• Messieurs les présidents, il faut que vous sachiez...Messieurs les présidents, il faut que vous sachiez...En 1983, le philosophe Jean-Paul Dollé avait publié un excellent livre aux non moins excellentes éditions Lieu Commun de l'encore moins excellent Jacques Bertoin (hélas décédé), qui s'intitulait "Monsieur le Président, il faut que je vous dise..." C' était une attaque contre une vision caricaturée du monde de l'entreprise (je devrais dire "monde de l'entreprendre") systématiquement présentée comme le lieu de l'exploitation, de la triche et de l'abus. Précision capitale: Jean Paul Dollé était non seulement marxiste mais de surcroît maoïste. C'est dire qu'il y avait de quoi être surpris de le voir embarqué dans cette galère. Il avait un argument tout à fait étonnant: l'entreprise, écrivait-il, est un des lieux les plus laïcs qui soit, puisqu'on ne peut pas y croire au Bon Dieu pour obtenir ses résultats, mais en soi-même seulement pour réussir.

    Les multinationales trichent pendant que les autres sont à genouxEXASPÉRATION.- Je ne peux pas cacher que c'est une opinion qui m'a marqué et conduit en particulier dans l'exaspération où je suis de voir le monde politique dans une ignorance crasse, honteuse, scandaleuse de la petite entreprise qui ne l'intéresse aucunement et au contraire dans une fascination de la grande entreprise dont je me demande tout simplement si elle mérite ce nom.

    Messieurs les présidents, il faut que vous sachiez...Le niveau de déformation de la réalité du monde de l'entreprise est saisissant. Regardez ce tableau et dites moi s'il est conforme à ce que vous lisez dans votre journal, à ce que vous entendez des politiques sur l'état de l'économie. La réponse est évidemment non. Qui parle des entreprises dormantes, sans salarié? Qui parle de plus du quart de la population salariée dans des entreprises de 1 à 9 salariés?  Ce que vous voyez filmer, ce dont on vous parle c'est de 0,00014% des entreprises ou dans le meilleur des cas de 0, 06%.

    Les multinationales trichent pendant que les autres sont à genouxREVENONS SUR TERRE.- Ah oui, va-t-on me dire, mais tout de même, les grosses entreprises emploient tellement que cette distorsion est normale. SVP revenons sur terre: le tableau ci-dessous à droite est très éloquent. Non seulement les petites entreprises sont les plus nombreuses - ce qui est évidemment normal- mais ce sont celles de la catégorie qui emploie le plus.

    En conséquence, lorsqu'on a dit: Renault, Peugeot, l'Aérospatiale, on n'a pas dit tant que ça.

    Or l'inégalité honteuse de traitement entre les différentes catégories d'entreprises est telle qu'à un moment donné, on se demande si on parle de la même chose. Cette réflexion m'est venue à l'annonce des fuites sur le traitement fiscal très particulier dont ont bénéficié des groupes gigantesques au Luxembourg. Il n'est pas acceptable que l'on se pâme devant les performances de tel ou tel de ces grands groupes - Messieurs les présidents, il faut que vous sachiez...performances technologiques ou économiques- lorsque leurs vraies performances consistent à ne pas se soumettre aux mêmes règles.

     

     

    Les multinationales trichent pendant que les autres sont à genoux"NON FAUSSÉE"? .- La théorie libérale à l'état pur, comme l'on sait, c'est d'établir une concurrence "libre et non faussée". Là-dessus, on repassera. La réalité de la situation telle qu'elle ressort de l'affaire luxembourgeoise est qu'il s'agit de fausser autant que possible le jeu. Un très célèbre groupe français du bâtiment est connu d'abord pour avoir d'excellents avocats qui contestent tous les points des contrats le liant à ses clients. C'est là sa principale performance. Quelles sont celles des entreprises que vous pouvez connaître qui ont les moyens de se payer un bataillon d'avocats? Et naturellement, tous ceux de mes lecteurs qui ont eu à faire avec des géants de la téléphonie ou de l'assurance en connaissent la touchante loyauté vis-à-vis du client.

