• COMME POUR LES FUNÉRAILLES DE VICTOR HUGOCOMME POUR LES FUNÉRAILLES DE VICTOR HUGOAux funérailles de Victor Hugo, il y eût jusqu'à deux millions de personnes. Tous les historiens ont considéré que ce fut une grande manifestation politique (en un temps, il est vrai, où les réunions publiques étaient très réglementées et où les funérailles, qui ne l'étaient pas, pouvaient se transformer en meetings). Ce fut une manifestation d'attachement à la République de la part - entre autres participants- de gens qui n'avaient pas lu Victor Hugo parce que la lecture était moins commune, parce que les livres étaient chers, etc.

    Qu'a-t-on retenu? Le chiffre, c'est tout: deux millions. Il y a gros à parier qu'il y avait dans la foule de parfaits salopards, d'immondes dégueulasses. On s'en fout: il y avait deux millions de personnes. Aujourd'hui, je lis que tout un courant ne veut pas aller à la marche d'hommage aux victimes des deux tueries de Charlie et du supermarché kascher parce qu'il y aura d'infâmes salopards. Oui, ils y seront. Oui, ils y seront pour passer à la télé parce qu'ils ont des campagnes électorales en cours.

    COMME POUR LES FUNÉRAILLES DE VICTOR HUGOEt oui encore, Charlie a, à l'occasion, déconné dans sa ligne éditoriale. Mais on s'en fout quand même. Il y a un principe au dessus de Charlie. Il y a plus que Charlie. Et c'est pour ça qu'il faudra y être. Parce que Charlie a vécu d'un principe qui COMME POUR LES FUNÉRAILLES DE VICTOR HUGOpermet, entre autres choses, de dire merde à Charlie, de l'imprimer, de le faire circuler. Et il faudra y être pour que se retrouve côte à côte des juifs, des musulmans, des chrétiens, des rien-du-tout. En somme, des Français. Et pour que tous ceux là signent la défaite des malades qui ont flingué des dessinateurs et des otages.


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  • COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDJe suis assez frappé des indications que les services de police et de renseignement font filtrer dans la presse sur les assassins de Charlie Hebdo et du supermarché kascher (car, ne nous y trompons pas, si ces informations sortent, c'est parce que les services officiels le veulent). Nous sommes en présence d'individus frustres vis-à-vis desquels, de toute évidence, la fonction de formation de la société a foiré. Ceci a ouvert un boulevard à des gens qui les ont pris en main et dont certains, semble-t-il, étaient eux-mêmes d'un niveau culturel plus que modeste. D'autres par la suite, ont pris le relais, qui étaient autrement malins, sans que, pour autant, le message fut particulièrement subtil. Mais il était violent et ces garçons avaient envie de violence. Ou besoin. Pour venger quoi? Pour se prouver quoi? Parce que l'islam, excusez-moi, dans la tête de ces pauvres types, ça se résume à une feuille A4. Un peu léger, peut-être.

    COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDCOMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDEXACT CONTRAIRE.- Ceci conduit à la deuxième observation: tous sont passés- et pas qu'un peu- par la case du banditisme classique avant de bifurquer vers la délinquance terroriste. Pour cela, ils ont fait de la prison qui a manifestement eu pour effet l'exact contraire de ce pour quoi elle est faite. Elle a été une étape supplémentaire dans leur radicalisation.

    Je suggère à cet égard la lecture de tout Sorj Chalandon sur ce que fut la situation irlandaise. C'est rigoureusement la même chose. La prison de Long Kesh a été un campus pour les rebelles catholiques.

    J'entends déjà les donneurs de leçons très en vogue ces jours-ci qui vont me dire que je cherche à faire porter les responsabilités de ces assassins sur la société. Pas du tout. Je constate que nous avons deux dispositifs majeurs pour conduire un enfant vers une intégration: la formation au début, la prison s'il se met à dévier. Les deux se sont retournés contre nous. Si ça ne pose pas des questions, je suis prêt à manger ma chemise. Je veux bien que, pour jouer les affranchis, on ferme les yeux là-dessus, mais ça ne contribuera pas à solutionner le problème.

