• Source HaaretzLes propos purement et simplement délirants de M. Netanyahou, le premier ministre israélien, quant à la responsabilité du grand mufti de Jérusalem dans le choix de Hitler sur la "solution finale" portent une nouvelle fois gravement atteinte à la communauté juive mondiale. En effet, dans la mesure où on lui assigne - et le gouvernement israélien en premier- une manière de devoir de solidarité vis-à-vis d'Israël et de ce qui le représente, on la place dans une situation impossible face à des propos ineptes, un mensonge ÉNORME, que, du reste, des historiens juifs comme non juifs se sont empressés de ridiculiser. Les fameux propos litigieux ont été tenus devant le congrès sioniste mondial. J'imagine le moment d'intense malaise qui a du traverser l'assemblée. On ne peut pas s'empêcher de se demander dans quelle mesure il cultive cette outrance pour conserver une place sur la scène.

    Je n'ignore aucunement qu'une part significative, mais minoritaire, du monde juif est plus que réservée vis-à-vis des politiques menées en Israël. C'est pour beaucoup, du reste, dans la constitution de mouvements "non alignés", comme J Street, qui veulent conserver une liberté d'appréciation sur toute chose se déroulant en Israël. Liberté qui est du reste assez mal vécue par les Israéliens eux-mêmes: il suffit de lire les courriers de lecteurs de la presse israélienne pour y voir embrochés les juifs de l'extérieur qui seraient tous de doux rêveurs et d'affreux gauchistes.

    Mais avec ce raisonnement, je suis dans le subtil. Je catégorise et je ratiocine. La grande masse du public, elle, impressionnée, il faut bien le dire, par des manifestations un peu rapides de solidarité de certains juifs de la diaspora vis-à-vis de n'importe quelle décision du gouvernement israélien, va, dans un mouvement englobant, jeter le bébé avec l'eau du bain. "Tous pareils", va-t-on entendre. Et personne ne lira les protestations, pourtant unanimes de la presse israélienne. 

    Netanyahou est le pire ennemi de la communauté juiveCe qu'il y a de terrible dans l'affaire est que Netanyahou c'est qu'il ruine complètement la crédibilité de sa propre parole et, accessoirement, celle du pouvoir à Tel Aviv. Imaginons que demain, il dise quelque chose d'absolument raisonnable sur sa politique, plus personne ne voudra seulement l'écouter. En dehors du fait que sa propre politique est contestée par des manifestations sur place, je devine bien que ce genre d'esclandre ne peut qu'accroître un pénible sentiment d'isolement dans la population. Diana Pinto (photo) dans un excellent livre, "Israël a déménagé", rendait bien compte de ce sentiment de malaise, même si c'était sous un angle singulier. Accessoirement, si j'ose dire, ce lamentable épisode va accentuer la défiance généralisée du public vis-à-vis des dirigeants de premier plan et de leur parole. Je signalais récemment ce qu'il en était de Bush et Blair dont les mensonges sur la guerre en Irak sont définitivement établis.

    Et pendant que Bibi fait tout se vacarme, une information passe complètement inaperçue. L'autorité chargée de conseiller le gouvernement israélien en matière nucléaire, s'opposant frontalement à lui, trouve l'accord sur le nucléaire pertinent et garantissant que les Iraniens ne basculeront pas dans le nucléaire militaire

    Netanyahou est le pire ennemi de la communauté juivePour conclure en revenant à notre affaire, il est un peu pénible dans un même ordre d'idées de voir ce petit jeu contemporain à franchir les lignes sans arrêt. Qu'Éric Zemmour, qui se définit lui-même comme "juif d'origine berbère", ait osé écrire que Pétain avait protégé les juifs français ce qui a contraint Robert Paxton à remettre les points sur les i, est consternant. Dans mon petit pays, un peu à l'écart, où on en a tant cachés, on n'a pas beaucoup apprécié. Je suggère à ce bruyant connard radiophonique de lire Persécutions et entraides dans la France occupée, de Jacques Sémelin, qui à la fois lui remettra les idées à l'endroit et est un bel hommage à ceux qui, eux, ont protégé des juifs.