    On est là dans le très concret de l'inégalité dans la compétition. J'avoue avoir espéré un moment que la gauche aurait une action décisive, magistrale,  pour la petite et moyenne entreprise. Mais, tétanisée par sa frange la plus ultra qui n'aurait jamais accepté que l'on s'intéresse à l'entreprise - comme si l'économie était une sorte d'abstraction- elle n'a pris que des mesurettes. La droite c'est au moins plus clair: elle émarge aux multinationales. M. Dassault est sénateur de quel groupe politique déjà?

    Les multinationales trichent pendant que les autres sont à genouxGARAGE.- On se gave de l'histoire de Microsoft qui, parait-il, a débuté dans un garage, mais, même si je veux bien prendre acte d'un effort de simplification apparemment très contesté, aucun pouvoir n'a le courage de prendre ça vraiment à bras le corps. Ce qui débute, débute forcément petit. Si tous les efforts ne sont pas concentrés à ce stade là, auprès des plus petits, on n'arrivera à rien. Et même une fois la naissance bien acquise, c'est là que doivent se trouver les soutiens. Au nom des fameux 27% de salariés qui, sans possibilité d'influence politique, y travaillent. Il est évidemment consternant que le Medef prétendent représenter ce monde, lui qui est envahi de cadres du plus niveau qui ne possèdent rien du capital de leur entreprise et qui n'y risquent par conséquent vraiment pas grand chose...à part un parachute doré. Mais force est de constater que le jeu des financements de partis, des relations, des camaraderies d'écoles fausse absolument une juste représentation de la réalité des forces économiques du pays.

     

     

     

     


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  • Je suis épouvanté par le désert de presse qui s'annonce. L'Express et l'Expansion à vendre! La New Republic, vénérable institution américaine dont tous les rédacteurs prestigieux ont démissionné parce qu'ils refusaient la politique sensationnaliste sur le net imposée par une nouvelle direction. Partout où l'on pose le regard, on voit s'effondrer des titres. Arte a pu faire un documentaire spéculant sur une prochaine disparition de Libération.

    Or, il faut bien voir, une fois pour toutes, que tout ne se vaut pas. Je suis bien désolé mais des sites internet DE RÉFÉRENCE - non pas du grand n'importe quoi- c'est rarissime. Pour être honnête, je n'en connais pratiquement pas. La bonne nouvelle que constitue, au grand mérite de son fondateur, Médiapart est une pépite dans un océan de merde.

    Dans le désert de presse qui s'annonceDE BEAUX RESTES.- Certes, me dira-t-on, mais il y a aussi un océan de médiocrité dans la presse telle qu'elle est. D'abord, j'en suis moins sûr qu'on ne le dit dans ce discours systématiquement dévalorisant qui court l'époque. Il y a des excellents journaux. Books est remarquable. Courrier International est d'une grande richesse. Les Échos (qui à ma connaissance, ne vont pas bien non plus) sont bien conçus dans leur genre très particulier. Le Monde a tout le même de beaux restes... La liste reste longue.

    Dans le désert de presse qui s'annonceCe qui est en cause, ce sont d'abord paradoxalement un ensemble de phénomènes physiques. D'abord, si on admet que la seule chose qui n'a pas varié, c'est le nombre d'heures dans une journée, il faut prendre acte que  sur ce nombre d'heures dans une journée, le temps passé sur internet a pris une part non seulement croissante mais stupéfiante: 4,1 heures par jour (ordinateur), 1 heure (mobile). Comment trouverait-on le temps de lire, si l'on doit tenir compte de ce qu'on travaille tout de même et qu'en plus on regarde abondamment la télévision?

