: Le bûcher des innocents où elle montre ce que la pression médiatique avait fait faire à des personnes impliquées dans l'affaire. Je me revois embauché à RTL: le rédacteur en chef de l'époque m'amène devant une carte, pointe Genève et de son doigt dessine un territoire qui allait au nord jusqu'à Mulhouse et à l'Est jusqu'à Vienne en Autriche. Et il me dit: "dans ce coin là on est un peu faible..." Et effectivement, je songe à des coups de téléphone comme celui-ci, bien sûr à 3 heures du matin: le Paris- Milan s'était couché en gare de Martigny. Les ordres étaient clairs: "Tu nous fait un truc pour 6h, 6h30 et 7h". J'ai du expliquer que j'étais à deux bonnes heures de Martigny.  Une autre fois, j'appelle à propos de je ne sais quelle affaire qui impliquait des enfants (je n'ai aucun souvenir que ce fut une affaire crapoteuse) et je tombe sur Henri Marque qui me dit: "Ah ouais, c'est bon ton truc, les gamins ça marche toujours."

    Radio daysCe qui reste pour moi assez mystérieux, c'est que le patron qui façonna RTL fut Jacques Rigaud, un homme d'une immense culture, directeur de cabinet entre autres de Jacques Duhamel qui fut un bon ministre de la culture sous De Gaulle.( Rigaud est mort en 2012). C'est par exemple lui qui décentralisa le TNP à Villerubanne. Je me souviens d'une remarquable série "A voix nue" sur France Culture avec lui qui donnait une mesure de sa culture. Le voir pendant vingt ans PDG de cette radio hyperpopulaire a quelque chose d'exotique.J'ai eu l'occasion d'interviewer l'auteur d'un bouquin sur les radios françaises qui m'a dit que de très loin Jacques Rigaud lui avait paru le plus remarquable. ICI l'indicatif

     

     

     

      A mon grand regret à l'exception de l'indicatif ci-dessus, autant on retrouve très facilement des indicatifs d'émissions de télé- qui ne me parlent pas- autant ceux de radio sont très difficiles à trouver sauf celui-ci: qui est celui de la formidable émission L'Oreille en Coin de Jean Garetto (à droite sur la photo, il est mort à 80 ans, il y a trois ans.) et Pierre Codou à gauche décédé prématurément), un de ces lieux d'excellence qui va révéler tant de talents. Cet indicatif  « Big fat man » était  un titre de Jim Wild Carson (C'est à dire en fait Alain Boublil) composé en 1976.

    Ci dessous une Oreille en Coin de 1971, avec comme invité  de Françoise Morasso, Dominique Strauss-Kahn.Et puis je rajoute une charmante vidéo publicitaire pour l'émission.

     

     

     

     

    Ah si, on peut retrouver l'indicatif de Salut Les Copains: 

    (adaptation de Last Night de King Curtis dont je préfère l'original).

     
     

     


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  • Le retour du souverainPrenons de la hauteur. Regardons notre époque à partir de mouvements anciens. Ainsi cette attente de chefs qui surgiraient et qui nous sauveraient de nos malheurs. On le voit à propos de Sarkozy. Le phénomène est ancien. L'un d'entre eux est stupéfiant. Il s'agit de ce mouvement mystico-religieux connu sous le nom de sébastianisme qui se forme à partir de 1578 au Portugal et qui dure jusqu'à aujourd'hui.

    Le retour du souverainSÉBASTIEN DU PORTUGAL.-  Le roi Sébastien du Portugal avait bien failli ne pas naître, puisqu'il est né son père étant mort. On crut à un miracle. Dans la vingtaine, il alla porter la guerre dans ce que nous appellerions aujourd'hui le Maroc et mourut dans une bataille restée célèbre et nommée la bataille des Trois Rois (les deux autres, Marocains ceux là, étant aussi morts dans la boucherie qui eut lieu). On prétendit - ce qui était faux- qu'on n'avait jamais retrouvé le corps de Sébastien. Et, à partir de là, se développa une croyance selon laquelle Sébastien était caché et qu' un jour, le roi reviendrait et sauverait le pays de la décadence. Ce thème s'est installé des siècles durant dans les croyances populaires portugaises. Lorsque la Révolution des Oeillets eût lieu, on dit que c'était le retour du roi. Aujourd'hui au Brésil, ancienne colonie portugaise, existent des églises qui annoncent un prochain retour du roi.Lorsque Lula fut élu, on dit que c'était le retour du roi. Le très célèbre écrivain portugais Fernando Pessoa reprit le thème sous l'aspect littéraire dans les années trente.