    P.S.: Je note, ce jeudi, une manifestation de mouvements juifs protester contre la manière dont l'AFP rendrait compte du conflit israélo-palestinien. Classique manoeuvre d'intimidation dont on voit des usages dans toutes les parties à tous les conflits.


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  • L'intervention russe aux côtés des forces syriennes tant par des bombardements que par des engagements au sol est un piège pour la Russie dont elle risque de payer un prix considérable. D'abord parce qu'elle fait formidablement le jeu de son adversaire supposé, Daesh, même s'il semble bien qu'elle frappe largement l'Armée Syrienne Libre. En effet, comment ne pas voir qu'elle offre aux islamistes radicaux l'image d'une croisade entreprise largement pour ses propres intérêts? 

    C'est exactement ce que Daesh souhaitait. Il semble même que des popes orthodoxes aient été assez sots pour bénir des combattants au départ et, en tous cas, des photos bidons circulent sur le net où l'on voit des soldats russes sur des chars brandissant une croix orthodoxe. Il semble que la photo ait été prise dans le Caucase et que des esprits "bien intentionnés" se soient occupés de faire croire que c'était en Syrie. Quoi qu'il en soit, le mal est fait: le régime LAÏC honni de Assad apparaît comme soutenu par des troupes chrétiennes - et qu'elles soient orthodoxes n'y change rien. 

    Source: L'OpinionLe gros problème de la guerre est qu'elle coûte affreusement cher. Une estimation sur l'engagement russe se monte à 4 millions de dollars par jour: une paille. Petit rappel: lorsque nos avions sont intervenus en Lybie nos supposés alliés américains nous ont VENDU les bombes qu'ils larguaient. On a bien vu ultérieurement, par les protestations de l'état-major français, qu'il y a un vrai problème sérieux de l'état des finances de l'armée française. Alors que dire de la Russie, pays en déclin, qui souffre horriblement de la chute des cours du pétrole, et dont la population diminue drastiquement? Si on pouvait encore croire, comme on a tant tenté de nous le faire admettre au fil des décennies, que l'affaire serait pliée en deux mois, on pourrait saluer l'initiative russe et regretter l'absence d'engagement aussi important des puissances occidentales. Mais c'est le contraire qui est vrai. Les nations parties au conflit sont engagées pour des années. Curieusement, la Russie n'a tenu aucun compte de l'expérience afghane où, jadis, l'URSS s'est enlisée. Souvenons-nous de l'immensité du malaise que cela avait provoqué dans la population alors soviétique, au point de précipiter la chute du régime. Poutine a vraiment toutes les audaces. Par ailleurs, on serait prêt à parier que le risque d'attentats en sol russe vient d'augmenter considérablement.

    Nous vivons tous, malheureusement, dans l'illusion que tout se règle sur le court terme. C'est faux en toute matière mais particulièrement dans celle-ci. J'entends périodiquement des débats qui font remonter la cause de la situation aux accords Sykes- Picot, à l'issue de la première guerre mondiale. Ca n'est naturellement pas faux, mais c'est aussi vrai que de dire que les problèmes de Volkswagen remontent à l'invention du moteur diesel. L'espoir d'un équilibre au Proche-Orient ne peut être reporté qu'à vingt ans, au terme de souffrances terribles. Je redis ce que j'ai déjà écrit: Songeons que la Syrie a déjà vu partir un sixième de sa population, plus de quatre millions de personnes. On voit bien que le soin désormais des grandes puissances de se tenir à prudente distance d'engagements trop nets tient précisément à ce qu'elles on parfaitement fait ce diagnostic. Et ce qui les embête le plus profondément dans la crise des migrants est qu'elle risque de les contraindre à changer de position. De ce point de vue, on peut presque écrire que provoquer une monstrueuse vague migratoire est une tactique redoutable de Daech. Sauf que je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit à ce point pensé.