    Par ailleurs, la diminution drastique du nombre de points de vente (notamment parce qu'ils perdent des commissions sur des ventes de presse en baisse) réduit évidemment les chances du simple citoyen d'acheter un journal. Enfin, la sensible détérioration des prestations de La Poste pour la livraison des journaux fait que les abonnés désertent.

    Dans le désert de presse qui s'annonceILLUSION.- On me dira que ça n'est pas grave, que des sites internet vont remplacer la presse. Non. C'est une illusion. Parce que pour qu 'une presse solide et sérieuse existe, donc pour qu'elle rémunère ses rédacteurs qui fassent un travail consistant de collecte et de vérification de l'information, il faut que les sites en question soit drainent des masses significatives d'abonnements, soit représentent des bassins de clientèles suffisants pour que les annonceurs veuillent bien suivre. J'ai eu l'occasion de montrer ici que les sites qui marchent vraiment, ce sont ceux qui paient du personnel. S'agissant de la meilleure des hypothèses, c'est à dire la souscription d'abonnements, il se trouve que nous avons une réponse paradoxale par le succès de Médiapart qui revendique en France entière 100 000 abonnés. Bravo. Mais ça veut dire, par conséquent autour de 1000 abonnés par département (encore ce raccourci est-il dangereux étant donnée la surreprésentation vraisemblable de la région parisienne, région de pouvoir, dans ces 100 000). Je défie quiconque de monter un média solide et crédible dans un département avec 1000 abonnés (ou alors, c'est, à une échelle nationale et non départementale, comme Presse News, avec un abonnement autour de 450 euros). Il en faudrait bien plus pour réunir les sommes nécessaires.

    Envisageons maintenant, l'éventualité d'un financement par la publicité. On peut penser que les grands annonceurs suivraient, mais pas  l'immense masse des petits, cette solide publicité locale qui est autant indispensable au média parce qu'elle est fidèle, qu'à l'annonceur (le plombier, l'électricien, etc...) parce qu'elle lui maintient une visibilité. Dans les modes mêmes de sa publicité (clips de grands parfumeurs, de marques automobiles), internet n'est pas du tout adapté à ce public. Ce sont des annonceurs qui veulent un mode de publicité simple, élémentaire même. Internet ne sais pas faire ça. Et le plombier ne tournera pas de clip.

    Ne nous y trompons pas. Ceci va avoir des effets induits qu'on a déjà  vu ailleurs par la constitution de grands groupes qui auront, eux, les moyens  d'une communication globale. Comme l'on sait, une partie de la grande distribution ou des transporteurs fonctionne déjà comme ça (Intermarché avec des investisseurs locaux mais rattachés à une centrale nationale). Par ce biais tout à fait secondaire de la communication, nous allons assister à des regroupements qui feront perdre son âme locale, leurs vraies personnalités à des prestataires de service.

    Dans le désert de presse qui s'annonce 

    Si vous voulez savoir pourquoi on ne lit plus du papier regardez cette photoDU VOL.- Donc, en tous cas localement, je ne crois pas à une économie équilibrée de la presse internet seule (appuyée à un média préexistant, c'est autre chose). Rappelons, par exemple, qu'à Dijon un site qui se voulait un média autonome annonçant les activités des forces locales, à côté d'une fonction journalistique classique, s'est effondré. Idem pour un groupe de sites internet sur le même principe fondé à travers toute la France par le Télégramme de Brest. Les actuels sites internet des journaux ne marchent que parce que les équipes des journaux papiers se dédoublent. En clair, le papier finance internet. Il faut bien voir que les grands succès d'internet en matière d'information ont été financés par le vol. Par exemple, le grand succès des portails Google news, ou Yahoo news qui reprennent sans vergogne les titres de journaux, faits et donc financés par d'autres, est profondément choquant. Il y a du mérite à créer de nouvelles formes d'économie, pas à voler les autres.