    Il est évident que depuis des mois on nous avertissait que des évènements de ce genre pourraient se produire. Et nous avons tous bien entendu qu'on est en train de nous annoncer d'éventuelles répliques. Après ce que je viens d'écrire, ce n'est pas étonnant. Des individualités qui sont très profondément désocialisées dans des quartiers terribles et des milieux familiaux pas à la hauteur, nous savons tous qu'il y en a des milliers. Et il y a tout de même un moment de lucidité à avoir sans tomber dans le culpabilisme complaisant: nous les avons bien fabriqués ces gaillards.

    COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDLAISSER POURRIR.- Qu'on ne nous dise pas que des centaines d'enseignants, des centaines de maires ou de petits élus n'ont pas tiré la sonnette d'alarme. Ce n'est pas vrai. En vérité, on se comportait par rapport à ce problème comme les grandes nations se comportent par rapport à des dizaines de conflits du monde: on les COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDlaissait pourrir tant qu'ils restaient, comme l'on dit, "à bas bruit".

    Là, soudain, c'est l'explosion. Mais dans trois mois? Le pourrissement " à bas bruit" aura continué. Sauf si les services de sécurité ont raison et que nous aurons des répliques nombreuses et sérieuses  dans les mois qui viennent. Bref, d'autres explosions.

    COMMENT SE TIRER UNE BALLE DANS LE PIEDMais que personne ne donne de leçons. Ce processus est lourd, long. Il n'y a pas un seul gouvernement qui n'ait fait le pari du "bas bruit". Il faut dire que ce pari coûtait moins cher. Moins cher en modalités d'éducation, en système efficace de sanction. Jusqu'à quelle hauteur allons nous payer l'addition maintenant? A voir.


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  • Les chipoteurs vertueuxJe suis légèrement fatigué des chipoteurs vertueux qui voient dans la grande marche de dimanche une manoeuvre de récupération parce que eux, bien sûr, ils voient loin, ils pensent haut. Ceci participe d'un esprit général de bavassage qui veut se faire passer pour une pensée.Les chipoteurs vertueux

    Il se trouve que je suis très sot mais que j'étais à la marche d'hier soir et que j'y ai trouvé de la simplicité, du mélange sans façon, presque de la joie - celle de se retrouver dans ce climat dégueulasse, bien sûr pas celle de se réjouir de tant de morts. Et si à cet instant il y avait eu notre député-maire avec lequel j'ai bien des désaccords, j'aurais tout simplement trouvé ça bien. Parce que je suis trop sot. Et, comme un con, j'aurais vu l'homme et pas le porte-parole d'un parti.

    Tout au contraire, je me réjouis que quelques heures, on envoie le message que les partis sont capables de se transcender, que les hommes politiques tout en étant certes politiques sont d'abord hommes, toutes ces choses qu'ils ont désappris à montrer depuis des éternités. Cette petite fenêtre que l'on ouvre et qui fait entrer un air que l'on ne sentait plus, fait un bien fou. Et il se peut bien que cette force spontanée qui emplit les rues demain bascule la table.

    Les chipoteurs vertueuxQue les intelligents, les subtils, le finauds m'accablent: une nation rassemblée, j'y vois moi au contraire une force terrible, une force que justement ces gens là ont perdu.


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  • Hier soir, alors que chaque minute tombait, sur l'écran de mon ordinateur des nouvelles de l'affreux massacre de Charlie Hebdo et de la mobilisation magnifique qui lui a été opposée, j'ai reçu un mail. Il venait de Madame le Maire de mon petit village. Il disait que ce jour à La France entière, grande ou petitemidi, nous étions invités à nous retrouver pour un recueillement au monument aux morts. Sur mon écran, scintillaient, juste à côté, des images de grandes villes d'Europe, noires de monde. Et ce fut alors comme si, moi qui suis loin, loin de ces belles avenues, de ces places magnifiques, je les recevais chez moi. La solidarité n'est pas que pour les lieux des intelligentsia. Elle est là aussi dans la France lointaine.