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  • Dans l'absolu silence de la presse, le livre du tandem Graciet-LaurentÉvidemment, après le scandale de leur acceptation vraisemblable de pots de vin, Éric Laurent et Catherine Graciet n'avait pas beaucoup de chance d'avoir droit à une ligne dans la presse. Et c'est tout de même très exagéré. Parce qu'il n'est pas mal.  J'avais dit ici et ici mon trouble devant cette affaire, dans la mesure où je connais personnellement un des auteurs. Le sentiment que le Maroc se vautre dans une atmosphère de corruption, de volonté, pour le roi et la cour, de faire de l'argent avec tout et, au total, d'un avilissement généralisé, ressort bien du texte. De ce point de vue il faut quand même le lire.

    Ce qui est vrai est que, connaissant désormais l'arrière plan qui a entouré cette publication, on perçoit ce qu'Eric Laurent a dit dans des interviewes postérieures à l'affaire: à savoir que le livre est écrit sans grand enthousiasme, un peu comme s'il était péniblement porté jusqu'au bout.

    Par ailleurs, le lecteur non initié se lassera, de temps à autres, d'intrigues qui, à l'évidence, concernent la vie politique intérieure du Maroc et dans lesquelles on se perd un peu. J'ai le vague soupçon que l'on doit cela à Catherine Graciet, notoirement (un peu trop) bonne connaisseuse de la vie du royaume. Pour autant quelle documentation, quel sentiment de révolte en songeant à l'ahurissant écart entre le revenu du petit paysan et celui de la famille royale, quel ridicule à ces mises en scène à la Potemkine lorsque le roi se déplace! Comment croire que dans une monarchie moderne, avec un roi instruit, on attende de l'entourage d'invraisemblables soumissions?

    Il reste une chose qui, une nouvelle fois nous donne l'occasion de nous élever contre la futilité de la presse francophone qui ne suit jamais les sujets qu'elle lance. L'éditeur nous avait annoncé que ce livre ne paraîtrait pas. Or le voici qui est tout sauf complaisant. Alors? Que s'est il passé? Étant donné qu'une part de manipulation a bien pu jouer, on aimerait avoir toutes les cartes en main.


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  • Adieu les armes de destructions massives, bonjour le complotL'obligation qui vient d'être faite à Hilary Clinton de révéler tous les mails qu'elle avait sur une messagerie privée a eu un effet totalement inattendu. En effet, s'y trouvent des messages datant de la présidence Bush et révélant qu'UN AN AVANT le déclenchement de la guerre en Irak, Tony Blair et George W. Bush étaient en train de comploter pour une opération militaire et que les services américains agissaient même... à l'intérieur du Labour Party pour bien s'assurer que des dirigeants appuieraient l'opération.

    Adieu les armes de destructions massives, bonjour le complotC'est l'effondrement de la thèse de l'erreur qui aurait été faite sur les fameuses "armes de destruction massive". C'est l'aveu d'une manipulation de tous les autres dirigeants du monde depuis la tribune des Nations Unies. C'est la définitive déconsidération de la parole officielle de ces deux dirigeants. On en trouvera les détails ici. Et les mémos qui sont ainsi révélés ne viennent pas d'un journaliste en mal de copie, mais de Colin Powell, ministre de George Bush.

    Quelques petites remarques accessoires. Mme. Clinton avait donc sous les yeux la preuve de la trahison de George Bush depuis des années. Elle ne s'en est pas servie. Ce qui accessoirement montre une certaine solidarité entre travaillistes britanniques et démocrates américains en dépit de ce que le Mail on Sunday appelle le "pacte de sang" entre Bush et Blair. Par ailleurs, s'il y en a qui doivent se mordre les doigts aujourd'hui d'avoir fait une campagne pour obtenir la révélation de ces mails, ce sont bien les Républicains américains. Quel effet boomerang! On souhaite bien du plaisir à M. Jeb Bush, frère de qui-vous-savez, pour la suite de sa campagne présidentielle. Enfin une curiosité: il semble que M. Colin Powell se rapproche de Mme. Clinton à propos de cette présidentielle de 2016. Ca n'a rien à voir?