    Dans le désert de presse qui s'annonceOn peut dire que peu importe la disparition de la presse dans la mesure où on n'aime pas les articles des journalistes. Mais il y a toute la fonction sociale de la presse: l'annonce des activités des groupements, associations, sociétés, syndicats. Une fois encore pour qu'on puisse transférer cette activité de porte-voix sur le net, il y faut un financement. Je viens de démontrer que les modes actuels ne fonctionneraient pas. Alors, on me dira que reste ouverte l'éventualité d'un financement public (donc soumis au politique). En dehors du fait que, dans le contexte présent, cette éventualité est comique, cela ne nous garantit pas que le lien de confiance, la vocation fédératrice de la presse seront maintenus.

    Lu sur un site pourtant actifJe vois bien la grande indifférence que suscitent ces considérations en général. Peut-être faudrait-il cependant que chacun réfléchisse bien à ce que signifierait très concrètement l'impossibilité pour les troupes de théâtre locales, les associations, les groupes sportifs, les mouvements politiques d'annoncer leurs activités. Acceptons l'idée du désert de presse. Mais avec lui le désert de tant d'activités?


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  • Bon sang de bonsoir, quelle est cette fascination pour des projets gigantesques? On disait :"small is beautiful". On ne dirait pas.  Résultat: à Roybon, à Sivens ou à Crest, ces projets font peur.

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  •  Les administrations se désengagent. Les élus locaux doivent les remplacer. D'où le sentiment qu'ils sont de plus en plus éloignés des préoccupations des gens. Qu'ils le veuillent ou non.

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  • La blogosphère suscite de la confusionIl faut parler clair, utiliser les bons mots dans leur sens véritable. Le net est une grande fabrique de désordre dans la compréhension des choses et particulièrement la blogosphère. On voit bien que derrière la dynamique du net, il y a l'idée que n'importe qui ou n'importe quoi peut être source d'information. Non, fermement non. Une information est une donnée qui a été recoupée, soupesée. Cela exige du travail et donc, à un certain moment, sauf si on le fait légèrement, de l'argent.

    Mais, me dira-t-on, il y a des centaines de milliers de sites qui diffusent des informations notamment sur ce dont ils émanent, groupements, entreprises, organes militants. Je récuse cela absolument. C'est de la communication qui est clairement le cache-sexe de la propagande. Il faut réutiliser les bons mots: lorsqu'une association militante follement sympa diffuse des données sur les choses formidables - évidemment- qu'elle va entreprendre, c'est la propagande. Le fait que tel ou tel organisme bénéficie d'un préjugé favorable ne dispense d'aucune vérification de son "information".  Ou alors c'est du parti pris. La confusion entre information et communication est devenue intolérable. Première mise au point.

    La blogosphère suscite de la confusionRIEN N'EST GRATUIT.-Deuxième mise au point qu'impose, je crois, la confusion généralisée du net: rien n'est gratuit. En tous cas pas la vraie information. Non seulement il est légitime mais il est indispensable qu'une information soit payante. Sinon, elle est suspecte. Car il y a gros à parier qu'elle a été torchée en deux temps, trois mouvements, sans souci de vérification et de mise en perspective. Médiapart oui, là on ne triche pas, il y a du boulot. Et de même pour les sites crédibles qui ont du dépenser de l'argent pour aller chercher les faits et les mettre en perspectives.

    La blogosphère suscite de la confusionJe refuse absolument de mettre sur pied d'égalité le travail sympa, passionné, militant de celui qui veut tirer au clair un sujet et celui d'un gars qui a l'expérience des sources, l'expérience de leurs manipulations (ça arrive), qui sait où vérifier, etc. Je refuse que l'on dise que tout est égal à tout. C'est exactement comme l'érotisme et la pornographie.

    L'enjeu véritable, le seul à la fin des fins, est que chacun puisse penser par soi-même sur des bases solides. Non pas sur la base de la propagande des autres. J'ai dit ailleurs ce que je pensais de la construction des grands mythes à partir desquels nous serions censés nous situer. Notre seule vraie liberté est de nous construire nos propres convictions.