    Le retour du souverainLE ROI ARTHUR.-Mais cela vaut après tout dans la grande histoire du christianisme: ce que l'on appelle la parousie du Christ, c'est à dire son retour promis, c'est la même chose. Et de même chez les musulmans chiites avec l'imam caché après la bataille de Kerbala. Et de même encore avec le roi Arthur et le tsar Dimitri, ce dernier, de façon stupéfiante étant contemporain à peu près du roi Sébastien.

    Ne croyons pas que nous avons tout inventé. Lorsque des zozos vivent dans l'attente extatique d'un retour de Sarkozy, ils ne font rien de mieux que de suivre une tradition séculaire. J'ai eu l'occasion de m'entretenir longuementr avec le professeur Francisco Bethencourt, du King's College à Londres. J'ai extrait un court passage de cet entretien qui donne à réfléchir (écouter la vidéo ci-dessous). L'intégrale des cinq émissions se trouve ici

    Petite remarque finale. J'entendais Giscard à la télé; il a eu cette phrase: "On ne revient jamais". Il sous-entendait évidemment à ce niveau pouvoir. Je crois que c'est bien vu.


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  • La démocratie dans le cotonLa vivacité d'un certain nombre d'échanges dès lors qu'il s'agit d'informations touchant à la proximité m'incite à mettre sur le papier une réflexion ancienne et encore mal aboutie sur elles, mais qui me pèse depuis longtemps.

    On peut dire n'importe quoi sur n'importe qui dès lors qu'il est éloigné. L'autre jour un paparazzi a prêté, dans une émission de télévision, une maîtresse au président Obama, ce qui était une pure invention...qu'il a admise quelques jours plus tard. Mais personne n'a rien dit; c'était loin; tout le monde s'en moquait.

    Qui imaginerait une seconde qu'on puisse en faire autant localement – et lorsque je dis localement, je ne pense pas qu'à la géographie, je pense aussi à la proximité professionnelle par exemple. Sur le fond, je trouve évidemment cela très bien.

    Le problème est que se crée ainsi un décalage entre l'analyse critique au niveau lointain et celle complaisante au niveau local. On a bien vu dans quelques échanges combien était mal pris qu'on ait une position critique vis-à-vis de telle situation locale. L'effet pervers de cette situation est qu'on vit dans un sentiment trompeur d'unanimisme – tout va bien, tout le monde il est beau...- jusqu'au jour où, à la stupeur générale, on constate que le public ne pensait pas cela du tout. C'est notamment mon opinion concernant, ces dernières années, la situation de la commune de Saillans (notamment après la fameuse affaire de la création envisagée d'un supermarché)  où il est net que, des mois durant, les élus n'ont pas senti une désapprobation qui montait. Je pense que si l'information avait été plus incisive, ils auraient été amenés à réfléchir. Le résultat, on le connait depuis les municipales.

    Naturellement, j'entends bien qu'il soit désagréable d'être critiqué mais je considère qu'aussi loin qu'on reste sur des argumentaires sérieux on doit pouvoir le faire même localement. L'illusion donnée par une atmosphère cotonneuse est dangereuse, surtout dans la période de défiance généralisée que nous connaissons.

    Je m'amuse de voir que les statistiques de fréquentation de mon blog révèlent non pas une progression de la fréquentation mais une explosion lorsque j'évoque des sujets locaux. Il y a une demande de ce regard distancié et critique. C'est un reflet de l'état de notre démocratie. On ne rend pas service en le refusant.

    Contre son campN'EN PARLEZ PAS.- Ceci posé j'admet qu'il y a des difficultés. J'ai le souvenir d'une excellente maire de la région qui m'avait reproché d'avoir publié un rapport touchant aux finances communales de la région, non qu'elle en contestât le contenu, mais plutôt parce qu'elle en craignait de fausses interprêtations. Je lui avait fait observer que l'article joint aux chiffres prémunissait contre de fausses interprêtations. Elle l'a admis mais ajouté aussitôt "les gens ne lisent pas les articles, ils regardent les chiffres". Je ne pouvais pas lui donner entièrement tort. Et elle ajouta dans un soupir - ce qui dans l'affaire est l'essentiel- "vous savez, c'est bien assez compliqué comme ça!" Non seulement je le crois mais je le sais. Il y a, dans les fonctions d'élus depuis plusieurs années, un niveaui de complexité atteint qui est assurément impressionnant. Le problème est l'effet induit: involontairement - je souligne le mot- ils deviennent des techniciens. Avec tout ce que cela véhicule de difficultés à une communication large. Et il y a là une difficulté que l'on a alors le choix soit de contourner - c'est la thèse dominante: "n'en parlez pas"- soit de prendre de face.