     


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  • L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRELe flux incessant de migrants qui, traversant la Turquie, viennent en Europe a amené celle-ci à prendre langue avec Recep Tayyip Erdogan, le président turc,pour tenter d'enrayer le mouvement. Cela s'est traduit par un voyage de Mme. Merkel, seule, qui a rencontré M. Ahmet Davutoglu (photo), le premier ministre et le Président  Erdogan. 

    On reste dans un grand flou quant à ce qui a été réellement promis. Mais il semble bien que la chancelière allemande ait fait quelques promesses de soutien quant à l'examen de dossiers de l'adhésion de la Turquie à l'Europe.

    Il est absolument clair qu'on est, à cet égard, dans un moment important pour ce dossier. M. Erdogan est en campagne électorale. Il a besoin de donner le sentiment de victoires qui le valoriseraient. Une petite avancée ne peut que l'arranger. Par ailleurs, il a besoin de soutiens multiples quant à sa situation militaire. À sa frontière, une guerre civile fait rage. Son pays est, lui-aussi -et bien plus que les nations européennes- soumis à un flot de réfugiés.

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTRE

     

    En sens inverse, toutes les grandes puissances européennes ont besoin qu'on tarisse le flot. Par ailleurs, dans la mesure où elles sont menacées par des attaques terroristes, elles ont tout intérêt à se coordonner avec la police turque autant que faire se peut. 

     

     

     Il y aurait évidemment d'innombrables sujets qui devraient faire sourciller les représentants des vieilles démocraties: la question kurde, la question alévie, les tendances autocratiques du régime, etc. Mais il y a des moments où ça n'est pas le moment: nous y sommes. Par ailleurs, on serait tout-à-fait curieux de savoir quelles pressions peuvent exercer les Américains en ce moment car, eux aussi, ont besoin d'Ankara. 

    Donc, il est assez évident que les questions qui fâchent ne seront pas posées. Mais ni d'un côté, ni de l'autre. Parce que ça n'est pas en pleine campagne électorale que le régime va se fâcher avec le restant de l'Europe. Et cette question de l'opinion intérieure se pose tout autant pour nos nations où les populations ne sont globalement pas favorables à une adhésion de la Turquie (en dépit d'engagement très anciens pris à cet égard), mais sont, a contrario, très désireuses qu'on endigue les flux migratoires.

    L'ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'EUROPE REVIENT PAR LA FENÊTREBref, tout le monde doit céder un peu. Mais les cadavres dans les placards sont si nombreux qu'on ne pourra pas aller très loin. C'est un paradoxe. Parce que pour tous, vu l'urgence, il faudrait des coopérations approfondies. Il est manifeste que même si la guerre s'arrête demain matin, la Syrie, qui n'est plus un état viable, continuera de voir ses populations partir. Déjà 4 millions sur 22 millions! Et la carte ci-dessus est très éloquente: le fardeau sera, demain encore, terrible pour la Turquie.

    Par parenthèse, les comiques qui ne cessent de dire, un peu partout dans la vieille Europe, que la solution est de traiter le problème sur place feraient bien, eux aussi, de regarder cette carte. Le seul examen des chiffres montre qu'on est au-delà de toute solution qui se règlerait, comme ils feignent de le croire, par un claquement de doigts. Nous sommes devant une difficulté gigantesque (voir ici) et on en reparlera encore dans dix ans.

    Mais revenons à  cette situation où des pays qui ne s'aiment pas sont absolument contraints à la négociation. Et pas une petite négociation: les enjeux sont énormes. Ce dossier qui avait été bien caché aux opinions va nous revenir par la fenêtre. Et prendre de la place. Car il faut aussi songer que l'Europe ne peut absolument pas se permettre de voir la Turquie s'affaiblir, pire encore, s'écrouler. On n'en est certes pas là. Mais des attentats répétés, un pouvoir contesté et qui mène une politique autoritaire aventureuse, des millions de réfugiés, une économie qui, bien avant cette affaire, avait perdu de l'allant, ça mérite qu'on y regarde de près.