    La blogosphère suscite de la confusionVIEUX RÉAC.- Je sais pertinemment que ce que j'écris là ne rencontre absolument pas l'adhésion du plus grand nombre. Le net et ses théoriciens, voire ses profiteurs, ont laissé se diffuser l'idée - voire l'ont promu- que la gratuité était la liberté. Nouveau concept qu'on manipule. C'est faux. La gratuité telle qu'on la pratique sur le net peut signifier deux choses: d'une part celui qui paie vraiment, à la fin des fins, est un bénéficiaire masqué de la diffusion de la donnée en cause; d'autre part l'intention apparemment généreuse de la diffusion est au mieux militante, au pire manipulatrice. Il est désolant de voir des mots de progrès - "liberté"- et des concepts généreux - "partage"- masquer en réalité des pratiques qui sont coupables.

    Je suis totalement indifférent à l'idée de passer, écrivant ceci, pour un vieux réac. On sait bien que les dictatures ont toujours eu pour activité première de changer le sens des mots. Le net est objectivement une "dictature molle" que nous sommes contraints d'accepter parce qu'il offre d'incontestables avantages. Mais nous ne pouvons accepter, sans en être conscients, le changement de sens des concepts.

     

    PS: Ce site est très clairement un site de commentaires et non d'information pour l'excellente raison que je ne dispose pas des moyens de garantir, par des recherches suffisantes, des informations solides. Oui à l'information il faut de l'argent, le reste est mensonge.


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    Ils ont perdu la foiIls ont perdu la foiConversation avec André Kaplun, sympathique genevois, jadis, je crois, dans les affaires, qui, dévoré par la passion de l'archéologie sort, régulièrement, des petits livres de vulgarisation sur le sujet. Slatkine republie ces temps-ci son livre sur Sumer et vient de publier un nouvel opus sur les Hittites. Et je découvre que ce peuple d'Anatolie qui eut un Empire assez grand pour menacer l'Égypte s'est littéralement évanoui. On n'explique guère cette disparition. L'hypothèse qui court actuellement, me dit André Kaplun, c'est qu'ils auraient cessé de croire en leurs dieux, ne les trouvant pas assez protecteurs. Si je comprends bien ce que je lis ailleurs, le grand empire éclata en un ensemble de petites cités respectés, mais n'ayant plus le même rayonnement.

    J'ignore absolument si cela est vrai mais cette histoire me plaît beaucoup. Tout récemment encore je postais un texte sur les mythes. Eh bien celui-là, j'y adhère. Il m'aide à comprendre. Je crois assez que les dieux n'existent que par le coefficient de confiance qu'on leur accorde. On pourrait même aller plus loin en disant qu'ils SONT le coefficient de confiance qu'on leur accorde.

    Dans cette perspective, on comprend mieux les exaspérations de tous les milieux qui ont dit, notamment après la Révolution et avec des reprises périodiques que la société était foutue parce qu'on ne croyait plus en Dieu. C'était des gens qui marchaient comme les Hittites dans leur tête.

    En fait, le mot important n'est pas dieu, ni Dieu, mais confiance. Et dans la grande crise de confiance généralisée que nous vivons, il faut y réfléchir à deux fois.


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  • Nous avons tous besoin de mythes, de belles histoires qui nous racontent. L'actualité nous le rappelle sans cesse. Choisissez celui qui vous plait: celui du Grand Israël, de nos ancêtres les Gaulois, de Guillaume Tell ou d'une terre arabe - l'oumma- qui devrait être consubstantiellement musulmane. Tout ceux-là sont des constructions. Souvenons-nous de Napoléon III qui paie, sur sa propre cassette, des fouilles archéologiques pour qu'on retrouve des traces de la bataille d'Alésia. La vérité est que le personnage de Vercingétorix (PHOTO) nous est très mal connu. De même que l'existence véritable de Guillaume Tell est hautement douteuse. Le mythe du Grand Israël ne se comprend que par opposition aux terribles persécutions antijuives qui nécessitaient comme en réponse un espoir d'autant plus grand.Et ainsi de suite.