    Du monument aux morts de mon petit village, on a une vue imprenable sur le Vercors, le Vercors de la Résistance. Et il suffira tout à l'heure que je me tourne à droite ou à gauche pour que je voie autour de moi des fils ou filles d'anciens résistants que j'ai bien connus. Dans ma petite terre où l'on a caché tant de juifs, malgré l'énorme changement de population, c'est un peu comme si ce vieil esprit solidaire faisait partie de la chimie de la terre elle-même.

    Je ne veux pas dire - cela va de soi- que nous sommes mieux que d'autres. Je veux dire que c'est jusqu'aux tréfonds de la France que va le mouvement d'indignation. Il n'y a pas la colère des intelligents, des brillants, des intellos. Il y a la France entière, grande ou petite.

    Le dérisoire est toujours làPS.- Et un petit dernier pour la route. Le dérisoire est toujours là


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  • ET SOUDAIN PARTOUT LA PROTESTATIONIl y a l'horreur, mais il y a aussi la réaction. Des centaines de milliers de personne dans les rues qui disent qu'il y a des valeurs auxquelles on ne peut toucher. On pourra dire que rien ne compensera la disparition violente de talents remarquables. Mais je trouve infiniment stimulant que ce pays qu'on dépeignait comme amorphe, plein de doutes, perdu dans des débats identitaires, soit soudain capable de verser dans les rues des milliers de personnes en colère.

    ET SOUDAIN PARTOUT LA PROTESTATIONOn a l'impression qu'une horreur a fouetté des sens endormis, que la vieille fibre républicaine amollie se réveille. Les gens se caillent dans les rues, mais ils le font à la fois dans la gravité et - j'ose dire- dans le bonheur. Je ne parle bien sûr pas de bonheur face au deuil mais face à une idée qui se ravive et qui est celle qui nous lie. Brutalement, on regarde la mort de ces talents épatants autrement. On les voit comme des symboles qui vont entrer dans les livres. On se dit que, peut-être, quelque chose se fonde ce jour.

    Des discours las et répétitifs saturaient les ondes depuis des années. Et trois dingues, dont il faudra nous dire s'ils ont été manipulés, déchaînent la colère, ramènent à des vérités essentielles. Il fait - 15°. On s'en fout. On y va et on leur dit: ne touchez pas à ça!

    Et on se le dit d'autant plus que commencent à filtrer des données concernant les coupables (dont les réseaux sociaux nous donnent déjà noms, prénoms, dates de naissance et photos!). Et là quel spectacle! Quelle consternation! Quels pauvres itinéraires! Quelles dérives! Mais voilà: il a été possible - il faudra ET SOUDAIN PARTOUT LA PROTESTATIONque, sereinement les historiens nous disent comment- que ces esprits si vifs, si gais, si coupants dont nous nous délections, croisent des personnages devenus bêtes fauves. On se dit qu'autrefois, on les eût imaginés à des milliers de kilomètres de distance, dans d'autres civilisation. Ben non.


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  • André TrocméEffondréJe ne trouve pas beaucoup de forces pour écrire après l'attentat de Charlie-Hebdo. Je suis effondré par l'évènement en lui-même, la détestation de tant de talents qu'il implique, même s'il a pu se trouver que j'aie moi-même regretté tel ou tel dessin. C'est un principe qui est assassiné.

    Mais je suis effondré de la diffusion par certaines radios d'une haine anti-musulmane brute, où le plus petit discernement est absent, où se libère la joie de casser du musulman comme jadis on cassait du juif. UnEffondrée parole dégoulinante de haine se répand comme un litre de vin qu'on aurait cassé. Ceci révèle un besoin de rejet de l'autre qui est saisissant.

    J'ai l'impression que toutes les valeurs auxquelles je m'attache sont piétinées. Et il faut bien dire que je me sens tout petit. Il va falloir de grandes forces intérieures pour rester un républicain grand teint.

    Lorsque les troupes allemandes ont envahi la France en 1940, le pasteur André Trocmé dit qu'à cet évènement terrible, il fallait opposer les armes de l'esprit. Nous en sommes là. Mais la sommes des rassemblements qui ont eu lieu et qui ont rassemblé des foules immenses fait chaud au coeur.

    Ceci observé, une vieille réserve professionnelle me fait préférer d'attendre un peu pour qu'on clairifie avec une absolue certitude les origines de l'affaire.Effondré


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