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  • Source: La Tribune de Genève

    Il était très frappant, dimanche soir, après le vote aux élections fédérales suisses - l'équivalent de législatives françaises- de voir que le site du périodique Bilan, expression des milieux d'affaires, pronostiquait que le vote qui venait d'avoir lieu serait mauvais pour la Suisse.

    En effet, deux droites ont gagné lors de ce scrutin: l'UDC, une droite nationaliste, très anti-européenne et les libéraux-radicaux (PLR) qui sont l'expression (avec d'autres) des milieux d'affaires, ouvertement pro-européens. Il faut rappeler que la première citée est la formation qui a mené avec succès un référendum pour restreindre la migration vers son territoire. Ce qui a ouvert un casus-belli avec les autorités européennes. Aujourd'hui, les relations avec Bruxelles sont très mauvaises. Le gouvernement fédéral a l'obligation de mettre en application cette législation restrictive ce qui va bloquer des négociations qui n'ont vraiment pas besoin de ça. Les conséquences des désaccords se sont déjà fait sentir: des crédits européens pour des programmes de recherche ont été supprimés, des équivalences de diplômes ne sont plus reconnues, etc.

    Il existe depuis très longtemps en Suisse une sorte de fantasme selon lequel il faut convertir les Européens au modèle fédéral suisse. En soi, ça n'est pas idiot. Cela pourrait se plaider si les autorités suisses participaient aux décisions européennes. Mais, il se trouve que, de façon stupéfiante, le peuple suisse a fait le choix, il y a des années,  de plaider cette cause en étant absent de la construction européenne, en restant sur le bord de la route. Le résultat, évidemment, est qu'il n'y a aucune espèce de chance que la thèse helvétique l'emporte auprès des gouvernements européens. 

    Il suffisait de suivre les forums divers ces jours-ci pour comprendre la rage de bien des intervenants contre une Union Européenne qui ne veut pas les écouter. Ce sont, bien sûr, ceux qui ont voté UDC. Il n'y a rien de plus clair que ce sont les choix anti-européens suisses antérieurs qui empêchent désormais la voix de ce pays de se faire entendre. C'est le bon sens même. Mais une espèce d'aveuglement a saisi une bonne partie du corps électoral.

    Source: Le TempsLa grande question est de savoir si la direction effective de l'UDC n'est pas parfaitement consciente de cette contradiction. Et qu'elle la cultive pour prospérer sur la colère populaire qui ne peut aller qu'en s'aggravant. Car mettons-nous un instant à la place des autorités européennes. Si un compromis n'est pas trouvé, elles ne pourront que constater qu'elles ont un partenaire résolument hostile. Donc elles ne lui cèderont sur rien. Je l'ai écrit: ça a déjà commencé. La Suisse, en se mettant dans la situation de ne pas participer aux décisions européennes s'est privée de tout recours.

    La seule solution est que le front des deux droites se brise, que la droite libérale s'allie avec des forces qui sont, en cette mi-octobre, perdantes, mais qui sont pro-européennes. Évidemment, une partie notable du corps électoral se sentirait trahie. Ca ne peut avoir que des conséquences délétères sur la vie politique suisse. Et qui sera gagnant dans la confrontation? L'Union Européenne détestée.

    Sans doute, le pays est en bonne santé économique, mais il est totalement dépendant pour certaines de ses activités - on l'a vu avec les banques- du bon vouloir des partenaires. Les États-Unis l'ont littéralement humilié pour cause de fraudes fiscales répétées. Lorsqu'on pèse 7 millions d'habitants, ça ne veut pas dire grand chose face à une Europe de 360 millions d'habitants. Ca devrait être simple à comprendre.