    Souvenir encore une fois: je refuse un jour de publier le compte-rendu d'un conseil municipal non pour embêter le maire mais parce que - retraçant le PLU- il était absolument illisible. J'ai passé de longs moments au téléphone avec ce maire pour donner au texte une tournure lisible.

    J'ai un autre souvenir non moins amusé lorsque nous avions publié un rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du Parc Naturel Régional du Vercors. J'eus la présidente au téléphone - femme charmante. Et elle fut aussitôt convaincue que je-ne-sais-quel fuite organisée était à l'origine de cette publication, alors qu'il suffisait d'aller sur le site internet de la Chambre Régionale des Comptes.

    C'est là la vraie ligne de démarcation entre les deux thèses qui s'affrontent car, contrairement à un procès d'intention qui m'est intenté de façon récurrente, je n'ai aucun mépris à l'encontre du monde des élus, tout au contraire souvent beaucoup d'empathie, je déteste le populisme, simplement je ne contourne pas les difficultés.

    Et là se pose un immense problème de pédagogie vis-à-vis de l'ensemble de la population, affreusement chronophage. De ce point de vue, l'expérience saillansonne va être intéressante. On me dit que les différentes commissions ouvertes à la population sont pleines de monde. C'est excellent. Il faut voir combien de temps ça durera et surtout la compréhension des problèmes que cela diffusera dans la population.


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  • La démocratie sans éléganceMon petit pays est le bassin de la vallée de la Drôme - je pense à la rivière, non au département. Ce bassin est divisé en deux communautés de communes l'une à l'Ouest connue sous le nom de Communauté de Communes du Val de Drôme, l'autre à l'Est, connue sous le nom de Coeur de Drôme.

    Il y a eu des élections municipales et, par contre-coup, la composition des deux assemblées dirigeantes de ces organismes a été changée. J'en ai déjà parlé dans ce blog. Et c'est ainsi que j'ai été amené à raconter comment un perdant d'une élection municipale (Robert Arnaud à Grâne, devenu minoritaire dans ce conseil) s'était vu bombardé vice-président de la CCVD. Je n'avais rien vu. Car voici que Coeur de Drôme nous fait le même coup, rattrapant le perdant  (lui aussi, donc minoritaire dans son conseil) de la municipale de Saillans, conseiller général par ailleurs, en lui confiant à lui aussi une vice présidence qui est refusée au gagnant de l'élection.

    Naturellement, c'est légal.Mais c'est d'une inélégance suprême. En clair, les électeurs se sont faits avoir. Ils ont manifesté un choix. Les élus, entre eux, en ont fait un autre. C'est une manip minable. Si on veut que les électeurs se distancient davantage encore des politiques, on n'a qu'à continuer comme ça.

    Naturellement derrière tout cela, il y a des enjeux. Dans le premier cas, il s'agit de conforter la très juste majorité du président sortant, Jean Serret. Dans le deuxième, il s'agit probablement de sauvegarder la médiocre position du bénéficiaire, François Pégon qui, l'an prochain, avec le nouveau découpage cantonal sera contraint soit de renoncer à être conseiller général, soit de se présenter ailleurs ce pourquoi il a besoin de titres ronflants.

    Accessoirement (?) et dans les deux cas, il y a une dimension financière puisque l'indemnité de vice-président est tout de même de 1200 euros.

    La démocratie sans une certaine élégance dans le respect des règles du jeu prend vite un côté détestable. C'est le cas en l'espèce.

    Au passage, je signale une information fort intéressante:le nouveau maire (sans étiquette) de Lans-en-Vercors s'est octroyé une augmentation significative de son indemnité le passant à  1525 euros .Le motif de fond fait réfléchir:Étant donné qu'il doit rembourser sa maison, si son taux d'endettement dépassait les 35% de son revenu, il serait contrait de la vendre. Oson élection le contraint, semble-t-il à une perte de salaire. Il y a là derrière toute une question sur la matérialité de l'exercice d'un mandat. Je me souviens fort bien d'un très grand maire de notre région (grand par l'action qu'il mena) qui avait en famille une entreprise de bâtiment qui a perdu des marchés d'une part parce qu'il avait moins de temps pour s'en occuper, d'autre part parce qu'il ne pouvait décemment pas soumissionner à des marchés publics dans sa propre commune. C'est une vraie question.

    Et bien le bonjour à ceux qui m'accusent de populisme primaire.

     

     

     

     

     

     


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