    VercingétorixLorsque les grands mythes servent à gagner les électionsPART DE VÉRITÉ.- Le problème est que la quasi-totalité des grands mythes (peut-être pas l'Atlantide) comporte une part de vérité. C'est même une des conditions pour qu'ils marchent. Il y eût assurément une résistance acharnée de certaines tribus gauloises aux troupes romaines. On le sait par César. De même de la part d'Helvètes face aux fonctionnaires de l'Empereur du Saint Empire Romain Germanique. Et il est encore assuré qu'il y eût des juifs dans tout le Proche Orient, dont la Palestine. Ou encore que les Arabes se sont taillés un succès qui a du les éblouir eux-mêmes dans tout le Proche-Orient. A partir de là, on brode. On est dans le roman. On gomme les détails gênants Deux exemples à propos de l'inventaire que je viens de faire: les musulmans se gardent bien de dire que l'ahurissant succès que leurs troupes remportent en Afrique du Nord doit beaucoup à ce que les troupes qui gagnent victoire sur victoire appartiennent à des formes dissidentes de l'islam contre des populations qui elles-mêmes sont en dissidence. C'est toute l'histoire du "donatisme" en Afrique du Nord (du nom de l'évêque Donat), dissidence de la chrétienté qui se considère comme plus pure que la chrétienté romaine. Ce qui fait qu'en quelque sorte, "entre dissidents" on s'est très vite entendu. Et beaucoup de victoires sont bien plutôt des ralliements. De même, assurément, il y eût des juifs en Palestine, mais en Palestine notamment. Il y eût les royaumes juifs du Yemen (vers lequel ne va tout de même pas aujourd'hui la revendication du Grand Israël) , les formidables colonies juives d'Alexandrie, de Babylone et d'ailleurs. C'est à dire que de deux choses l'une: ou bien on revendique un lien exclusif avec tous ces territoires ou bien... on reprend un magnifique récit mythologique, celui de l'Ancien Testament, en affirmant que chaque phrase est vérité historique.

    Lorsque les grands mythes servent à gagner les électionsPERSONNE N'A LES CUISSES PROPRES.- Nous nous sommes tous servis au moment opportun de ces grands mythes. Lors de la guerre de 14, nous avons ressorti les Prussiens barbares. Beaucoup plus près de nous Sarkozy a réactivé les "racines chrétiennes de l'Europe", mélange confus de vérités, d'approximations et d'oublis. Donc personne n'a les cuisses propres. Comme dit très bien le titre d'une émission: il y a bien fabrique de l'Histoire.

    L'affaire a repris de l'acuité ces derniers jours lors de la crise ministérielle israélienne qui va aboutir à des élections législatives en mars prochain. Avec le risque de Netanyaou s'ancre davantage encore du côté des grands fabriquants de mythes que sont les ultra-religieux. Il est juste de dire que toute une partie de l'opinion israélienne est opposée à cette idée, à commencer par les deux ministres qui ont été virés du gouvernement. Mais en situation de grande détresse psychologique collective comme c'est le cas en Israël, en ce moment (mais comme ça l'est globalement au Proche-Orient) la réactivation des grands mythes est une arme dévastatrice. Voyez l'horreur de l'État Islamique.

    Et nous ne devons jamais perdre de vue que le fameux "story telling" des officines politiques active les mêmes ressorts. On ne fabrique peut-être pas des grands mythes, mais des petits mythes. Peut-être moins dangereux, mais dangereux tout de même. Je n'en ai qu'une admiration plus vive pour tous ceux qui tentent de raison garder.

     


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