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  • Christoph Blocher, grand manitou de l'UDCNous sommes dans le temps du grand rétrécissement, du grand essorage. Rétrécissement de la pensée, rétrécissement du champ politique. Et, sans mauvais jeu de mots, on pourrait dire qu'il a rétréci au lavage. Lavage de slogans simplistes, essorage de toute pensée complexe. Tout énoncé de plus de 20 secondes est insupportable et tombe alors sur l'intervenant le jugement qu'il est un intellectuel ratiocineur, c'est-à-dire de gauche, c'est-à-dire suspect.  Car, en effet, à force de développer du bavardage loin de la simple vie quotidienne, la gauche s'est mise à véhiculer du creux, rejoignant du reste ainsi une droite dont la pensée est d'une vacuité sidérale. À croire qu'il y aurait une compétition dans le vide. Et la boutade mérite peut-être plus de considération qu'on ne lui en accorderait de prime abord. Tout se passe comme si l'argumentation attentive n'était plus d'époque. À noter que cette observation ne vaut pas pour l'Allemagne, où il semble bien que les Chrétiens-Démocrates s'attachent à d'authentiques valeurs.

    Il se trouve que viennent de se dérouler des élections au parlement suisse qui ont donné une victoire au parti le plus à droite de l'échiquier, l'Union Démocratique du Centre, l'UDC. Je donne ici son nom intégral pour bien marquer que ce n'est pas un parti d'extrême droite, c'est un parti qui s'est extrême droitisé, ce qui n'est pas la même chose. C'était, à l'origine une sorte de parti du bon sens paysan - car c'était un parti paysan- conservateur certes, mais pas plus méchant que cela. Seulement la haine paie (voir ici) et, lorsqu'on n'a pas grand chose à dire, mieux vaut y recourir. Alors, l'UDC s'est radicalisée. Et, en raison du rétrécissement dont je parle ici, elle s'est mobilisée sur les thèmes anti-migrants, xénophobes, anti-européens qui lui valent la victoire.

    Mais n'inversons pas l'ordre des facteurs. Ce ne sont pas le FN en France, l'UDC en Suisse, l'UKIP en Grande-Bretagne, le Vlaams Belang en Belgique, les partis au pouvoir en Pologne, etc - bref les partis de la détestation radicale (voir ici)-. qui ont entrainé le rétrécissement. C'est l'inverse. Il y a eu rétrécissement de la pensée publique DONC il y a eu victoire de ces partis. Il y a eu montée de la détestation d'abord. Le plus drôle est que ces partis revendiquent bruyamment une attache qui n'a pas grand chose à voir avec leur doctrine (si tant est que le mot doctrine s'applique à eux): ils font référence sans cesse à une Europe judéo-chrétienne. Franchement, je ne crois pas que le coeur du christianisme soit ce rejet massif de l'autre, ou ne soit cette propension à la détestation. Mais, en vérité, pour eux, ça n'a aucune importance, il s'agit seulement de rejeter un autre mythifié qui serait musulman (voir ici). Demain, il sera bouddhiste. Peu importe.

    Politique: le grand essorage
    Pour autant, il faut interroger cette vacuité que les gens raisonnables ont laissé s'installer.
    Car il est certes vrai qu'une certaine pensée pavlovienne de gauche, sempiternelle sur certains thèmes (sécurité, laïcité...) s'est épuisée. Elle a fait autant de mal qu'une pensée conservatrice. Pour l'excellente raison, qu'il n'y a pas de pensée conservatrice. Je suis bien embêté d'être assez d'accord avec un intellectuel de la droite ultra, Alain de Benoist, dans l'analyse qu'il propose ici. (À noter cependant qu'Alain de Benoist apparaît plus comme un électron libre depuis quelques temps que comme un vrai penseur de la droite ultra). La gauche des automatismes de pensée a fini par exaspérer.

    En vérité, tous les cadres de réflexion éclatent. Par conséquent, lorsque, de plus en plus rarement, ils votent, les électeurs le font n'importe comment, étant du reste entendu que demain, peut-être, ils voteront dans un sens notablement opposé. Et on ne voit pas bien pourquoi on le leur reprocherait: les pensées qu'on leur propose sont si faibles, si peu adéquates avec leurs vies, qu'elles ne font plus autorité.

     

    Voir aussi: Il n'y pas d'héroïsme au politiquement incorrect

    L'alibi du politiquement incorrect

     

     


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